Collection DIBICA Classique

Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.

Faduma, Orishatukeh (B)

Noms alternatifs: William J. Davis
1860-1946
Méthodiste
Sierra Leone

Orishatukeh Faduma (1860 - 12 janvier, 1946), connu aussi sous le nom de William James Davies, était un “recapturé” d’origine nigérienne. Sa carrière de pasteur chrétien et d’écucateur a été longue et distinguée en Sierra Leone ainsi qu’aux Etats-Unis.

Il est né en Guyane Britannique (la Guyane présente), fils de John et Omolofi Faduma, originaires du pays Yoruba (le Nigéria présent), qui étaient esclaves africains libérés. Faduma et ses parents avaient été “rapatriés” à Freetown, probablement quand il avait sept ou huit ans. Il a été baptisé chrétien dès son arrivée à la colonie, et selon la coutume des missionnaires de l’époque, (qui considéraient les noms africains plutôt païens), a reçu le nom de William James Davies. C’est le nom qu’il a gardé jusqu’en 1887. Comme les enfants des autres anciens esclaves, il a reçu son éducation jusqu’au niveau secondaire au lycée méthodiste pour garçons.

Il a gagné le premier prix d’un concours boursier, et a ainsi pu continuer ses études à Wesleyan College (maintenant appelé Queens College) à Taunton, en Angleterre, en 1882-1883. Par la suite, il était étudiant à l’université de Londres, et il a été le premier ressortissant de la Sierra Leone à recevoir la licence. Ensuite, il est rentré à Freetown pour être maître dans son ancien lycée.

Cependant, il a repris le chemin de l’éducation en 1891, aux Etats-Unis. Il a obtenu un diplôme universitaire de Yale Divinity School, à New Haven, Connecticut, en 1895, et a obtenu une bourse de $400 pour des études supérieures dans le domaine de la philosophie de la religion.

Après avoir terminé ses études à Yale, il est resté aux Etats-Unis. A un certain moment après 1891, Faduma s’était affilié à l’AMA (American Missionary Association) [association missionnaire américaine], qui avait pour objectif principal l’évangélisation des africains et des américains africains. Pendant cette période, il s’est aussi associé de plus en plus à l’église de l’AME (African Methodist Episcopal), la première confession religieuse réservée aux américains d’origine africaine. Il est probable qu’il ait été ordonné dans cette confession, car après cette époque on l’a appelé pasteur.

De 1895 à 1914, il a été directeur et pasteur principal de Peabody Academy, à Troy, en Caroline du Nord. Cette institution avait été établie en 1880 avec l’aide financière de l’ AMA, dans le but d’éduquer les américains noirs. Dans les premières décennies de 1900, elle comptait quatre enseignants (sans compter le directeur) dont la femme de Faduma, Mme. Henriette Faduma.

Ensuite, il est rentré en Sierra Leone, et de 1916 à 1918, a été directeur de l’école secondaire de l’église méthodiste unie à Freetown. De 1918 à 1923, il a servi comme inspecteur des écoles pour la colonie (la partie occidentale présente) et comme officier responsable de l’école modèle (Model School), dans laquelle il était aussi enseignant. Généralement parlant, cette école servait à préparer pour le travail les élèves qui n’avaient pas réussi les examens d’entrée du niveau secondaire.

En 1924, il est rentré aux Etats-Unis une fois de plus et a continué à enseigner en Caroline du Nord, cette fois-ci à Lincoln Academy, King’s Mount, comme directeur adjoint et enseignant en latin, en histoire ancienne et moderne, et en littérature anglaise. A l’occasion de sa retraite, Faduma a accepté un autre poste au collège et à la faculté de théologie de Virginie, à Lynchburg, en Virginie, où il a enseigné le latin, le grec, le français et l’histoire africaine jusqu’à sa mort à High Point, Caroline du Nord, le 12 janvier, 1946.

La vie d’Orishatukeh Faduma, cependant, avait une portée qui allait bien au-delà de l’éducation. Il a été très influencé par les tendances contemporaines non seulement en Sierra Leone, mais aussi dans l’Afrique entière, et même aux Etats-Unis. C’est ainsi que peu après son retour de l’Angleterre en 1887 il a rejoint d’autres membres de la communauté de Freetown qui s’intéressaient aux affaires publiques, y compris le patriote panafricain distingué, le dr. Edward Blyden, et A.E. Toboku-Metzger, qui était un des premiers diplômés en Sierra Leone. Ils ont formé la Dress Reform Society [société pour la réforme du vêtement], qui visait à encourager le port des robes africaines qui sont plus adaptées au climat africain que le style victorien des vêtements européens.

C’est aussi à cette époque que Faduma a abandonné ses noms anglais et a adopté l’usage du nom Orishatukeh Faduma, le prénom Orishatukeh étant dérivé de la divinité Yoruba, Orisha, et son nom de famille, Faduma, qui lui vint de son père.

Plus tard, le professeur Faduma, comme il était connu, a continué à manifester à la fois une vision globale et une connaissance politique. En 1923, il était délégué à la deuxième réunion du congrès national de l’Afrique occidentale britannique, à Freetown.

Faduma était aussi actif dans le secteur du service public aux Etats-Unis. En 1892, il a servi au conseil consultatif sur l’ethnologie africaine de l’exposition mondiale qui a eu lieu à Chicago. En 1894, il a représenté l’université de Yale comme délégué à la réunion de l’alliance missionnaire des facultés de théologie à Rochester, New York, et a présenté un texte sur “les missions industrielles en Afrique.” En 1895, il était présent au congrès missionnaire à Atlanta, en Georgie, où il a présenté deux textes : le premier sur la religion Yoruba, et le deuxième sur le travail missionnaire en Afrique. A cette même époque, l’Exposition des Etats Producteurs de Cotton se tenait aussi à Atlanta, et c’est lors de cette exposition qu’en septembre, Booker T. Washington, qui était le porte-parole le plus important des noirs américains de l’époque, à prononcé son discours célèbre “Le Compromis d’Atlanta,” dans lequel il a proposé que les noirs cessent de faire campagne en faveur des droits politiques et sociaux pour recevoir en échange des possibilités d’ouverture économique. Il est probable que le congrès missionnaire ait été affilié à l’exposition.

Faduma est devenu membre de l’American Negro Academy, un forum basé à New York, qui avait été établi en 1904 par des intellectuels noirs américains qui voulaient s’exprimer sur les questions portant sur la vie des noirs. C’était le seul africain à s’être adressé à l’académie, et il s’est exprimé sur “Les défauts de l’église noire.”

En septembre 1895, après avoir été nommé directeur de Peabody Academy, il a épousé une des institutrices qui y enseignait, Henrietta Adams. Ils ont eu deux enfants, dont Omojowu, en 1902 (un nom Yoruba), et DuBois, en 1922 (probablement d’après W.E.B. Du Bois, le célèbre érudit et militant des droits civils noir).

En plus des discours et des manuscrits, Faduma écrivait aussi de la poésie. Dans un de ses poèmes, “Ballade sur Egbaland,” il a révélé qu’il était de descendance Egba, du Yorubaland. Dans un autre, “En Mémoire du centenaire de Sierra Léone,” il voit la Sierra Leone comme symbole de l’Afrique entière, et exprime des sentiments nationalistes et panafricains.

Les discours, les écrits et les activités de la longue vie de Faduma révèlent qu’il était doté d’un esprit très fin, qu’il avait énormément d’énergie, et qu’il était passionné de l’engagement social et politique. S’il avait un métier, c’était celui d’éducateur. C’était aussi un chrétien très sérieux, mais dès le début de sa carrière il avait vu le gouffre qui existe souvent entre la foi vécue et la foi confessée, ainsi que les contradictions sur les races et le mépris des valeurs noires et africaines qu’on trouve parfois dans le ministère chrétien, et il cherchait à combattre ces écarts.

Les expériences du professeur Faduma aux Etats-Unis en particulier ont avivé sa conscience du racisme. Il a vécu aux Etats-Unis à la hauteur de l’époque des politiques racistes envers les noirs, et a été obligé de formuler des mécanismes émotionnels qui lui permettaient d’accommoder la ségrégation légale et raciale. C’est non seulement dans son travail, mais aussi dans ses pensées et ses écrits qu’il s’attaquait à la discrimination et essayait d’élever le statut de l’homme noir. Cependant, c’était un homme de tempérament modéré, plus enclin aux remarques d’esprit caustique qu’aux attaques amères.

Gustav K. Deveneaux


Bibliographie

Charles Alexander, One Hundred Distinguished Leaders, [Une centaine de leaders distingués] Atlanta, 1899; Orishatukeh Faduma, “A Ballad on Egbaland,” [Une ballade sur l’Egbaland] The AME Church Review, [Revue de l’église AME] Vol. VI, No. 1, juillet, 1888, “In Memoriam: The Centenary of Sierra Leone,” [En mémoire : le centenaire de Sierra Leone] The AME Church Review, Vol. VI, No. 2, octobre, 1889, “Thoughts for the Times, or the New Theology,” [Pensées sur l’époque, ou la nouvelle théologie] The AME Church Review, Vol. VII, No. 2, octobre, 1890, “Africa or the Dark Continent,” [L’Afrique, ou le continent sombre] The AME Church Review, Vol. IX, No. 1, July, 1892, “Religious Beliefs of the Yoruba People in West Africa,” [La foi religieuse des Yoruba en Afrique de l’Ouest] et “Success and Drawbacks of Missionary Work in Africa by an Eye-Witness,” [Témoignage des succès et les désavantages du travail missionnaire en Afrique] in Africa and the American Negro, [L’Afrique et le noir américain] Prof. J. W. E. Bowen (éd.), 1896, réimprimé Miami, Florida, 1969, “The Defects of the Negro Church,” [Les défauts de l’église noire] Occasional Paper No. 8. 1904, réimprimé dans The American Negro, New York, 1969, “Africa the Unknown,” [L’Afrique inconnue] The Mission Herald, No. 43, novembre-décembre 1939, “An African Background: My Pagan Origin and Inheritance “ [Un passé africain : mes origines païennes et mon héritage] The Mission Herald No. 44, septembre-octobre, 1940, Who is Who in Colored America, [Bottin mondain de l’amérique noire] New York, 1940; William H. Ferris, “The African Abroad, or His Evolution in Western Civilization,”[L’Africain en outre-mer, ou son évolution dans la civilisation occidentale] New Haven, 1913, réimprimé New York, 1968.


Cet article vient de The Encyclopaedia Africana Dictionary of African Biography (en 20 Volumes). Volume Deux: Sierra Leone-Zaire, Ed. L. H. Ofosu-Appiah. New York: Reference Publications Inc., 1979. Tous droits réservés.