Traore, Tankian Thomas
Naissance
Traore Tankian Thomas est né le 24 février 1960 à Bourasso dans la province de la Kossi dans la région de la Boucle du Mouhoun en Haute-Volta (l’actuel Burkina Faso). C’était l’année de l’indépendance de la Haute-Volta sous le régime de Maurice Yaméogo. C’était également une année de forte chaleur et de méningite qui a endeuillé plusieurs familles. Sa mère s’appelait Coulibaly Ilomou Deborah. Son père, Traore Samuel, était l’un des pasteurs pionniers de la région de la Boucle du Mouhoun dans les années 1960. Son nom Tankian est un diminutif en langue bwamou, et signifie « la voix de la sagesse des anciens ». Traore Tankian était donc un Bwaba. Thomas avait deux frères, Élise et Néhémie, et quatre sœurs, Catherine, Denise, Nema et Abigaïl. En plus de sa langue maternelle, le bwamou, il parlait plusieurs langues y compris le dioula, le fulfulde, le dafing, le cerma, le français et le bobo-madarai.
Jeunesse
À l’époque de l’enfance de Thomas, les églises évangéliques n’étaient pas nombreuses dans la région de la Boucle de Mouhoun. Son village de Bourasso était totalement sous l’emprise de la religion traditionnelle des ancêtres. Comme ils étaient peu nombreux, les chrétiens dans chaque village (tels que Nouna, Doumbala, et autres) avaient l’habitude d’organiser à tour de rôle une conférence annuelle pour des enseignements. Thomas appréciait bien ces moments de communion et de soutien entre frères et sœurs chrétiens. Comme enfant, Thomas parlait peu. Il était travailleur, rigoureux dans ce qu’il faisait, très obéissant aux parents, et très ferme dans ses prises de position. Il s’exécutait toujours avec empressement, plaisir, et le souci de très bien faire. Lorsqu’il avait environ sept ans, le père de Thomas l’a inscrit à l’école primaire privée protestante de l’Alliance chrétienne de Doumbala, loin de chez lui. Le jeune Thomas passait toujours ses vacances auprès de son papa, l’aidant à cultiver pendant la saison hivernale.
Conversion et vocation
Thomas s’est converti le même jour que son ami, lors de la venue d’un évangéliste malien dans leur village. Le Malien chantait et jouait de la guitare. Dans ses chansons il encourageait les uns et les autres à donner leur vie au Seigneur Jésus. Ensuite il a demandé qui dans son auditoire voulait qu’on prie pour lui. C’est à ce moment-là que Thomas et son ami Japhet Dakyo se sont avancés. Ils ont décidé de suivre Jésus-Christ et de le servir juste qu’à la mort.
Thomas a reçu son appel au ministère pastoral pendant qu’il était à l’école primaire. Le maitre demandait parfois aux élèves d’écrire une composition dans laquelle ils devaient décrire ce qu’ils rêvaient de devenir. Chaque fois, Thomas et son ami Japhet Dakyo disaient qu’ils voulaient devenir pasteur après leurs études. Après l’obtention de son Certificat d’études primaires, Thomas a décidé alors de se faire former à l’Institut Maranatha à Bobo-Dioulasso. En ce temps-là, seuls les baptisés pouvaient s’inscrire à l’Institut Maranatha. Alors il a décidé de se faire baptiser dans un bassin de la cour de l’église de Nouna par son papa qui était le pasteur de l’église de Nouna. C’est ainsi qu’il a intégré la deuxième promotion de l’Institut Maranatha de 1977 à 1982.
Mariage et vie familiale
Thomas avait autour de lui beaucoup de jeunes filles parmi lesquelles il pouvait choisir une épouse. Pourtant, bien que tout semblait bien aller pour lui en tant que jeune homme, il se comportait comme s’il n’allait pas se marier. Avec toutes ces jeunes filles qui désiraient être sa femme, il entretenait seulement une relation fraternelle. Mais un jour il a rencontré avec une belle jeune fille du nom de Dina Yenfoni dans un village appelé Kamignakoro. Accompagné par un frère, il est arrivé à la maison de Dina et l’a trouvée en train de piler le mil. Elle les a invités à s’asseoir. Après quelques minutes de conversation ils se sont levés et sont partis. Ensuite, Thomas a écrit une lettre en bwamou que son ami est allé remettre à Dina. Il a demandé à Dina de l’épouser et de répondre à la lettre le même jour. Mais quand Dina l’a lu, elle n’a pas pu répondre tout de suite. Pour attendre sa réponse, Thomas a dormi dans le village de Dina, mais le lendemain il est rentré chez lui. Quelques jours plus tard, Dina a écrit sa réponse à la lettre en bwamou et l’a donnée à une de ses amies pour la remettre à Thomas. Quand Thomas a lu la lettre il était très content parce que la réponse de Dina était « oui ». C’est ainsi que selon la providence de Dieu une relation a commencé entre Thomas et Dina Yenfoni qui a abouti à leur mariage en 1981, une année avant la fin de sa formation pastorale. De cette union sont nés quatre enfants (Eliezer, Joanna, Zozer et Abija) et six petits-enfants (Clarisse Joy’s, Elioude, Elizia Liney, Esly, Michaella et Jehiel).
Thomas était un bon père de famille, jouant pleinement le rôle qui était le sien malgré ses absences répétées et ses multiples occupations. On ne peut pas dire que sa vie conjugale et familiale était exemplaire à cent pour cent, mais il n’a pas sacrifié sa famille aux dépens du ministère. Après chaque voyage il consacrait un temps à Dieu et ensuite à sa famille. Son épouse était une femme très courageuse et très engagée activement dans le ministère auprès de son mari. Partout où son mari était affecté elle le suivait, et elle accompagnait son mari dans les conseils et dans la prière.
Ministère
À la fin de sa formation pastorale en 1982, Thomas était affecté à l’Église de l’Alliance chrétienne de Banfora au milieu des Gouin. Il s’est consacré à l’œuvre d’évangélisation, et le Seigneur l’a utilisé. Durant son séjour à Banfora un réveil s’est éclaté et a abouti à l’implantation de plusieurs églises. Ses talents de chanteur et de guitariste ont servi pour l’évangélisation et pour l’édification du corps de Christ.
En 1987, il a entamé des études supérieures en Théologie pastorale à l’institut Emmaüs en Suisse, d’où il est revenu avec un certificat en 1988. À cette époque, il était question de trouver une famille missionnaire burkinabè pour accompagner le couple Peter et Judy Colman, missionnaires de l’Alliance Chrétienne et Missionnaire qui commençaient un ministère d’implantation d’églises à Ouagadougou. [1] C’est ainsi que L’Église de l’Alliance Chrétienne a identifié quatre pasteurs parmi lesquels il fallait faire un choix après concertations et prières : il y avait Tamini Blaise, Emmanuel Sangaré, Moussa Coulibaly et Thomas. Finalement le choix est tombé sur Thomas, jeune pasteur de Banfora qui venait de faire une formation en Suisse. C’est ainsi qu’il a été affecté à Ouagadougou au milieu des Mossis où une jeune communauté chrétienne naissait suite à l’œuvre pionnière d’étudiants et de missionnaires blancs. Il a été donc le premier pasteur burkinabé à s’atteler à la consolidation du ministère de l’Église de l’Alliance Chrétienne à Ouagadougou, bien que d’autres pasteurs l’aient rejoint plus tard. Cela a abouti au développement de la communauté, avec l’implantation de plusieurs églises locales annexes et la construction d’un bâtiment pour l’église centrale.
Convaincu de l’importance de l’érudition dans les Saintes Écritures, Thomas a poursuivi ses études encore à l’institut Emmaüs en 1991. Après dix ans de service, il a continué sa formation en théologie à la Faculté de Théologie de l’Alliance Chrétienne à Abidjan (FATEAC) de 2001 à 2006, sortant avec une Maitrise en Théologie biblique.
Il a accompli son ministère pastoral principalement à Ouagadougou, bien qu’étant fortement impliqué dans l’équipe d’évangélisation et dans le développement de la vision missionnaire de l’Église. Il est devenu un orateur fréquent dans les camps et les congrès pour la mobilisation des jeunes au Burkina Faso et ailleurs.
Thomas a occupé plusieurs postes de leadership dans l’Église. Il a été enseignant et directeur académique à l’Institut missiologique du Sahel (l’actuel Institut missiologique de l’Afrique francophone à Ouagadougou) dans les années 2008, 2009 et 2010. Il a été membre du comité-BA (c’est ce qui est le Comité Exécutif National [CEN] aujourd’hui), puis vice-président du Comité Exécutif National (CEN) de l’Alliance Chrétienne. Il a représenté le président national de l’Eglise de l’Alliance Chrétienne du Burkina Faso au sein de la Fédération des Églises et Missions Évangéliques (FEME) pendant plusieurs années à Ouagadougou avant d’être lui-même élu comme président du Comité Exécutif National de l’Alliance Chrétienne en mars 2013. Sa nouvelle fonction de premier responsable l’a amené à s’installer à Bobo-Dioulasso au siège de l’Alliance Chrétienne du Burkina Faso.
Thomas a passé huit ans à la tête de l’Église. Pendant ce temps il a réalisé beaucoup de choses. Il a mis en place des structures pour organiser les préparatifs du centenaire de l’Église de l’Alliance Chrétienne qui sera célébré en 2023, notamment un comité de mission, un comité de construction et un comité de mobilisation des fonds. Il a aussi réorganisé la structure de l’action missionnaire en mettant en place un comité chargé de piloter la vision missionnaire de l’Église de l’Alliance Chrétienne. Enfin, à travers l’équipe nationale de l’évangélisation, il a réalisé l’implantation de plusieurs nouvelles églises là où l’Église n’était pas encore représentée. En vue des loyaux et remarquables services rendus à son pays, il a été élevé au rang du Chevalier de l’Ordre de l’Étalon, le 11 décembre 2021 à Bobo Dioulasso.
Personnalité
Les qualités naturelles et spirituelles de Thomas l’ont permis d’accomplir sa mission. Physiquement, Thomas n’était pas bâti comme un hercule mais il était d’une santé de fer. Sa vision, sa détermination, sa disponibilité, sa ténacité, et son zèle faisaient la différence. On ne peut pas oublier son intégrité, sa loyauté, sa générosité, son hospitalité, et son sens de l’humour. Il avait d’un tempérament flegmatique. Sa nature était pétrie de courage et d’initiative. L’inconnue l’attirait. Il savait aussi qu’il lui suffisait d’apporter la lumière de l’Évangile ici et là pour qu’elle se répande ensuite par sa propre force. Il avait aussi une influence sur les hommes. Par son humilité, il a gagné l’estime et l’affection de tous ceux pour qui il s’abaissait. Il pouvait donc introduire l’Évangile facilement. Son humilité et son silence étaient la base de son leadership exceptionnel.
L’affection si vive qu’on lui portait était aussi provoquée par un autre des traits dominants de son caractère : le désintéressement. Il s’agit d’une des plus rares des qualités humaines. Thomas ne poursuivait jamais ses propres intérêts. Il ne servait pas Dieu pour recevoir quelque chose en retour. Il sacrifiait souvent ses biens au profit de l’œuvre de Dieu. Par exemple, avant de quitter l’église de Banfora, il a laissé sa tout première guitare avec l’église. Il consacrait tout son temps à Dieu et ne vivait que pour Christ qui l’avait tant aimé et qui s’était livré pour lui.
Fin de mission
Trois jours avant sa mort, toujours sur son lit d’hôpital, Thomas a évangélisé et distribué des Bibles au personnel soignant qui s’occupait de lui. Le 15 août 2022, à l’âge de 62 ans, il est décédé à la clinique Wendtoin de Ouagadougou. Il a été inhumé au cimetière de Dagnoen dans le cinquième arrondissement de Ouagadougou, avec tous les honneurs des parents, des militaires, des proches et de l’ensemble des Églises évangéliques du Burkina Faso et ailleurs.
Traore B. Gaoussou Philippe
Notes :
[1] Milton et Nancy Pearce, “History of the C&MA in Burkina Faso: The Trials, Triumphs, Tidbits, and Trivia of History: Seventy-Five Years of Alliance Ministry in Burkina Faso” (Bobo-Dioulasso, 1997), p. 25-26. https://issuu.com/ronaldwbrown/docs/history_of_cma_in_burkina_faso, consulté le 22 novembre 2022.
Sources :
Dakyo Japhet, ami d’enfance de Traoré Tankian Thomas. Interview par Traore B. Gaoussou Philippe le 26 octobre 2022 au siège de l’Église de l’Alliance chrétienne à Bobo-Dioulasso au Burkina Faso.
Dao Job, président de l’Église de l’Alliance chrétienne. Interview par Traore B. Gaoussou Philippe le 1er novembre 2022, dans son bureau au siège de l’Église de l’Alliance chrétienne à Bobo-Dioulasso au Burkina Faso.
Drabo Mamadou, ancien de l’Église centrale de l’Alliance chrétienne de Ouagadougou. Interview par Traore B. Gaoussou Philippe le 30 octobre 2022 par téléphone.
Paré, Ismaël Saturnin. Notice du décès du pasteur Thomas Traore. Ouagadougou, 15 août 2022.
Pearce, Milton et Nancy. “History of the C&MA in Burkina Faso: The Trials, Triumphs, Tidbits, and Trivia of History: Seventy-Five Years of Alliance Ministry in Burkina Faso.” Bobo-Dioulasso, 1997. https://issuu.com/ronaldwbrown/docs/history_of_cma_in_burkina_faso.
Sanou Bakary Joseph, ancien de l’Église centrale de l’Alliance chrétienne de Banfora. Interview par Traore B. Gaoussou Philippe le 25 octobre 2022 par téléphone.
Tamini Benjamin, pasteur principal de l’Église centrale de l’Alliance Chrétienne de Ouagadougou, assistant de Traoré Thomas. Interview par Traore B. Gaoussou Philippe le 15 octobre 2022 à Ouagadougou au Burkina Faso, au domicile du défunt Thomas Traore.
Traore Eliezer, premier fils de Traoré Thomas. Interview par Traore B. Gaoussou Philippe le 15 octobre 2022 à Ouagadougou au Burkina Faso, au domicile du défunt Thomas Traore.
Yenfoni Dina, épouse de Traoré Thomas. Interview par Traore B. Gaoussou Philippe le 15 octobre 2022 à Ouagadougou au Burkina Faso, au domicile du défunt Thomas Traore.
Cet article, reçu en 2022, est le produit des recherches de Traore B. Gaoussou Philippe, étudiant à l’Institut missiologique de l’Afrique francophone à Ouagadougou au Burkina Faso, sous la direction de la Dre Anicka Fast.
Galerie Photos :
- Traoré Thomas, le 16 septembre 2014 dans son bureau au siège de l’Alliance Chrétienne à Bobo-Dioulasso.
- Traoré Thomas avec sa famille. Photo prise le 11 décembre 2021 à Bobo-Dioulasso à l’institut Maranatha lors de sa décoration en tant que chevalier de l’Ordre de l’Étalon.