Collection DIBICA Classique

Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.

Boudou, Adrien

1876-1945
Église Catholique
Madagascar

Adrien Boudou est né le 9 mai 1876 à Tournemine dans le département du Cantal. Ses études secondaires achevées au petit séminaire de Pleaux, il entre le 1er octobre 1896 au noviciat de la Compagnie de Jésus, qui se trouvait alors à Rodez. A l’automne 1898, il commence deux années d’études littéraires à Toulouse, puis deux années de philosophie, l’une à Vals près du Puy et l’autre à Gémert en Hollande. Il passe sa licence ès Lettres à Angers en 1903, puis est professeur au collège de Bordeaux durant une année. Fin 1904 il entre en théologie à Enghien en Belgique. Les quatre ans de théologie terminés, durant deux ans il étudie à Bruxelles les langues et la théologie slaves. La troisième année de noviciat, qui achève le cycle de formation des Jésuites, l’amène en 1911 à Heeren Eldern par Tongres, en Belgique. Suivent encore trois années d’études personnelles, où il se spécialisera en sciences bibliques, d’abord à l’Institut biblique de Rome, puis à Ore Place, Hastings, en Angleterre et enfin à Paris.

Avant d’être mobilisé en 1915 comme infirmier, il assure l’enseignement de l’Ecriture Sainte au théologat d’Enghien durant une année. Démobilisé en 1918, il donne durant deux ans un coup de main pour assurer l’enseignement des Lettres au collège de Sarlat. Puis pendant quatre ans à Rome et à Bruxelles, il s’adonne à des études historiques sur la Russie. Collaborateur et continuateur du P. Pierling, auteur d’un ouvrage sur La Russie et le Saint Siège, le P. Boudou ajoute à ce volumineux ouvrage, deux volumes, traitant des relations diplomatiques du Saint Siège avec la Russie au XIXe siècle. En 1923-24, il reprend pour cinq années successives son enseignement au théologat d’Enghien.

C’est en 1928 qu’il s’embarque pour Madagascar. Il vint pour renforcer l’équipe de professeurs du grand séminaire commençant. Il y enseigne le dogme, l’Écriture Sainte, la morale, la philosophie, l’histoire ecclésiastique. Il réside successivement à Ambohipo, Ambatoroka, Andohalo, Amparibe et de nouveau, la dernière année de sa vie à Ambatoroka. Vers 1931, à ses multiples charges, s’ajoute celle d’historien de la mission catholique. C’est ainsi qu’il est amené à étudier l’histoire de Madagascar. “Connaissant sa remarquable érudition,” disait le Gouverneur Général Réallon dans l’éloge funèbre, “et l’intérêt qu’il portait aux études historiques et aux travaux scientifiques entrepris et poursuivis à Madagascar, l’Académie Malgache s’était empressée de l’accueillir au nombre de ses membres.” Il fut élu membre associé le 20 juillet 1932 et membre titulaire le 18 avril 1935.

Le 9 août 1945, le R. P. Coudannes, alors supérieur de la Mission catholique, écrit dans son diaire: “Je vais à Ambatoroka. Je décide le P. Boudou qui traîne depuis longtemps à aller à la clinique d’Ankadifotsy”. Vers le 19 août l’état du Père s’aggrave. Le docteur diagnostique un cancer du poumon. Malgré cela, ce grand travailleur, jusqu’à la veille de sa mort parle de reprendre son enseignement. Il meurt le 31 août.

L’historien

Le P. Boudou laisse à l’historiographie malgache une contribution importante. II y a ses ouvrages, dont le plus volumineux a pour titre Les Jésuites à Madagascar au XIXe siècle, et ses nombreux articles, surtout ceux qui ont été publiés par le Bulletin de l’Académie Malgache.

Sans doute, les historiens d’aujourd’hui contesteront-ils, corrigeront-ils bien des points. L’histoire n’est jamais écrite de façon définitive et tout historien à ses partis pris.

Néanmoins, il faut faire cette justice au P. Boudou: il en était conscient. Il l’indique nettement au début de son grand ouvrage: “J’ai écrit cette histoire,” dit-il, “avec la plus vive sympathie pour ceux qui l’ont vécue et soufferte. Appartenant à la famille religieuse et à la Mission de ceux que je mets en scène, je n’ai ni à me défendre ni à me taire de ce sentiment.”

S’il ne cache pas de quel côté penche son cœur, il n’en reste pas moins un historien exigeant. C’est avec la plus grande patience qu’il rassemble une documentation vaste et de qualité, c’est avec le plus grand scrupule qu’il examine, scrute, critique, et cite ses sources. Rien n’est plus émouvant que de feuilleter les notes préparatoires à ses ouvrages qui sont encore conservées. On y découvre des cahiers d’écolier, des liasses de tout format sur lesquels il a copié d’une écriture fine et très lisible des documents originaux trouvés dans ses déplacements soit à Madagascar, soit en Europe. L’exactitude de ses copies vaut celle d’une photocopie.

C’est que le P. Boudou n’est pas venu à l’étude de l’histoire de Madagascar en novice. Il avait derrière lui, lorsqu’il débarquait à Tananarive en 1928, une vaste expérience des langues, des archives, de l’exégèse et de diverses sciences auxiliaires de l’histoire. De surcroit: une vaste culture, elle-même déjà orientée sur ce XIXe siècle, si important pour Madagascar.

L’ensemble de ces qualité ont su être exploitées par le P. Boudou dans le travail historique sur Madagascar et c’est pourquoi ses travaux dans ces domaines ne peuvent pas être ignorés par les historiens d’aujourd’hui. D’ailleurs, ces derniers classent leur auteur parmi les initiateurs de l’histoire scientifique de la Grande Ile.

L’homme

A ces qualités intellectuelles, le P. Boudou a su allier des qualités humaines fort appréciées par ceux qui l’ont connu. C’est ce qui apparait à travers ces quelques notations du discours cité plus haut, de M. Le Gouverneur Général Réallon : “Nous aimions à le voir, au milieu de nous, à presque toutes nos réunions (de l’Académie Malgache). Nous prenions grand plaisir et le plus vif intérêt à l’entendre, sur les sujets les plus variés, mais surtout historiques dont il nous parlait avec tant de science, tant d’esprit et parfois même tant d’humour.

C’était, dans toute l’acception du terme, un brave homme et un homme de bien. Je blesserais l’humilité et la modestie qui étaient siennes si j’énumérais tout ce que je sais sur sa bonté qui était une bonté chrétienne, sur sa charité inépuisable. Il aimait les petits et les humbles et, dans ce pays malgache qui était devenu le sien, il a réconforté et soulagé bien des petits et bien des humbles.”

J. L. Peter, SJ


Bibliographie des Ecrits du P. Boudou

1922-1925: Le Saint-Siège et la Russie: leurs relations diplomatiques au XIXe siècle: tome 1: 1814-1847. - Paris, Plon, 1922, XV + 580 p.; tome 2: 18481883. - Paris, Spes, 1925, XIII + 566 p. (ouvrage couronné par l’Académie Française).

1931 : Le Prince Rakoto et ses premières relations avec les missionnaires catholiques, 1854-1857. Tananarive, Bulletin de l’Académie Malgache (NS), tome XIV (1931) p. 75 sv.

1933: Actes des Apôtres, traduits et commentés. Paris: Beauchesne, 1933, LV + 592 p. (coll. : Verbum Salutis)

1933: La Côte-Ouest de Madagascar en 1852. Notes d’Edmond Samat. Tananarive:

Bulletin de l’Académie Malgache, tome XV (1933) p. 53 sv.

1933: Une lettre du Prince Rakoto (Radama II) 1859. Ibid. : p. 79.

1933: Journal de route d’une expédition de Rainimaharo en 1836. Ibid. : p. 88 sv.

1934: Le Père Athanase de Villèle, 1877-1934. Tananarive: Le messager du Cœur de Jésus, sept. 1934, pp. 176 à 180 et oct. 1934, pp.198 à 200.

1935 : Le Père Jacques Berthieu 1838-1896. Paris: Beauchesne, 1935, 454 p.

1935: Extraits de notes rédigées par le R. P. Lacomme à Tananarive pendant la guerre franco- hova de 1883-1884. Tananarive: Bulletin de l’Académie Malgache, tome XVIII (1935), p. 57 sv.

1935: Grâce extraordinaire due à l’intercession de Victoire Rasoamanarivo. Tananarive: Le Messager du Sacré Cœur, avril 1935, pp. 195-197.

1937: Le centenaire de la naissance d’Alfred Grandidier, 1836-1921. Fianarantsoa:

Lumière, 7 décembre 1937.

1937: Une lettre de M. de Lastelle et deux lettres de Lambert. Tananarive: Bulletin de l’Académie Malgache, tome XX (1937), p. 27 sv.

1938: Le meurtre de Radama II. Documents et discussion. Tananarive: Mémoires de l’Académie Malgache, fasc. XXVI, (1938), 59 p.

1938: Jean Laborde a-t-il fait la traite des esclaves? Tananarive: Bulletin de l’Académie Malgache, tome XXI (1938) p. 81 sv.

1938: Une correspondance entre Alfred Grandidier et le R.P. Camboué de 1889 à 1894. Tananarive: ibid. p. 89 sv.

1940: Petites notes d’histoire malgache. Tananarive: Bulletin de l’Académie Malgache, tome XXIII (1940) p. 65 sv.

1941: Madagascar. La Mission de Tananarive. Tananarive : imprimerie catholique, 285p.

1941: Galliéni le Pacificateur. Tananarive: Revue de Madagascar, no. 31, octobre 1941, pp. 23 à 55.

1942: Querelles de roitelets Antankarana et Sakalava 1865-1875. Tananarive: Bulletin de l’Académie Malgache, tome XXIV (1941), p. 171.

1942: Les jésuites à Madagascar au XlXe siècle. Paris: Beauchesne, 1942, 2 vol. :

XXVII + 543 et 569 p.

1943: Un marin de Bretagne à Madagascar. Hervé de Kersaint-Gilly, Seigneur de Kergadion, 1612-1667. Tananarive: Bull. de l’Académie Malgache, tome XXV (1942-1943) p. 177 sv.

1943: Le complot de 1857; Tananarive: Académie malgache: collection de documents concernant Madagascar et les pays voisins, tome III, 87 p.


Cet article, réimprîmé ici avec permission, est tiré d’Hommes et Destins: Dictionnaire biographique d’Outre-Mer, tome 3, publié en 1977 par l’Académie des Sciences d’Outre-Mer (15, rue la Pérouse, 75116 Paris, France). Tous droits réservés.