Ouédraogo, Segnogo
Segnogo Ouédraogo, né en 1909, fut un éminent pasteur de l’Église des Assemblées de Dieu du Burkina Faso. Son père s’appelait Yamréngbangré qui signifie en langue Mooré « la sagesse précède la connaissance » et sa mère s’appelait Fûsin. Il fut le troisième et dernier enfant de sa famille.[1] Il décéda le 21 novembre 1997 après une vie entièrement consacrée au Seigneur. Son prénom signifie « Rencontrer le bonheur » [2] et ce bonheur s’est attaché à lui, pourrait-on le dire, de manière éternelle!
Enfance
Hormis son prénom qui semblait prophétique, rien ne permettait à Ouédraogo de rêver d’une vie riche et exemplaire. Né dans le contexte colonial dans une famille animiste et analphabète, il devint très jeune orphelin. Cependant, l’arrivée des missionnaires américains des Assemblées de Dieu à Ouagadougou en 1921 constitua un tournant agréable dans la vie du jeune Segnogo bien qu’il ne le sache pas encore. Reçus par le Mogho Naaba et installés à Gounghin, un quartier de Ouagadougou, les missionnaires entreprirent de se construire des bâtiments. Altruiste, le Mogho Naaba envoya ses émissaires dans les contrées voisines pour demander des bras valides pour aider les missionnaires dans leurs travaux. C’est à la faveur de cet acte du Mogho Naaba que le jeune Segnogo, adolescent et orphelin fut désigné pour répondre à la sollicitation du Mogho Naaba. Segnogo quitta son village natal de Saaba pour rejoindre Gounghin, à environ 15 km de distance. Ce petit voyage à pied a été le chemin vers le salut du jeune orphelin.
Conversion
Comme cela ne pouvait pas manquer, durant ou après les travaux de construction, les missionnaires saisirent toute occasion pour annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus Christ et des cœurs furent touchés. Parmi eux se trouva le jeune Segnogo. Voilà l’accomplissement prophétique de son prénom « Rencontrer le bonheur » : il rencontra le Seigneur Jésus vers 1925.[3] Il est à noter qu’en plus de la nouvelle naissance, Segnogo qui était jadis cultivateur et fils de cultivateur a appris un nouveau métier : la construction.
Ouédraogo fut consacré pasteur en 1934 [4] avec neuf autres. Ils furent les dix premiers pasteurs des Assemblées de Dieu au Burkina Faso.
Vie et ministère
Après son ordination, Ouédraogo retourna dans son village natal de Saaba pour son ministère. Doté d’un esprit de sagesse, il sut éviter les dissensions sans se compromettre, et plusieurs se convertirent. Cependant les adeptes de la vie mondaine ne manquèrent pas de lui lancer des pics et rebaptisèrent même le christianisme (des Assemblées de Dieu) en « école de Segnogo » qu’ils qualifièrent de trop rigoureuse : pas d’alcool, pas de sexe hors mariage, pas d’excitants, pas de vie tout simplement ! Cela contrastait avec le catholicisme qui autorisa alcool, cola, et tabac.
Ouédraogo se démarqua très vite comme illustre évangéliste de son Église. Il ne s’embarrassa pas des débats théoriques sur quoi consommer ou ne pas consommer mais démontra plutôt les conséquences de la consommation de certains aliments, boissons ou excitants.
Tout au long de son ministère, il refusa de planter des vergers (manguiers, goyaviers, etc.) de peur que cette activité économique ne l’empêche de se déplacer comme il faut pour l’évangélisation. Il refusa l’élevage de porcs, arguant que les porcs sont des animaux qui dans leur divagation détériorent les biens d’autrui, et par conséquent fracturent la cohésion sociale. Il faut noter que dans le contexte de la Haute Volta d’alors, il n’y avait pas de fermes clôturées pour l’élevage ; les éleveurs laissaient les animaux se promener et revenir. Au cas échéant, ils sortaient à leur recherche. Il refusa également de posséder une arme car il dit non à la violence. Il refusa également de posséder une parcelle dans la grande ville. Il refusa volontairement toute activité économique afin d’être entièrement disponible pour l’évangélisation. Sensible, Ouédraogo refusa également la chasse, et pour cause : il ne voulait pas abattre une femelle en gestation.
Complètement détaché de toute recherche de richesses matérielles et financières, bien qu’il fut architecte et constructeur, c’est son épouse qui assura le soutien financier nécessaire pour le pain quotidien, la scolarisation des enfants, et les soutiens multiformes apportés aux membres indigents de l’église.
Ouédraogo fut également guérisseur. Il priait pour les malades, et leur donna aussi des traitements à base de plantes ou des médicaments pharmaceutiques ne nécessitant pas d’ordonnance médicale. Il était très hospitalier. Il veillait à ce qu’il y ait à tout moment quelque à manger dans la maison afin de bien recevoir tout visiteur, qui pourrait être aussi un ange. Tous ces traits de caractère qui peuvent nous paraître aujourd’hui banals ne le sont pourtant pas pour un analphabète des temps coloniaux. Il fallait être lui pour penser ainsi.
Évangéliste en toute occasion
Dans les années 1940,[5] une connaissance de Ouédraogo avait son créancier à Yaïka, village situé à environ 80 km de Ouagadougou, dans la province du Ganzourgou. Comme il ne connaissait pas Yaïka, le pasteur se proposa de l’accompagner afin qu’il récupère son dû auprès de son créancier. Le montant de la dette était de 25 Fcfa. Par comparaison, Ouédraogo lui-même avait été payé 15 Fcfa pour deux mois de travail avec un missionnaire à Tenkodogo qu’il avait rejoint à pied—un voyage de 185 km. Le voyage à pied dura quelques jours et l’occasion fut bonne pour le pasteur évangéliste qui annonça la Bonne nouvelle à chaque opportunité. Durant le séjour à Yaïka pour retrouver le débiteur de son compagnon, Ouédraogo a gagné des âmes et formé une église locale. Le chemin de retour ne fut pas moins fructueux, puisqu’il s’arrêta à Zorgho, où beaucoup d’autres se convertirent encore pour former une autre assemblée locale. De ce voyage, long de plus de 80 km à pied pour réclamer une dette de 25 F cfa, naquirent donc deux églises locales : l’une à Yaïka et l’autre à Zorgho.
Après ce voyage Ouédraogo revint à son village natal de Saaba où se trouva son église locale. De là il fit plusieurs missions d’évangélisation et implantations d’églises dans le Ganzourgou, le Bazèga (à Touanga), l’Oubritenga (Ziniaré) et bien d’autres localités avant de revenir à Saaba pour expirer le 21 novembre 1997. Nul ne sait aujourd’hui combien de pasteurs sont issus directement du ministère de Ouédraogo, ni combien d’églises locales il a implantées, ni le nombre de conversions à Jésus Christ directement liées à son ministère.
Ouédraogo Jules
Notes :
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Sawadogo, Youssouf. Le pasteur Segnogo Ouédraogo : Un héros de la foi. Page 17.
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Sawadogo, Youssouf. Le pasteur Segnogo Ouédraogo : Un héros de la foi. Page 88.
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Sawadogo, Youssouf. Le pasteur Segnogo Ouédraogo : Un héros de la foi. Page 19.
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Leçon biblique de l’Église des Assemblées de Dieu du Burkina Faso.
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La date de 1940 est tirée de Sawadogo, Youssouf. Le pasteur Segnogo Ouédraogo : Un héros de la foi. Page 31.
Sources :
Sawadogo, Youssouf. Le pasteur Segnogo Ouédraogo : Un héros de la foi. Ouagadougou. Éditions Basnéré, 2006.
Nana, Jean. Les repères spirituels pour découvrir ses dons et ses talents. Ouagadougou : Imprimerie des Assemblées de Dieu du Burkina Faso, 2019.
Ouédraogo, André. Fils de Segnogo Ouédraogo. Interview par Ouédraogo Jules le 9 juin 2021 à Ouagadougou, Burkina Faso.
Ouédraogo, Baowensom. Enfant spirituel de Segnogo Ouédraogo. Interview par Ouédraogo Jules le 9 juin 2021 à Ouagadougou, Burkina Faso.
Cet article, reçu en 2021, est le produit des recherches de Ouédraogo Jules, étudiant en licence de théologie à l’Université Chrétienne Logos Internationale de Ouagadougou au Burkina Faso, sous la Direction de la Dre Anicka Fast.