Collection DIBICA Classique

Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.

Bakhita, Josephine (B)

1869-1947
Église Catholique
Soudan

Bakhita est née au Soudan vers 1869 dans le village Olgossa, près du Mont Agilerei, région de Darfur. Elle avait trois soeurs et deux frères. Son père était le frère du chef du village. Sa grande soeur Kishmet fut capturée par les négriers vers 1874. Sa famille ne la revit plus.

Deux ans après la capture de sa grande soeur, Bakhita, âgée de cinq ou six ans, fut à son tour capturée par deux négriers. Elle ne se souvint plus de sa famille ni de son propre nom. Le nom Bakhita, donné par les négriers, est un nom arabe qui, curieusement, veut dire “la fortunée” ou “qui a de la chance.”

Durant son parcours d’esclave, Bakhita perdit sa langue maternelle au profit de l’arabe et puis de l’italien. Sa langue maternelle était probablement celle de la tribu Dagin mais certains pensent que c’était plutot le kakwa et qu’elle aurait été capturée en République Démocratique du Congo, près de la frontière soudanaise. Sa capture eut lieu 20 ans après la condamnation de l’esclavage et la signature du Congrès de Paris en 1856.

Les deux négriers vendirent Bakhita à un marchand qui la garda pendant un mois dans une chambre sombre. C’est là qu’elle rencontra Binah, une autre esclave, à peine plus âgée qu’elle. Elles réussirent à s’évader, mais comme elles ne connaissaient pas le chemin de leur village, elles furent de nouveau capturées par un autre homme. Celui-ci les garda dans une bergerie avant de les vendre à un autre marchand qui les emmena au grand marché d’esclaves d’El Obeid, la capitale de Kordofan. Pour y arriver, elles durent faire une marche de plus de 300 kilomètres.

A El Obeid, Bakhita fut achetée par un chef arabe qui la mit au service de ses deux fillettes. Elle les servit de son mieux mais un jour elle cassa accidentellement un vase. Elle fut sérieusement battue puis vendue à un général turc. Là, pendant trois ans, elle dut subir un traitement des plus durs. Sa maîtresse lui fit subir le rite cruel du tatouage sur tout le corps. Pour obtenir de plus grosses cicatrices, on mit du sel dans ses plaies.

A la question de savoir si elle déteste ses bourreaux, Bakhita dit: “Je n’ai jamais détesté personne. Qui sait, peut-être qu’il ne se rendaient pas compte du mal qu’ils faisaient?”

En 1883, le général turc la ramena à Khartoum. C’est là que Callisto Legnani, le consul italien, la vit et décida de l’acheter. Bakhita dit: “Je n’étais pas encore libre mais les choses commençaient à changer: fini les fouets, les punitions, les insultes, bref, les dix ans de traitement inhumain.”

En 1885, quand il fallut que le consul rentre définitivement en Italie, Bakhita le supplia de toutes ses forces de l’accompagner. Arrivée en Italie, elle fut donnée en cadeau à Madame Maria Turina Michieli qui la reçut avec beaucoup de joie.

Madame Turina se décida d’aller vivre en Afrique. Pendant qu’elle était partie pour préparer la place, elle confia sa petite fille Mimmina et Bakhita aux soeurs canossiennes à Venise. La soeur Maria (ou Marietta) Fabretti fut l’enseignante de Bakhita et l’aida à devenir chrétienne.

Une fois revenue, Madame Maria Turina alla récupérer Bakhita et Mimmina en vue de partir pour l’Afrique. Mais comme Bakhita s’intéressait à la vie des soeurs canossiennes, elle refusa l’appel de sa maîtresse. Celle-ci la traita d’ingrate et voulait à tout prix l’amener avec elle en Afrique. Elle passa par des personnes interposées pour l’arracher de l’institut. L’affaire prit même la forme d’un procès. Néanmoins, le 29 novembre 1889, le procureur déclara que Bakhita était libre de choisir là où elle voulait rester puisque l’esclavage n’existait pas en Italie.

Bakhita fut baptisée par le cardinal de Venise, D. Agostini, le 9 janvier 1890. Elle reçut également la confirmation et la Sainte Cène le même jour. Après trois ans, elle demanda de devenir soeur, à l’âge de 24 ans. La soeur supérieure, Anna Previtali, lui dit: “Ni la couleur de la peau, ni la position sociale ne sont des obstacles pour devenir soeur.” Ainsi, le 7 décembre 1893, Bakhita rejoignit le noviciat des Soeurs de la Charité à l’institut de catéchuménat de Venise.

En 1902, elle fut transférée à Schio. Là, en 1910, elle écrivit son histoire suite à la demande de sa supérieure, soeur Margherita Bonotto.

Son expérience personnelle fit de Bakhita une soeur modèle. Sa simplicité, son humilité, sa grande charité, et sa compassion pour les nécessiteux fit d’elle la mère des Filles Canossiennes de la Charité,–un mouvement qui existe actuellement dans le monde entier grâce à son influence. L’un des grands désirs de Bakhita, aussi appelée la Mère Moretta, était de rencontrer les enfants et les jeunes pour qu’à travers l’enseignement de la catéchèse tous puissent connaître et aimer Jésus davantage. Le même désir avait animé son prédecesseur, la jeune marquise, Madeleine de Canossa, en 1808.

Bakhita mourut le 8 février 1947. Elle fut béatifiée par le pape Jean Paul II le 17 mai 1992, puis proclamée sainte le 1er octobre 2000.

Yossa Way


Bibliographie

Augusta Curreli, L’Histoire de Bakhita (Strasbourg: Ed. Du Signe, 2000).

Maria Luisa Dagnino, Bakhita Tells Her Story (Rome: General House, Canossian Daughters of Charity, 1988).

Mutro Wuli Mure, tribu Kakwa, résident à Drimu (vers la frontière entre la RD du Congo et le Soudan), interview du 15 Août 2001.


Cet article, reçu en 2002, est le produit des recherches du Révérend Yossa Way. Celui-ci est professeur de théologie à l’Institut Supérieur Théologique Anglican (Bunia, Rép. Dém. du Congo) et récipiendaire de la bourse du Projet Luc.