Ouédraogo, Médo
Enfance
Médo Ouédraogo est né en 1931 à Ouahigouya de parents musulmans dans un environnement totalement islamique. Il avait des grands frères. Il était l’avant-dernier de sa famille car il avait deux petites sœurs jumelles, mais il est devenu le benjamin de la famille suite au décès par suite de rougeole de ses petites sœurs qui étaient déjà en âge avancé.
Suite aux différentes difficultés sociales traversées par sa famille, à la naissance de cet enfant, un nom très significatif lui a été donné par ses parents en guise d’espoir. En effet, ils dirent : « Cet enfant est celui qui est venu pour nous construire. » En langue locale mooré «nous construire » se dit « Mèdo » d’où le nom Mèdo attribué par les parents à leur fils. L’inscription «Médo» au lieu de «Mèdo » est dû aux erreurs d’écritures des sages-femmes et du fait que les parents illettrés ne savaient pas vérifier l’orthographe du nom de leur enfant.
À l’époque de l’enfance de Médo, les églises évangéliques n’étaient pas nombreuses dans la région de Ouahigouya. Peu auparavant, son village avait été totalement acquis à l’Islam et à la religion traditionnelle des ancêtres, c’est-à-dire l’animisme. Étant peu nombreux, tous les chrétiens de toute la région se retrouvaient donc chaque année pour des enseignements à l’Eglise Centrale de Ouahigouya. Cet enseignement qui était nommé « petite école » durait vingt-et-un jours. C’était également un moment de communion, de partage et de soutien entre les frères et sœurs. C’est au cours de ces évènements que Médo est devenu enfant ami avec Marie Ouédraogo qui deviendrait plus tard son épouse.
Comme enfant, Médo était travailleur, rigoureux dans ce qu’il faisait, et très ferme dans ses prises de position. Il ne refusait jamais de faire quelque chose qu’on lui demandait de faire sous prétexte qu’il ne pouvait pas. Il s’exécutait toujours avec empressement, plaisir, et le souci de très bien faire.
Médo a été recruté à l’école primaire catholique de Ouahigouya. En ce moment l’Eglise catholique était la seule à disposer d’une école dans le cadre de sa mission à Ouahigouya. L’Eglise catholique proposait aux élèves inscrits au sein de ses écoles de se convertir quand ceux-ci atteignaient le CE1 en allant jusqu’au CM2 (les trois dernières années de l’école primaire). C’est ce qui a été dit également à Médo, même si ses parents étaient déjà devenus chrétiens évangéliques. Grâce à l’enseignement déjà reçu et à son zèle pour l’Eglise évangélique, Médo a refusé de se convertir au catholicisme. On l’a menacé d’exclusion s’il persistait à refuser. Il est resté ferme sur sa décision en tant que fidèle chrétien évangélique. Il fut alors renvoyé de l’école catholique et était obligé de rester à Ouahigouya sans rien faire.
Pendant ce temps, il est demeuré très actif dans l’Eglise centrale locale de Ouahigouya. Un jour, il a appris que l’Eglise des Assemblées de Dieu avait fondé une école et un collège à Ouagadougou avec le couple missionnaire Dupret. Avec l’autorisation des responsables de son Église, il est parti avec d’autres enfants chrétiens pour Ouagadougou dans le souci de pouvoir continuer ses études dans une école évangélique. Malheureusement, à son arrivée il n’a pas été admis pour les études, peut-être parce que son âge était déjà avancé. Toutefois, devant sa volonté ferme de poursuivre ses études et vu son engagement pendant le peu de temps qu’il a passé dans le cours de la mission et le fait qu’il comprenait déjà le français, le missionnaire lui a proposé de rester à la mission, non pas pour aller à l’école mais pour s’occuper des enfants du missionnaire américain Pasteur Senders. Médo a accepté cela tout en disant que Dieu l’avait convaincu qu’il devait reprendre l’école. Il ne savait pas que cela allait être éventuellement une école biblique. Il est alors resté s’occuper des enfants et du jardin des missionnaires pendant un temps, jusqu’à la confirmation de son appel et son départ pour l’école biblique. Le fait d’être avec les missionnaires lui a permis de comprendre très vite l’anglais. Ce qui le rendait différent des autres enfants, c’est qu’il était très travailleur, engagé et ferme dans tout ce qu’il faisait. Il disait la vérité quelle que soit la situation et ne reculait pas devant une situation difficile.
Conversion et début de vie chrétienne
Médo Ouédraogo s’est converti dans l’Eglise des Assemblées de Dieu de Ouahigouya quand il était un jeune élève à l’école primaire. Les circonstances exactes de sa conversion demeurent inconnues. Il y avait d’autres chrétiens dans le village, même dans sa propre famille. Son propre grand frère, Somziba Ouedraogo, était déjà converti et est devenu pasteur plus tard. Mais pour la plupart, toute la famille de Médo était soit musulmane, soit animiste. La famille a subi beaucoup d’attaques dont on ne connaissait pas l’origine. Ces attaques ont provoqué beaucoup de maladies au sein de la famille. Comme il était convaincu que c’est le sang de Jésus Christ qui libère et donne la santé, il est probable que Médo a su très vite donner sa vie à Jésus Christ afin de bénéficier de sa protection. Cette conversion a rapidement entraîné la conversion de ses parents et toute la famille au Seigneur.
Avec son père et sa mère, il n’y a pas eu de difficultés particulières suite à sa conversion ; toutefois au niveau de la grande famille qui était musulmane, l’opposition était grande. Il y a eu des tendances de marginalisation et, des refus de continuer à intégrer les nouveaux convertis dans la société comme d’habitude. Par moment, quand Médo ou sa famille avaient un problème ou un besoin d’aide financière ou matérielle, on leur donna la condition d’abandonner la foi afin qu’on puisse les aider. Ils ont refusé et ont gardé ferme leur foi au prix de la souffrance, de la misère et des railleries.
Ouédraogo était très engagé et participait à toutes les activités de l’Eglise. Il aimait beaucoup prier. Il aimait faire des prières individuelles mais aussi, il aimait les prières collectives. Il faisait seul des jeunes d’Esther et des veillés de prière. Il participait aux prières collectives qu’organisait l’Eglise. Il pouvait quitter Ouahigouya et marcher à pied avec ses amis pour venir assister aux conventions de prière à Ouagadougou sur une distance de 181 km.
Ministère
Ouédraogo a reçu son appel en 1948. En ce temps il a refusé d’aller faire l’école biblique à Koubri. Il a préféré aller à l’école biblique de Natintigou au Benin afin de pouvoir améliorer son français, parce que là-bas les cours étaient en français. A la fin de l’Ecole biblique en 1951, il est rentré au Burkina Faso et a noué son mariage avec Mlle Ouedraogo Marie. Le couple est parti à Ouahigouya pour servir le Seigneur à la même Eglise locale où Ouédraogo avait commencé sa vie chrétienne.
Le début du ministère a été très difficile ; en ce moment, c’était son don de soi dans la prière et le jeûne qui a davantage renforcé sa foi.[1] Arrivé à Ouahigouya avec son épouse, ils ont travaillé à l’Eglise centrale de Ouahigouya avec la missionnaire, Mme. Hold, de 1951 à avril 1954. Ensuite, il a été envoyé à l’église du village de Nondin comme pasteur de mai 1954 jusqu’au début 1955. Dans cette église il y avait déjà un pasteur, mais il n’y avait pas de maison préparée pour accueillir le nouveau couple pastoral. Ouédraogo et son épouse y sont restés quelque temps. On les a envoyés ensuite dans le village de Basra (ou Nongzinigma) à sept kilomètres de Nondin pour fonder une nouvelle Eglise, car Nondin était un village hostile à l’Église évangélique. Ils sont arrivés dans ce village et Ouédraogo a commencé à confectionner lui-même les briques en terre pour construire l’Eglise et une maison d’habitation. N’ayant jamais oublié qu’il avait été renvoyé de l’école à cause de sa foi, Ouédraogo a même construit une maison pour servir d’école évangélique au sein de son église, afin de permettre l’éducation des enfants. Il a creusé lui-même un puits très profond dans la cour de la mission qu’il venait de commencer, afin que les fidèles et les élèves qu’il formait puissent disposer de l’eau sur place pour boire et faire du jardinage.
Son école en terre banco a commencé à grandir. Cela a attiré le gouvernement, qui est venu lui proposer un appui pour construire une très bonne école en matériaux définitifs, à condition que l’école devienne laïque. Très attaché à sa foi chrétienne et voulant que son école reste évangélique, il a refusé l’offre de l’Etat. L’Eglise et l’Ecole ont commencé à se développer. En 1959, on ne sait pas pourquoi, un dimanche matin de culte en commun à l’Eglise Centrale de Ouahigouya, on a annoncé publiquement que le Révérend Pasteur Médo Ouédraogo avait été désigné pour un stage missionnaire de six mois aux États-Unis d’Amérique pour continuer la mission. Immédiatement après le culte, les missionnaires blancs ont envoyé un véhicule bâché pour embarquer Ouédraogo, sa femme et ses enfants pour aller à Ouagadougou afin de préparer son voyage. Ouédraogo partit seul sans sa femme ni ses enfants pour son stage aux Etats-Unis d’Amérique le 04 Avril, 1960.
Il n’y avait pas de pasteur de relève ni pour l’Eglise qu’il avait fondé, ni pour l’école. Tout s’est écroulé par la suite. Selon son épouse et sa première fille qui se sont rendus sur ce site dans les années 2010, les ruines sont toujours là et le puits aussi. Cela laisse croire que son affectation à Ouagadougou s’est imposée soit par jalousie de ses pairs, soit par crainte des missionnaires blancs qui n’arrivaient pas à maîtriser son développement, soit par l’Etat à qui il avait refusé la collaboration en vue de créer une école laïque. Toutefois, les missionnaires blancs ont tout fait pour créer une école évangélique après son départ à Ouahigouya, mais celle de Ouédraogo a été fermée et les enfants sont tous repartis dans leurs villages respectifs.
Son ministère comprenait les soins pastoraux, l’enseignement, et beaucoup d’évangélisation. Ouédraogo a parcouru tout le Burkina avec sa voiture Baby 2CV et avec la bâchée pour faire des campagnes d’évangélisation et de l’évangélisation individuelle. Sa Baby était plein de traités bibliques et beaucoup de livres chrétiens qu’il distribuait et vendait lors de ses campagnes d’évangélisation. Sur la Baby était écrit « Librairie Roulante », « Lisez la Bible », « Prépare toi à la rencontre de ton Dieu ». [2]
Dans son ministère spécifique d’évangélisation, Ouédraogo a rencontré beaucoup de difficultés. Il a connu beaucoup d’opposition de certaines communautés qui refusaient que la parole de Dieu soit annoncée dans leur village. Mais il arrivait toujours à convaincre son interlocuteur afin d’annoncer la parole du salut en Jésus Christ. Il défendait des valeurs intrinsèques à savoir le Salut et la foi en Jésus Christ, l’intégrité, la vérité.
Il a été victime de la jalousie de certains de ses collègues pasteurs qui ne supportaient pas qu’il soit le seul à disposer de véhicules pour des campagnes d’évangélisation et qui étaient jaloux de l’expansion extraordinaire de sa mission par la création de l’Eglise de Basra et de l’école primaire. Aussi, certains de ses collègues pasteurs, jaloux, ne supportaient pas qu’il soit le seul à être désigné en 1959 pour aller aux USA.
Ouédraogo était connu pour plusieurs de ses actions héroïques. Dans son école, un élève devenu aujourd’hui pasteur est tombé dans le puit qu’il avait creusé. Ouédraogo avait déjà reçu une vision et veillait avec son épouse pour prier pour cela. Il a plongé automatiquement tout seul dans le puit malgré la profondeur pour faire sortir l’élève.
Une autre fois, il était à une campagne d’évangélisation qu’il avait organisé dans un village de Boromo. Lorsqu’il a rencontré le chef du village pour l’informer qu’il voulait faire un meeting d’évangélisation au marché, le chef a pris un couteau et a déchiré son propre corps pour que le sang coule. Il a dit au pasteur que s’il essayait l’évangélisation son sang allait aussi couler. Ouédraogo a bravé cela et a résisté au chef du village. Il est allé tenir sa campagne d’évangélisation et rien ne lui est arrivé, car les gens du village ont eu peur de lui.
À un autre moment, dans une famille à Gounghin à côté du siège du Conseil Général des Assemblées de Dieu, un monsieur armé d’une hache avait pris en otage sa femme qu’il voulait tuer. Personne dans le quartier ne voulait s’approcher de la cours. Mais Ouédraogo avec tout son courage, sa foi, et son amour du prochain est allé affronter ce monsieur. Sans lutte ni bagarre il l’a désarmé et a sauvé la femme.
Lors de son retour des États-Unis, Ouédraogo a été le pasteur du culte francophone à l’Église centrale des Assemblées de Dieu à Ouagadougou. Il a été professeur à l’École biblique de Koubri pendant neuf ans. Tout cela se faisait en symbiose avec sa mission d’évangélisation. Il était régulièrement sur le terrain d’évangélisation presque chaque semaine de lundi à vendredi jusqu’à ce qu’il soit voté par tous ses pairs comme quatrième Président du Conseil Général des Assemblées de Dieu de Haute Volta (Burkina Faso) en 1979. A la fin de son mandat, il a fondé l’Eglise des Assemblées de Dieu de Ouidi Ville où il est resté pasteur principal jusqu’à sa retraite et son décès. Dans son travail de pasteur ou d’évangéliste, il était assisté par d’autres pasteurs, mais sa rigueur, son exigence, son intégrité et le fait qu’il aimait la vérité faisait qu’il était souvent incompris par ses pairs.
Toutefois dans son ministère, sa grande faiblesse est qu’il avait une grande vision avec très peu de moyens humains, financiers et matériels de sorte que cette vision constituait un fardeau pour lui.
Famille
Ouédraogo et sa merveilleuse épouse maman Ouédraogo Marie ont eu dix enfants dont quatre garçons et six filles. Il a été très éprouvé dans sa famille par de graves et longues maladies (presque à vie) de certains de ses enfants, mais cela ne l’a pas empêché de rester ferme avec son Seigneur Jésus Christ jusqu’à sa promotion céleste. Ouédraogo était tellement zélé pour le Seigneur qu’il semblait manquer à sa famille. Toutefois sa famille a un sentiment de fierté à l’égard de leur papa, parce qu’il est resté ferme avec son Dieu et qu’il était intègre dans tout ce qu’il faisait. Il a été un père exemplaire et s’est donné totalement à l’œuvre de Dieu.
Il faut remarquer que Ouédraogo a une vie qui s’apparente à la vie de Joseph fils de Jacob dans la Bible. En effet parce qu’il avait beaucoup confiance à son Dieu et était dirigé par l’Esprit Saint, il était très confiant en lui-même en ce qui concerne les promesses divines. De ce fait, certains de ses collaborateurs le considéraient orgueilleux et ont mis des embûches sur son chemin. [3]. Comme le confirme le livre du Pasteur Berger Jean Nana « Les repères spirituels pour découvrir ses dons et ses talents » à la page 104 : « … lui-même a été victime d’un accident grave et les collègues pasteurs charnels comme Esaü l’ont persécuté pour cause de jalousie de leadership. Dans toutes ses souffrances, il a été vainqueur comme l’apôtre Paul… »
Médo Ouédraogo est décédé le 9 avril 2010 de suite d’un petit accident banal dans sa propre cours. En effet il a glissé et est tombé dans sa cours. Suite à cet incident, il a subi quatre interventions chirurgicales et c’est au cours de la quatrième intervention qu’il ne s’est pas relevé.
Walbeogo Nagoukomba
Notes :
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Berger Jean Nana, Les repères spirituels pour découvrir ses dons et ses talents (Ouagadougou : Imprimerie des Assemblées de Dieu Sarl, 2019), P. 104
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Berger Jean Nana, Les repères spirituels pour découvrir ses dons et ses talents (Ouagadougou : Imprimerie des Assemblées de Dieu Sarl, 2019), P. 104
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Berger Jean Nana, Les repères spirituels pour découvrir ses dons et ses talents (Ouagadougou : Imprimerie des Assemblées de Dieu Sarl, 2019), P. 104
Sources :
Ouédraogo Marie (née Ouédraogo), interview du 27 Avril, 2021 par Walbeogo Nagoukomba. Madame Ouédraogo, née en 1936 à Ouahigouya, était l’épouse de Médo Ouédraogo. Elle est la première fille du Révérend Pasteur Ouédraogo Philippe, premier Président du Conseil Général des Assemblées de Dieu du Burkina Faso.
Madame Kaboré (née Ouédraogo) Elizabeth, interview du 28 Avril, 2021 par Walbeogo Nagoukomba. Madame Kaboré, née le 12/10/1957 à Nondin (Ouahigouya) est le deuxième enfant mais première fille de Médo Ouédraogo.
Monsieur Ouédraogo Benjamin, interview du 29 Avril, 2021 par Walbeogo Nagoukomba. Monsieur Ouédraogo, née le 07/09/1979 à Ouaga est le dernier fils de Médo Ouédraogo.
Cet article, reçu en 2021, est le produit des recherches de Walbeogo Nagoukomba, étudiant en licence de théologie à l’Université Chrétienne Logos Internationale de Ouagadougou au Burkina Faso, sous la Direction de la Dre Anicka Fast.