Zabre, Sidibé
Zabre Sidibé est né en 1921 dans le petit village de Damané à sept kilomètres de Kaya. Selon les documents administratifs il se nommait Zabre Sidibé, mais on l’appelait communément Merka, en faisant référence à son titre de pasteur.
En tant que fils de pasteur, il est né dans la foi, mais cela ne signifie pas qu’il ait donné sa vie à Jésus. C’est en 1944 qu’il s’est consacré au Seigneur. Il s’est marié à S. Pauline Sawadogo en 1950. Après le décès de S. Pauline Sawadogo, il s’est remarié à Jacqueline Sawadogo en 2001. Au total, il a eu neuf enfants dont quatre fils rappelés auprès de Dieu, et quinze petits-enfants. Après sa conversion, il a reçu l’appel et il est allé à l’école biblique de Nagbangre à 30 km de Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, de 1949 à 1952. Après avoir fini la formation, on l’a affecté en premier dans un village du nom de Kampalla dans la région de Pô dans le Nahouri. Il y a fondé l’église et en même temps il a travaillé à répandre la Bonne Nouvelle dans la zone de Pô de 1952 à 1962, soit pendant dix ans.
De Pô, Zabre Sidibé est revenu à l’école biblique en tant que premier directeur noir de l’école biblique de Nagbangré de 1962 à 1969. Après ce deuxième passage à l’école biblique, il est reparti à Pô et ensuite chez lui à Kaya. Il est reparti ensuite à Kongoussi où il a fondé la première église des Assemblées de Dieu. Il y est resté de 1972 à 1982 et a travaillé également à répandre la Bonne Nouvelle dans la région de Kongoussi avant de poser ses valises chez lui à Kaya. À Kaya, Zabre Sidibé a d’abord fondé l’église centrale des Assemblées de Dieu, ensuite il a fondé l’église des Assemblées de Dieu de Tiwega. Il y est resté et s’est consacré à l’œuvre jusqu’à son dernier souffle en 2017.
Pendant les années de son ministère, Zabre a fait face à de grands défis, mais grâce à Dieu il les a tous surmontés. Par exemple, lorsqu’il voulait implanter la toute première église dans la région de Pô, il a rencontré l’opposition des villageois. Il a rencontré le refus des chefs religieux de la zone, mais il a tenu, il a insisté, et il a pu implanter l’église.
Toujours à Pô, des évènements mystérieux sont arrivés dans sa vie. Un jour il était chez son ami et la pluie se préparait. Il y avait lui, son ami, et la femme, l’enfant et le chien de son ami. La foudre est descendue dans ce lieu et a tué tout le monde y compris le chien. Zabre Sidibé était le seul survivant après le passage de la foudre. En plus de cela, dans la même région, il a perdu tous ses fils biologiques, il n’est resté que les filles. En tout cas il a bravé tout ce qu’il y a eu comme difficultés pour pouvoir implanter l’église.
Pendant les années qu’il a passées à Kongoussi, sa deuxième zone de ministère, il a également affronté beaucoup de difficultés. Il était à Kongoussi-Centre et partait évangéliser dans les petits villages. Dans un de ces villages il a pu implanter une église annexe et affecter un pasteur. Mais entre-temps le chef du village et sa suite ont simplement interdit au pasteur de tenir un culte. Alors Zabre Sidibé a pris son véhicule et son fusil de chasse et il s’y est rendu un dimanche matin. Il a lui-même sonné la cloche, a positionné son fusil juste à l’entrée de l’église, et est entré. Pendant que le village observait, les fidèles sont venus et il a fait le culte. Cela s’est répété deux, trois fois et finalement le chef et sa suite se sont tus et le culte pouvait se dérouler sans problème.
Lorsqu’il a fondé la première église de Kongoussi en 1972, il partait dans les villages de Rouko, Sambsin, et Yimiougou pour évangéliser. Les âmes se donnaient au Seigneur mais il n’y avait pas encore d’église dans ces localités. Le jour du dimanche, qui coïncidait avec le marché de Kongoussi, Zabre se levait à 5h du matin avec son véhicule et amenait tous les nouveaux convertis de ces villages à l’église centrale de Kongoussi pour faire le culte. Après le culte, ils se déportaient au marché de Kongoussi pour faire une évangélisation en plein air. Après l’évangélisation, il ramenait tout un chacun dans son village et regagnait son domicile aux environs de 23h00. Il a fait ainsi pour pouvoir implanter des églises dans ces localités et y affecter des pasteurs.
Après tout cela, Zabre Sidibé était obligé de quitter la région de Kongoussi à cause d’une mésentente entre lui et les pasteurs natifs de la région. On disait qu’il devait quitter puisqu’il n’était pas de la région. Pendant cette crise, le Conseil national des Assemblées de Dieu a même envoyé une délégation demandant au pasteur pionnier de quitter la région. Et c’est ce qu’il a fait pour enfin revenir dans la région de Kaya en 1983.
Le pasteur a aussi eu de vives tensions avec le Conseil national des Assemblées de Dieu du Burkina Faso à cause d’un véhicule que ses amis lui ont donné quand il est parti en Europe. On l’a même traité de fils de Satan en ce moment. Mais plus tard, le Conseil national est venu voir le pasteur Sidibé pour lui demander pardon suite aux disputes qui ont eu lieu. Ils se sont pardonnés et c’était réellement un moment de joie. Selon son gendre Philippe Ouedraogo, Zabre était quelqu’un qui pardonnait facilement.[1] Une délégation de la région de Kongoussi est venue aussi se réconcilier avec lui en apportant des dons et ils ont tenu un programme d’évangélisation dans son église à Kaya.
Dans la gestion de ses finances, Zabre Sidibé avait l’habitude d’injecter tout ce qu’il gagnait dans l’œuvre de la mission. Plusieurs personnes lui ont fait des dons en disant, « On t’envoie ça pour toi-même. » Mais il a pris ces fonds pour construire, que ce soit une fontaine, une église ou un toit pour une église. Une fois il avait voyagé en Europe et on lui a donné de l’argent. Ce n’était pas une petite somme. À son retour au Burkina Faso on pensait qu’il allait construire une école ou un dispensaire pour au moins assurer l’avenir de ses enfants. Mais il a simplement pris cet argent pour payer des motos pour distribuer à des pasteurs. Une fois aussi il a reçu de l’argent pour aider les femmes de son église. Sa propre fille qui est la benjamine a demandé qu’on lui paye juste un vélo, mais son papa a dit « Non, tu n’es pas femme de l’église donc tu ne peux pas bénéficier. » À Kongoussi il avait construit une église et une école qui étaient sa propriété ; mais quand il a quitté Kongoussi il a simplement pris cette école pour la donner au Lagengo.
Donc, tout ce qu’il avait était pour la mission. Il s’oubliait lui-même et il oubliait ses enfants. Pendant toute sa vie, sa personne importait peu, mais c’est la mission qui était son souci majeur. Les églises qu’il construisait, il le faisait simplement à la sueur de ses efforts. Le peu qu’il gagnait de ses amis, il injectait tout dans la mission et mobilisait les membres de l’église pour participer à la réalisation des activités.
Hormis le ministère pastoral, Zabre Sidibé exerçait des activités d’agriculture et l’élevage. Il était un grand éleveur et un grand agriculteur. Il a reçu des médailles par rapport à ses activités sur le plan de l’élevage. Sur le plan de l’agriculture, chaque saison il y avait une multitude de personnes qui partait au champ, c’étaient de grands champs. Parfois même les gens se demandaient, « Ces gens-là, ils partent cultiver tout cela pour quoi ? » Mais c’était pour qu’après la récolte, on puisse entasser toutes ces vivres et en cas de famine, les jeunes pasteurs, les fidèles qui ne sont même pas de Kaya, viennent avec leurs sacs et repartent avec de quoi survivre. Toutes les activités qu’il menait, c’était juste pour sa propre survie et aussi pour aider ceux qui étaient dans le ministère et qui avaient des difficultés.
Zabre Sidibé était un vrai missionnaire qui a consacré sa vie pour la mission, en oubliant ses enfants et en ignorant sa propre vie au bénéfice de la mission. Avec bravoure, il a mené le combat pour la mission en servant le Seigneur de tout son cœur et de toute sa force.
Kabré Boukary
Notes :
[1] Philippe Ouedraogo, gendre du Zabre Sidibé, interview par l’auteur le 14 mai 2021 à Ouagadougou au Burkina Faso.
Sources :
Ouedraogo, Philippe, gendre de Zabre Sidibé. Interview par l’auteur le 14 mai 2021 à Ouagadougou au Burkina Faso.
Zabre/Tigasse, Priscille, belle-fille de Zabre Sidibé. Interview par l’auteur le 15 mai 2021 à Ouagadougou au Burkina Faso.
Cet article, reçu en 2021, est le produit des recherches de Kabré Boukary, étudiant en licence à l’Université chrétienne LOGOS de Ouagadougou au Burkina Faso, sous la direction de la Dre Anicka Fast.