Bougningabou Bougassé Jean
Son enfance, son aventure et sa conversion
Le pasteur Bougningabou Bougassé Jean est né en 1936 à Tiébélé Korabié, province du Nahouri au- Burkina Faso au sein d’une famille animiste. Son père s’appelle Bougningabou Adangba et sa mère Kacora. Le nom Bougningabou est composé de deux langues, le ninkaré et le kasena. En langue ninkaré, il veut dire « pourquoi ? ». Car à l’époque des guerres ethniques, quand les ennemies sont venues tuer la famille de leurs grands-pères, un grand-père leur a posé cette question, en voulant savoir pourquoi on venait tuer sa famille. En langue kasena, « bou » veut dire « enfant. » Le prénom Bougassé, en langue kasena veut dire le « marigot ou le puits a accepté / a répondu ».
Bougningabou et sa famille étaient d’ethnie kasena, et faisaient donc partie de la grande famille des Gourounssi. Dès son jeune âge Bougningabou était amené par ses parents à Walewalé, au Ghana. Arrivé à Walewalé, son père est décédé. Quelques années après, Bougningabou est parti pour Takouradi, toujours au Ghana. C’est là qu’il a trouvé une famille musulmane qui l’a reçu. Il logeait dans cette famille. Un jour le chef de famille, qui s’appelait Alowo, lui dit, « Il n’est pas bon que tu sois là sans religion. Chacun est libre de choisir sa religion. » Bougningabou lui-même voulait aller à l’église, mais il avait eu peur à cause de son logeur musulman. Puisque le chef de famille lui a fait cette proposition, c’était une porte ouverte, et c’est là que Bougningabou a décidé de suivre Jésus-Christ.
Quand il a demandé qu’on le conduise dans une église, on l’a conduit dans une église des Assemblées de Dieu. Mais Bougningabou a décidé qu’il préférait fréquenter une église de la pentecôte. C’est dans cette église qu’il s’est converti et qu’il a reçu le baptême d’eau et la plénitude du Saint-Esprit. Au moment de son baptême on lui a donné le nom John (Jean). Quelques temps après, Jean a senti un appel de servir Dieu comme évangéliste. Il a commencé à proclamer l’évangile dans la région de Takoradi au Ghana, et y est resté pendant dix-huit ans. Ensuite, son grand frère Bougningabou Batako est venu le ramener à Tiébélé Korabié au Burkina Faso pour qu’il s’occupe de la famille car il voulait s’enrôler dans l’armée française à l’époque. Quand son grand frère est arrivé, Jean lui a dit d’aller et a promis de venir, et c’est ce qui a été fait.
Son appel au ministère pastoral
Arrivé à Pô au Burkina Faso, Jean s’est joint à l’église des Assemblées de Pô dans la province du Nahouri. Il avait le zèle de l’évangélisation. Comme il était aventurier il a décidé de faire du commerce entre Pô et Ghana à vélo. C’est là qu’il a rencontré une jeune fille du nom de Bassoubana Fati avec qui il s’est marié. Quelques années plus tard en 1975, le pasteur Ouédraogo Bila est venu de Ouagadougou au nom de l’église Apostolique Burkina Faso pour voir le pasteur Sawadogo Belgo des Assemblées de Dieu de Pô. Il cherchait un homme engagé pouvant implanter une Église Apostolique à Pô. Le pasteur Sawodogo Belgo a dit au pasteur Ouédraogo Bila, « J’ai mon enfant à Pô ici qui a le zèle de servir, mais on ne lui donne pas réellement l’occasion. Donc je t’amènerai chez mon fils. Vous allez voir si vous vous entendrez et s’il est prêt à travailler avec vous. »
Etant arrivés chez Bougningabou Bougassé Jean, les pasteurs Sawadogo Belgo et Ouédraogo Bila lui ont présenté le problème et leur invitation. Jean a demandé qu’on lui accorde quelques jours de réflexion. Après leur départ il a discuté le sujet avec sa femme et tous les deux s’accordaient pour servir le Seigneur à travers l’Église Apostolique. C’est ainsi qu’ils adressèrent leurs lettres de démission à l’église des Assemblées de Dieu de Pô. Après que les dirigeants de l’église des Assemblées de Dieu on donné leur accord pour qu’ils aillent servir avec l’Église Apostolique, une équipe est venue de l’Église Apostolique de Ouagadougou afin d’évangéliser et implanter l’Église Apostolique à Pô. Cette équipe était composée principalement d’un missionnaire du nom de Bruno Krehenbul et du pasteur Ouédraogo Bila.
En Décembre 1976, le culte a commencé avec un petit groupe de personnes sous un hangar. Quelques temps après on leur a demandés de partir, car le lieu où était le hangar ne leur appartenait pas. Le nouveau site pour le culte était chez le pasteur Bougningabou à domicile sous l’arbre appelé karité. Par la suite, ils ont quitté de nouveau ces lieux et ont pris une maison dans la cour d’un frère des Assemblées de Dieu nommé Bamogo Kayaba qui était en étroite collaboration avec Bougningabou Bougassé Jean. En fait, ce dernier avait créé un groupement villageois, et comme Bamogo Kayaba était le secrétaire de ce groupement et Bougningabou était un homme ouvert, il y a eu une bonne collaboration entre les deux hommes.
Une année plus tard, l’église a quitté ce nouveau lieu et est allée sous un grand arbre tamarinier près de la grande voie de la ville de Pô. Pendant tout ce temps Bougningabou Bougassè Jean a parcouru tous les villes et villages de Pô et les environs pour prêcher la bonne nouvelle de Jésus-Christ. Il arrivait à rassembler les gens et à causer avec les chefs coutumiers et les autorités administratives. Il a convaincu beaucoup de gens par la parole de Dieu et beaucoup se sont convertis. Cela a permis à l’église de croître rapidement. La proclamation de la parole était souvent accompagnée de dons pour les nécessiteux.
Bougningabou s’occupait principalement des personnes déréglées et abandonnées par la société. Il leur rasait les têtes sales étouffées de cheveux roulés. Il prenait les habits que les missionnaires avaient envoyés pour les pauvres et les donnait à ces fous abandonnés à leur propre sort. Il amenait certains chez lui et par la prière certains recevaient la guérison. Bougningabou avait un esprit d’humanitaire très généreux. Ce travail qu’il faisait a permis que beaucoup viennent au Seigneur. En 1981, après que l’église s’est installée sous ce tamarinier, les responsables de l’église à Ouagadougou sont venus chercher un terrain au secteur n° 6 de Pô et ont envoyé un missionnaire blanc, pour débuter la construction d’un temple. C’est sur ce terrain que se trouve l’actuelle Eglise apostolique du secteur n° 7. Beaucoup sont devenus pasteurs grâce au ministère de Bougningabou Bougassé Jean. Parmi eux se trouvent Ouéssé Simon, Aissé Koubizmgia Daniel, Pouan Marc, Adouabou Augustin, Zindam Dihiri Gaston, Anaitiambou Souleymane Salomon, Anaitiambou Alain, Ada Jean, et Ada Pierre, pour ne citer que ceux-là.
Les difficultés rencontrée dans le ministère
Bougningabou et sa famille ont traversé des souffrances et difficultés. Comme il était agriculteur c’était difficile de gagner de l’argent pour manger. Quand la famille recevait beaucoup d’étrangers et de visiteurs, l’argent payé pour le riz ou pour d’autres vivres finissait vite car ceux qu’on devait nourrir étaient très nombreux. Etant un homme humanitaire et généreux, Bougningabou amenait ces nécessiteux et les individus appelés couramment des « fous » dans la famille pour s’en occuper. Comme il s’occupait d’eux, en coiffant leurs têtes et en leurs donnant des habits, certaines personnes disaient que c’était pour faire du gri-gri. Bougningabou leurs répondait en disant « si ce travail que je mène n’est pas de Dieu, Dieu lui-même connait. Il est mon seul témoin ».
La plus grande difficulté, c’est quand Bougningabou a commencé à faire des sorties pour prêcher la bonne nouvelle. La toute première et grande campagne d’évangélisation fut à Mano, actuel secteur n° 8 de Pô. La deuxième grande campagne était à Tiébélé, à 31 km de Pô. L’homme de paix qui a reçu Bougningabou et son équipe pour la campagne s’appelait M. Akouabou Ouetim Antoine. Bien qu’il était un homme polygame, il a été un instrument de bénédiction pour l’œuvre dans toute la ville de Tiébélé et les environs. En ville Bougningabou sortait avec un petit groupe pour évangéliser, mais dans les villages il amenait son fils derrière son vélo avec un instrument de musique traditionnelle qui s’appelaient un tam-tam en langue kasena (KWƏRƏ).
Pendant ses sorties certains recevait la parole de Dieu tandis que d’autres l’insultaient et critiquaient malgré son esprit humanitaire. Il accompagnait l’évangile avec des dons envoyés par les missionnaires. Les dons étaient composés de vivres (huile, biscuits), de vêtements, et souvent d’aides financières. Certains frères ont quitté l’église des Assemblées de Dieu pour fréquenter l’Église Apostolique. Certains déconseillaient aux gens de se joindre à une telle église en disant que c’était une église de Satan. D’autres l’appelaient « l’église sous l’arbre ». Comme Bougningabou avait beaucoup de zèle pour l’œuvre de Dieu, les gens avaient surnommé l’église « l’église de Bougassé » au point que si l’on cherchait l’Église Apostolique on ne pouvait pas la retrouver. Il fallait dire obligatoirement, « Je veux l’église de Bougassé ». Bougningabou a implanter des églises dans plusieurs villes et villages, y compris : Manon, Yaro, Kayaa, Tiébélé, Kuyou, Zecco, Kampala, Songo, Pounkuyan, Languérou, Pô, et bien d’autres.
Vie familiale
Bougningabou et sa femme Fati ont eu trois enfants—deux garçons et une fille : Bougningabou Bakiweyem Samuel, Bougningabou Esther, et Bougningabou Ismael. Le dernier est décédé dans un accident de la circulation sur la route de Ouagadougou à son jeune âge. Comme Bougningabou était humanitaire, il avait reçu beaucoup d’enfants, jeunes filles et garçons, dans sa cour. Il ne faisait pas de différence entre ses propres enfants et les autres qu’ils recevaient chez lui. Ils leur donnaient la même éducation jusqu’à ce que les filles et les garçons atteignent l’âge de se marier. Certaines filles gagnaient des maris étant toujours chez lui, et il les donnait en mariage. Plusieurs de ses garçons ont pu se marier grâce à lui. Il disciplinait celui ou celle qui était en faute, même en les frappant. Le paresseux n’était pas accepté chez lui. Tout le monde sans exception devait faire correctement son devoir journalier. La punition pour le paresseux était de ne pas manger et la condition pour manger était d’accomplir le travail qui n’avait pas été fait. Celui qui ne voulait pas aller correctement à l’église ou ne voulait pas prier dans la famille était immédiatement interpellé et conseillé.
Bougningabou Jean aimait beaucoup sa femme et aimait être à côté d’elle. Il aimait dire, « Ma femme chérie, fais-moi mon thé ». Car il aimait prendre le café. Il disait oui quand il s’agissait de dire oui et non s’il s’agissait de non. Avant chaque décision sa femme était consultée et son opinion prise en compte. Dans la famille le pardon devait être demandé s’il s’agissait de demander pardon et le pardon devait être accordé à celui qui l’avait demandé pour être en conformité avec la parole de Dieu.
Son caractère
Bougningabou Jean confrontait les situations qui ne lui plaisaient pas. Il était farouchement contre le mensonge et le vol. Il voulait la vérité, rien que la vérité. La chose volée devait être restituée immédiatement. Si le menteur était un enfant, il pouvait être frappé jusqu’à ce qu’il dise la vérité. Si c’était une grande personne, il discutait avec elle jusqu’à ce que la vérité soit trouvée, et au besoin il revenait le lendemain sur le sujet. Il n’aimait pas le détournement. Il était contre ceux qui ne tenaient pas parole ou était louches.
Bougningabou aimait la propriété et l’hygiène. Il aimait l’ordre et tenait à ce que toute chose soit en ordre partout et surtout dans la famille. Souvent il se levait tôt pour nettoyer, ou il pouvait nettoyer et chauffer l’eau avant que les autres ne se réveillent. Comme c’était quelqu’un qui aimait se « saper » comme on le dit souvent, il était tout le temps propre et encourageait le travail bien fait.
Son chant préféré, dans une langue ghanéenne appelée dagome, était Dounia zan konga ye manga ka ningue ya dama issa yeti lamna dounia wa ni touligue konga ye na kati doo lo (Toute l’humanité doit s’efforcer de suivre Dieu car c’est le premier et le dernier : c’est lui qui a le dernier mot et la fin de toute chose sur terre). Sa deuxième chanson préférée, en langue mooré du Burkina Faso, était : Maam kon yim mam zusoaba (Je n’oublierai jamais mon Dieu ; c’est lui qui m’a sauvée et m’a béni ; je n’oublierai jamais mon Dieu). Bougningabou aimait le livre de l’Apocalypse.
Maladie et mort de Bougningabou
Un jour quand sa femme et les autres enfants étaient allés au champ Bougningabou est resté à la maison avec sa belle-fille. Bougningabou l’a appelée et s’est plaint de maux de ventre sévères. Il lui a dit : « Si je meurs, fait-moi porter cet habit », tout en le montrant. On a tout de suite fait appel à son grand frère qui l’avait ramené du Ghana, et celui-ci est immédiatement venu. Bougningabou leur a demandé de prier pour lui. Après cette prière prononcée par son grand frère et sa belle-fille, il n’a plus ouvert sa bouche et on l’a amené d’urgence à l’hôpital de Pô. Et c’est à l’hôpital qu’il est décédé à l’âge de 58 ans. Le message qu’il a laissé était le suivant : « Suivez Dieu de tout votre cœur. Attachez-vous à lui, car la victoire et la réussite viennent de lui ».
Piouyiri Ouémouwi Luc
Sources :
Bougningabou Bakiwéyem Samuel, fils ainé de Bougningabou Bougassé Jean. Interview par Piouyiri Luc le 20 avril 2021 à Pô, Burkina Faso.
Mme Bougningabou né Bassoubana Fati, épouse de Bougningabou Bougassé Jean. Interview par Piouyiri Luc le 20 avril 2021 à Pô, Burkina Faso.
Sources des photos :
-La photo de l’en tête est tirée de sa pièce d’identité Burkinabè. -La première et la troisième ont été envoyées par un pasteur qui était parmi les élèves à l’époque. -La deuxième a été retrouvée dans les archives de Bougningabou.
Cet article reçu en 2021, est le produit des recherches de Piouyiri Luc, étudiant en licence à l’Université chrétienne LOGOS de Ouagadougou au Burkina Faso, sous la direction de Dre Anicka Fast.
Photos :
[1] Les étudiants de l’école Biblique de L’Eglise Apostolique du Burkina. Bougningabou Jean à droite en veste noire.
[2] Bougningabou Jean et son épouse (à gauche) lors du mariage d’une des filles éduquée dans sa maison.
[3] Le comité national de l’église Apostolique Burkina Faso. Bougningabou au deuxième rang à droite en veste noire. Au premier rang au milieu est le missionnaire Bruno Krehenbul.