Compaoré, Bilsinfou Jérémie
Bilsinfou Compaoré naquit en 1924 dans le village de Yaïka, canton de Boudry à une centaine de kilomètres de Ouagadougou, capitale de la Haute-Volta, actuel Burkina-Faso. Sa naissance coïncida avec la période où la mission américaine des Assemblées de Dieu, arrivée depuis 1921 dans son pays, était dans une dynamique d’expansion. Issu d’une famille très modeste non chrétienne, Bilsinfou passa ses premières années à Yaïka, où il reçut une éducation très stricte, et apprit auprès de ses parents Compaoré Tinoaga (père) et Kaboré Pousbila (mère), le travail acharné de l’agriculture.
Bilsinfou se convertit à Christ en 1945, nonobstant l’opposition et les intimidations de sa famille, et fut baptisé d’eau deux ans plus tard en 1947 par le Pasteur Segnogo Ouédraogo de l’Église des Assemblées de Dieu. Celui-ci lui donna Jérémie comme nom de baptême. Ce pasteur remarqua le courage et la détermination du jeune Jérémie à témoigner de Christ autour de lui. C’est ainsi qu’il l’autorisa à le suivre lors de ses tournées et missions d’évangélisation. Cela permit à Jérémie de toucher du doigt une facette du travail pastoral avant l’heure.
En 1953, Bilsinfou se maria à la sœur Louise Tapsoba, native de la même zone que lui, et le Seigneur leur donné six merveilleux enfants : Lévi, Clarisse, Joana, Magloire, Pauline et Marie. Lévi et Marie moururent malheureusement après. Louise Tapsoba était plus qu’une simple femme pour Jérémie. Elle était sa confidente, sa complice de toujours et un partenaire dans la marche de la foi chrétienne avec qui il partageait tout. Elle fut pour lui une aide très précieuse aussi bien dans le ministère que dans l’éducation des enfants. Ils connurent au début des difficultés comme tout nouveau couple, mais leur foyer, bien que pauvre en ressources matérielles et financières, fut riche en amour, en crainte de Dieu et en paix. Cela a permis à leurs enfants de vivre et grandir dans une atmosphère harmonieuse et de recevoir une éducation chrétienne par l’exemple.
Entre-temps Bilsinfou, convaincu que Dieu l’appelait à le servir comme pasteur, et ayant maintenu le contact avec le pasteur Segnogo, se dirigea pour des conseils vers ce dernier qui n’était guère surpris de son appel. Avec joie évidemment, il le conseilla non seulement de répondre à cet appel divin mais aussi de se faire former pour mieux servir Dieu et remplir sa mission. C’est alors qu’en 1957, Bilsinfou prit la route de l’école biblique pour sa formation pastorale.
Après trois années passées à l’école biblique de Nagbaré des Assemblées de Dieu à quelques encablures de Ouagadougou, Bilsinfou, devenu pasteur, revint dans sa région natale précisément à Zorgho-Bando en 1960 pour commencer le ministère en 1961, après une année de stage. Un jour de 1961, conscient de l’impossibilité de servir Dieu par sa force physique naturelle et face à l’énormité des défis, il résolut avec son épouse, sa complice de toujours, de passer trois jours dans le jeûne et la prière pour rechercher le baptême dans le Saint-Esprit afin de témoigner de Christ avec puissance et détermination. Ce fut le début d’un ministère marqué par les signes et miracles et c’est alors qu’une église fut fondée à Zorgho-Bando, à partir de laquelle plusieurs autres ont vu le jour au fil des années de 1961 à 1968.
Cependant, le ministère à Zorgho-Bando ne s’est pas fait sans difficultés. En effet, dès son arrivée dans la localité, personne ne voulait lui accorder des terres cultivables et Bilsinfou partait dans la forêt chercher du bois qu’il revenait vendre pour que sa famille grandissante ne meure pas de faim. Mais cette situation précaire n’altéra pas son zèle et sa détermination pour le salut des habitants. Au contraire, cela le poussa à se rapprocher davantage de Dieu pour bénéficier de son aide et sa miséricorde. Par ailleurs, à un moment donné, avec le développement de la mission, Bilsinfou se vit confié la lourde responsabilité de superviser environ trois à quatre jeunes églises sans pasteurs, en plus de la sienne. Sans moyen de déplacement, il se réveillait aux premières lueurs de la journée pour aller à pied organiser le culte de dimanche successivement dans chacune de ces églises avant de revenir après la tombée de la nuit. Parfois il dormait en cours de route. C’est ainsi qu’il lui arrivait souvent de faire plus d’une trentaine de kilomètres à pied.
En 1969, il partit avec toute sa famille s’installer à Gampéla , localité située à une dizaine de kilomètres de Ouagadougou. Après trois jours de jeûne et prière passés à chercher la direction divine pour la suite du ministère, il entendit une voix lui disant : « C’est moi, Dieu, qui t’ai choisi pour mon œuvre et t’ai emmené ici pour le salut de plusieurs dans cette localité et au-delà ». Juste après cela, le chef du village de Gampéla lui emmena beaucoup d’enfants du village pour qu’il les alphabétise et Bilsinfou se consacra à cette tâche tout en continuant de répandre l’évangile dans et autour du village pendant une année. C’est finalement à partir de 1970 que les efforts d’évangélisation et d’alphabétisation commencèrent véritablement à porter beaucoup de fruits. De multiples conversions eurent lieu, et c’est alors que l’église des Assemblées de Dieu fut fondée à Gampéla. Cet élan de conversions fut aussi nourri par les multiples récits de miracles qui accompagnaient le ministère du pasteur Bilsinfou, tels les stériles qui enfantaient, les opprimés qui étaient délivrés et des malades qui étaient guéris. Les foules affluèrent aussi bien parmi les notables du village que parmi le petit peuple dans les localités environnantes.
Grâce à la forte vision de Bilsinfou pour l’éducation au profit de sa communauté, Gampéla fut très tôt doté en infrastructure scolaire. Par son entremise aussi, sa communauté bénéficia de la construction d’un barrage pour résorber le manque criard d’eau dans la localité. Les différents récits et témoignages sur la vie de Bilsinfou Jérémie Compaoré font tous mention de sa passion inextricable pour le salut des âmes perdues, et de sa dévotion à la prière et à la lecture de la parole de Dieu.
Le 19 septembre 2011, après un temps de maladie, Bilsinfou rejoint la patrie céleste à l’âge de 87 ans. Il avait accompli un demi-siècle de ministère pastoral. Il laissa derrière lui une veuve, quatre enfants, vingt-un petits-enfants et douze arrière-petits-enfants. Mais s’il a inspiré et continue d’inspirer aujourd’hui encore beaucoup de chrétiens, dont bien de jeunes serviteurs de Dieu, ce n’est pas par hasard. Il incarne aujourd’hui une figure chrétienne d’engagement et de persévérance. Jusqu’à ce jour, son engagement, ainsi que ses œuvres et ses actions pour l’avancement de sa communauté et de l’œuvre de Dieu en général, continuent d’être reconnues et hautement célébrées aussi bien par les autorités locales jusqu’aux plus hautes personalités du pays que par le monde évangélique d’où les décorations et multiples reconnaissances de mérite décernées à ses ayant droits.
L’héritage du pasteur Jérémie Compaoré Bilsinfou, homme de prière fervente et de la parole de Dieu, est passé à toute l’église du Burkina Faso.
Frédéric Lamien
Sources:
Compaoré Joanna, fille de Jérémie Compaoré. Interview par Lamien Frédéric le 05 Juin 2021 à Gampéla, Province du Kadiogo, Burkina Faso.
Support audio d’une émission radiophonique faite avec Jérémie Compaoré Bilsinfou par CVK/LVD (Canal Viim Koega/Lumière, Vie et Développement). Émission animée et réalisée en 2010 à Gampéla par Diéssongo Alphonse, animateur à CVK/LVD.
Cet article, reçu en 2021, est le produit des recherches de Frédéric Lamien, étudiant en licence à l’Université chrétienne LOGOS de Ouagadougou au Burkina Faso, sous la direction de Dre Anicka Fast.