Collection DIBICA Classique

Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.

Baudu, Benoît

1894-1966
Église Catholique
Bénin

Il a eu le temps de rêver de l’Afrique, Jean-Marie Baudu, ce jeune paysan breton, solide et enjoué, aîné d’une famille rurale. “Depuis mon bas âge j’ai ce grand désir de partir dans les pays de mission” (lettre du 21 juillet 1923). Il naît le 27 décembre 1894 à Saint-Just, en Île-et-Vilaine. Adolescent, il travaille à la ferme; jeune homme, il se prépare à partir, au noviciat des Missions Africaines, à Chanly (Belgique): il y prononce ses premiers engagements le 28 juin 1914, et reçoit le nom Frère Benoît. Tout est prêt. Mais étant de la “classe de 14,” il est mobilisé dès le début de la guerre. Il en reviendra, toujours aussi impatient de prendre le bateau pour réaliser son rêve. Il doit cependant encore attendre et rendre des services appréciés à Saint-Priest, près de Lyon, dans une maison de vocations tardives, et peu après à Pont-Rousseau, comme jardinier et chauffeur. Toujours la même réaction apaisée quand on lui demande de surseoir au départ: “Que la volonté de Dieu soit faite et non la mienne” (lettre du 24 juin 1923). Cette année-là, il est enfin désigné pour la Côte-d’Ivoire et fait ses adieux à sa famille…Un contre ordre l’oblige à rester encore à Pont-Rousseau. Heureusement l’année 1925 sera celle de l’Afrique.

Blessé

Auparavant, durant la guerre, il a été malmené; il reçoit le “baptême du feu” sur le front de la Somme; une fièvre typhoïde faillit l’emporter; puis la rougeole, la scarlatine l’obligent à un repos forcé. Volontaire pour les Dardanelles, il embarque pour l’île de Lemnos; puis c’est Salonique, la Serbie et le combat en rase campagne; une forte jaunisse le fait rapatrier en France. 1916: à Verdun, la bataille fait rage: “Je me suis vu le ventre au soleil, et pourtant il n’était pas encore levé, explique-t-il avec humour, étendu là, avec une jambe cassée.” Après de longs soins, elle se trouve raccourcie de trois centimètres: voilà pourquoi on a connu le Frère Benoît boitant, une canne à la main. Versé dans l’artillerie anti-aérienne-“là, tu n’auras pas à marcher” lui avait dit le médecin-il retourne sur le front en Champagne; il y combat jusqu’à la fin des hostilités. Son désir de partir en Afrique est plus vif que jamais. Il doit attendre six longues années!

Au service du Togo

“J’apprends”, écrit-il le 24 novembre 1924, “que Mgr Cessou (vicaire apostolique à Lomé) a l’intention de fonder une ferme modèle au Togo…Je viens m’offrir pour cet emploi…”

Quelle joie, lorsque le 25 mars, il prend le bateau. Mgr Cessou l’envoie aussitôt à Atakpamé où le P. Boursin est seul pour s’occuper de cette mission qui était alors la plus avancée vers le nord.

Il faut tout organiser. Le Frère se fait catéchiste et visite les stations. Jusqu’en 1930, il mène une vie de dévouement continu dans cette vaste région où il commence probablement à exercer ses remarquables talents de sourcier.

Puis un télégramme lui apprend sa nomination à Togoville, à l’école des catéchistes; il se donne à sa nouvelle fonction jusqu’en 1934.

Trente-deux années au Dahomey

A la suite de changements administratifs dans les Missions Africaines, il propose ses services pour aller remplacer le Frère Victor Bonnant à la plantation de Zagnanado (Dahomey). Des crises de coliques néphrétiques le contraignent à redescendre sur la côte pour s’y faire soigner.

L’économe du grand séminaire de Ouidah, le Père Monnet, en profite pour obtenir sa nomination comme adjoint. Il se charge du ravitaillement, ce qui n’est pas une mince affaire. En outre, depuis le Togo, il a la réputation d’être un bon jardinier. Mais une mauvaise crise de paludisme l’oblige, en 1936, à prendre du repos en France. A son retour en Afrique, durant un an et demi, il aide le P. Beillevaire à Calavi. En 1938, Mgr Parisot l’invite à accepter la responsabilité de la ferme du séminaire: charge qu’il remplit pendant de longues années, jusqu’en 1955. Cette année-là, il vient à Cotonou pour surveiller la “teckeraie.” Jusqu’au bout, il remplit sa tâche fidèlement.

En 1962, la maladie le retient sur sa chaise longue. Mais il est heureux de rester parmi “ses séminaristes,” comme symbole, discret mais réel, au milieu de tous, de la richesse d’une vie de service.

Le 20 juin 1964, il fête, au séminaire de Ouidah, ses cinquante ans de vie religieuse.

Le 26 janvier 1966, en fin de matinée, “les vœux de cet humble et fidèle serviteur de Dieu,” écrit alors Mgr Gantin, futur cardinal, “ont été pleinement exaucés: il est mort pendant l’année scolaire des séminaristes, en ce lieu et au milieu de ses amis, pour qui il a été toujours si bon et si dévoué. Je le connais depuis 1934 et il m’a fait la suprême amitié d’attendre mon retour du Concile pour partir vers le Seigneur…C’est le regret et la peine unanimes devant cette mort d’un missionnaire devenu l’un es nôtres.”

R.C.


Cet article, réimprîmé ici avec permission, est tiré d’Hommes et Destins: Dictionnaire biographique d’Outre-Mer, tome 9, publié en 1977 par l’Académie des Sciences d’Outre-Mer (15, rue la Pérouse, 75116 Paris, France). Tous droits réservés.