Collection DIBICA Classique
Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.Keller, Jean
Afrique Occidentale et Équatoriale Francophone
Jean Keller, est né le 3 mars 1900, à Paris d’une famille d’origine suisse (de Meilen, Zurich). Il descendait du célèbre pasteur Oberlin (1746-1826). Alors qu’il se préparait à seconder son père, industriel à Marseille (Usines d’Engrais Schloesing), Jean Keller ressentit l’appel de Dieu à entrer à son service durant un camp de la Fédération Française des Associations Chrétiennes d’Etudiants. C’est ainsi qu’il abandonna ses études d’ingénieur et entreprit des études de théologie à Montpellier, Strasbourg, et Paris.
Le 10 juin 1924 à Strasbourg il épousa Jeannette Weber. Le jeune couple quitta la France le 27 juillet suivant à destination du Gabon. Ils rejoignirent la station de Lambaréné, bientôt connue du monde entier grâce à l’œuvre qu’y effectuait le docteur Albert Schweitzer. C’est d’ailleurs dans son hôpital que naquirent cinq des sept enfants Keller.
Cette période au Gabon fut essentielle pour la formation missionnaire de Jean Keller. Il assuma tout d’abord les charges classiques du missionnaire : église, formation des catéchistes, tournées en brousse. Il eut également la charge de la Société Agricole et Industrielle de l’Ogooué. Cette institution avait été créée par la mission de Paris pour que les convertis rejetés par leur milieu d’origine puissent travailler et vivre dans un milieu favorisant leur développement spirituel.
Jean Keller travaillait avec des collaborateurs gabonais de grande valeur comme Felix Ombagho, Henri Ndavé ou encore Ogoula Mbéyé qui furent, en 1930, les premiers gabonais consacrés pasteurs autrement qu’a titre honorifique, comme cela avait été le cas en 1924 pour des évangélistes en fin de carrière.
Jean Keller présida ensuite la mission du Gabon pour la SMEP (Société des Missions Évangéliques de Paris). Déjà le souci de l’unité des missions l’habitait et, dès 1930, il demanda la création d’une structure inter-missionnaire.
Jean Keller était en congé en France quand la guerre éclata. D’abord mobilisé à Fréjus, il fut bientôt démobilisé, et pris en charge l’église de Montélimar. C’est alors que la SMEP le sollicita pour être son représentant en zone non occupée. Jean Keller créa un bureau des missions à Nîmes où résidait le pasteur Boegner, président de la Fédération Protestante de France et vice-président de la SMEP. Celui-ci fut informé, probablement par l’amiral Platon–protestant et ministre des colonies du gouvernement de Vichy–du projet d’internement des 120 à 130 missionnaires protestants anglo-saxons d’Afrique Occidentale Française (AOF). Les administrateurs coloniaux avaient toujours considéré les Anglais comme des concurrents. Les missionnaires anglo-saxons étaient accusés d’oeuvrer pour l’étranger auprès des populations locales. Le sujet était sensible en temps de guerre. Le Gouverneur Général de Dakar, Pierre Boisson, voulant rester fidèle au gouvernement de Vichy, s’opposait farouchement à tout ce qui pouvait ressembler à du “gaullisme” et à ce qui était anglo-saxon.
Marc Boegner considéra qu’il fallait agir sans délai et envoyer quelqu’un sur place pour évaluer la situation. Jean Keller fut désigné par la Fédération Protestante de France et par le comité de la SMEP pour mener une enquête et servir d’agent de liaison entre les autorités coloniales françaises et les missions protestantes (surtout étrangères) d’AOF. Il était aussi mandaté par le secrétaire d’état aux colonies, le vice-amiral Platon, qui lui remit une accréditation officielle auprès du Gouverneur Général Boisson.
La mission de Jean Keller en AOF dura du 12 janvier au 26 mai 1942. Le gouverneur lui offrit toute facilité pour parcourir quelques 11000 km dans six des sept colonies d’AOF (Mauritanie exceptée) et Togo. Il put rencontrer les représentants de dix sociétés missionnaires différentes. Jean Keller eut à démêler plusieurs affaires délicates. En Guinée, deux fils de M. Rupp, missionnaire américain de la CMA (Christian Missionary Alliance), âgés de vingt-deux et vingt-trois ans, avaient été arrêtés pour compromission gaulliste. Ils furent simplement expulsés. Mais le missionnaire anglais Taylor, de la mission méthodiste du Bénin, mourut en prison à Dakar. Il revenait donc au délégué du protestantisme français d’expliquer aux missionnaires les risques liés à leur attitude, et de leur faire comprendre les exigences des autorités.
Jean Keller tira de ce voyage d’enquête un important rapport qu’il présenta au comité de la Société des Missions, après en avoir rendu compte au nouveau Secrétaire d’État aux Colonies, Jules Brévié.
Jean Keller avait une vision à long terme : En Afrique Équatoriale Francophone (AÉF) les missions avaient créé une Fédération des Missions Évangéliques (qui deviendra ensuite la FEMEC), en pleine guerre, à l’initiative de la Mission Presbytérienne Américaine (Pasteur Harris, rencontre inter-missionnaire de Yaoundé, 21 août 1940). L’AOF devait suivre cet exemple. Les différentes missions avaient donné leur accord pour être représentées à Dakar, auprès du Gouverneur Général. La SMÉP décida de mandater Jean Keller à Dakar pour y être son représentant, et celui de toutes les missions protestantes d’AOF. En septembre 1942, ils furent quatre missionnaires à partir : Jean Marchaud devait se rendre à Conakry (Guinée), René Muller à Dabou (Côte d’Ivoire), Georges Mabille à Bamako (Mali) et Jean Keller à Dakar. C’est à Dabou qu’eut lieu en octobre 1943, la première rencontre inter-missionnaire, présidée par le pasteur Roberty de la CMA (Bamako). Il fut décidé de créer dans un premier temps une Fédération Protestante de Côte d’Ivoire. Jean Keller en fut élu secrétaire général.
Pour l’AOF, un conseil inter-missionnaire fut chargé d’épauler le délégué de Dakar. Mais Jean Keller élabora avec le pasteur Roberty, une proposition de statuts pour une future fédération d’AOF. Jean Keller s’efforça de régler les problèmes d’incompréhension entre missions et administration et, par exemple, clarifier la situation des “écoles-cathéchismes.” Ces écoles enseignaient les bases de la foi dans les langues vernaculaires, tout en apportant sous forme orale un rudiment de français qui ne fut toléré qu’en l’absence d’école primaire dont l’enseignement était régi par des textes officiels.
Jean Keller put aussi se rendre au Cameroun, au Gabon, et à Madagascar via Alger. Depuis le débarquement en Afrique du Nord, Alger était devenu le cœur de la France Libre, siège de son gouvernement provisoire. C’est à partir d’Alger, qu’en décembre 1944, Jean Keller regagna la France, retrouvant les siens après deux ans de séparation.
Les représentants des missions d’AOF se retrouvèrent à Abidjan en avril 1945. Mais ce n’est qu’en mai 1946 à Bouaké (Côte d’Ivoire) que se constitua la Fédération des Églises et Missions Protestantes de l’AOF et du Togo. Contrairement à ce qui avait été initialement prévu, Jean Keller n’avait pu revenir en AOF pour l’occasion. Il avait accepté de répondre aux besoins de la mission du Gabon (AÉF), dont les missionnaires épuisés étaient à l’œuvre depuis l’avant guerre. Le pasteur Georges Mabille, fut élu premier délégué général de la jeune fédération (il le restera jusqu’à son départ en octobre 1946).
Alors que la Fédération Protestante d’AOF réclamait son retour (Assemblée Générale de Bouaké 1946), Jean Keller, à partir du Gabon, participait aux travaux de la fédération d’AÉF. Il assista à la première grande conférence inter-missionnaire de l’Afrique du Centre-Ouest, qui se tint à Léopoldville (Congo Kinshasa) en juillet 1946. Cette conférence, organisée par le Conseil International des Missions (CIM, présidé par J. R. Mott puis par G. W. Carpenter), réunit 183 délégués, dont 87 Américains (U.S.A.) et 31 africains. Une des conclusions de cette conférence soulignait “la nécessité de donner des responsabilités toujours plus grandes aux africains, et d’aider les jeunes églises à devenir majeure par la puissance du Christ.”
C’est en janvier 1948 que Jean Keller put rejoindre Dakar. Il se rendit à Bobo-Dioulasso (alors région nord de la Côte d’Ivoire) pour l’assemblée générale de la fédération et fut nommé, à l’unanimité, au poste de délégué général et secrétaire général de la fédération.
Sur le plan pratique, la fédération réunissait tous les deux ans son conseil, au sein duquel toute les sociétés missionnaires membres (six en 1946, onze en 1951) étaient représentées par un nombre égal de délégués. En 1950, 80% des 245 missionnaires oeuvrant dans le cadre de la fédération, étaient d’origine anglo-saxonne et évangélique (350 en 1954, puis 520 en juin 1960, à la dissolution de la fédération). Ils étaient secondés par 700 collaborateurs africains. Dans les régions côtières (surtout, en fait, dans les pays anglophones), des pasteurs africains étaient en poste de responsabilité. Il faudra attendre le milieu des années 50 pour qu’ils soient représentés dans les instances de la Fédération Protestante d’AOF, dont l’objectif premier visait surtout la coopération entre missions (majoritairement étrangères) et leur relation avec l’autorité coloniale. Deux pasteurs de l’église évangélique du Togo jouèrent un rôle particulièrement marquant à ce moment : Eilfried Kpotsra et Seth-Amédifé Nominyo.
La suspicion des administrateurs coloniaux envers ces missions protestantes restait sensible. Jean Keller insista beaucoup auprès des missionnaires pour que leur travail s’oriente aussi vers le domaine médical et scolaire, afin de montrer l’utilité des missions et d’avoir plus d’impact auprès des populations autochtones. Les demandes d’autorisations–si l’on voulait faire aboutir un dossier (léproserie de la SIM au Niger, terrain pour plantation au Mali)–devaient parfois être directement traités à Dakar par Jean Keller, sans passer par le gouverneur local.
La fédération permit aussi aux missions de répartir les zones d’influences, d’harmoniser les actions, de présenter un front commun dans les démarches administratives, rendant ainsi “manifeste la communion et l’unité du christianisme évangélique en AOF.” Les statuts précisaient que “les questions de doctrine et d’organisation ecclésiastique ne sont pas du ressort de la fédération.”
Jean Keller était revenu en France dès juin 1950 mais revint en AOF à la mi-décembre pour effectuer une visite de différentes missions, notamment au Togo où le comité de la SMEP lui avait demandé de traiter un important problème (menace de division), et de participer à l’inauguration, le 20 janvier 1951, de la “maison de la fédération” à Dakar.
Après un temps de repos et de conférences missionnaires, Jean Keller fut ensuite nommé en AÉF, pour y représenter les missions protestantes auprès de l’administration coloniale. Ce rôle, Jean Keller le connaissait bien : qu’elles soient d’AOF ou d’AÉF, les fédérations missionnaires avaient le même but : “Aider à la propagation et à la défense du christianisme évangélique en facilitant la tâche de chacune des sociétés missionnaires et des églises qui en sont membres, et en développant entre elles la plus large et la plus fraternelle collaboration possible.”
Jean Keller allait retrouver une Afrique en pleine mutation, caractérisée par la soif d’autonomie, puis d’indépendance, qui touchait aussi bien les églises que les états. Ce mouvement d’opposition, de contestation, voire de rébellion et de guerre civile, mit en cause les missions protestantes, surtout au Cameroun où leur poids était considérable. Jean Keller arriva à Yaoundé (Cameroun) début 1952, avec un double mandat : créer un secrétariat pour l’immense département scolaire des missions et un secrétariat pour les affaires de la Fédération des Missions Évangéliques du Cameroun et de l’Afrique Équatoriale qui n’avait pas d’agent à plein temps avant l’arrivée de Jean Keller. Le Pasteur Anderson, de la Mission Presbytérienne Américaine (MPA), en était le président et s’occupait de tout le secrétariat en plus de sa charge de missionnaire.
Dès son arrivée en AÉF, le gouverneur d’Oubangui-Chari (l’actuelle République Centrafricaine) soumit à Keller le cas d’un missionnaire suédois de confession baptiste auquel il était reproché des prises de position en faveur d’Africains travaillant dans des mines de diamants. Il avait été dénoncé comme ayant des positions anti-françaises et communistes. Le gouverneur de ce territoire, adressa donc, en date du 6 août 1952, un courrier à Jean Keller demandant le renvoi du missionnaire dans son pays. Le missionnaire suédois fut rappelé par sa mission avant que Keller ne puisse le rencontrer. Mais Jean Keller s’efforça de montrer aux missionnaires qu’il leur fallait s’intéresser à l’évolution des mentalités afin de ne pas compromettre le témoignage de la mission par ignorance.
Dès lors, l’administration refusa de délivrer de nouveaux visas au personnel de cette mission–afin de diminuer son influence–et généralisa ensuite cette mesure restrictive. Pour les missionnaires étrangers, un stage en France devint obligatoire avant l’obtention d’un visa. Au Tchad, c’est la Sudan United Mission qui fut accusée de fournir des cadres au parti progressiste tchadien, opposé à l’administration française. Jean Keller, face aux accusations d’indépendantisme portés par l’administration contre les églises et les missionnaires protestants, devait souvent faire une contre-enquête pour montrer que les accusations étaient erronées, même s’il ne pouvait nier que certains cadres indépendantistes étaient effectivement issus des missions mises en cause. Au Cameroun, Jean Keller dut intervenir personnellement auprès du premier ministre A. Mbida pour que le secrétaire général de l’église presbytérienne, le pasteur A. Akoa qui avait été mis en résidence surveillée soit relâché. Il est vrai que l’administration coloniale avait intercepté une correspondance que lui avait adressé Um Nyobé, leader de l’UPC (l’Union des Populations du Cameroun), mouvement indépendantiste très controversé. D’origine protestante, Um Nyobé était une personnalité de dimension internationale, vice-président du Rassemblement Démocratique Africain (le RDA) présidé par Houphoüet Boigny. La Mission Presbytérienne Américaine (MPA) devait particulièrement rendre compte de ses relations avec le chef et les rebelles de l’UPC. Le pasteur François Akwa, qui fut plus tard le premier secrétaire général de l’église presbytérienne du Cameroun, ne se cachait pas d’être un grand admirateur d’Um Nyobé. L’UPC avait adopté officiellement en 1948, comme hymne patriotique, un chant interdit par l’autorité coloniale. Le 1er janvier 1960, ce chant, “O Cameroun berceau de nos ancêtres,” composé à l’école normale par les instituteurs de Foulassi (établissement de la MPA), est devenu l’hymne national du Cameroun.
Après les émeutes de mai 1955 qui avaient causé la mort de vingt-cinq personnes et fait plusieurs centaines de blessés, l’UPC opta pour l’action armée. Plusieurs régions du Sud Cameroun connurent des épisodes sanglants. Dans ce contexte, Jean Keller dut intervenir à de nombreuses reprises pour clarifier des situations embrouillées, établir des contre-rapports destinés au Haut Commissaire, intervenir en faveur de pasteurs arrêtés ou mis en résidence surveillée.
La fédération, par l’importance et l’influence des missions qu’elle représentait, se trouvait mêlée de très près à ce difficile cheminement vers l’indépendance du Cameroun. La Fédération Protestante du Cameroun dut intervenir contre la violence employée pour juguler la révolte du pays Bamiléké. Début février 1960, Jean Keller rencontra le chef de gouvernement du Cameroun, M. Ahidjo (il n’avait pas encore été élu président), pour lui remettre, en la commentant, une note de la fédération réclamant la mise en place d’un véritable dialogue avec les révoltés, sans préalable, ainsi qu’une pratique véritable de la justice “sans laquelle aucune paix n’est possible.” Jean Keller intervint aussi pour des problèmes de société, dénonçant par exemple l’esclavage qui persistait dans certaines régions.
Jean Keller, secrétaire général de la fédération, était également secrétaire scolaire. Il fut à ce titre membre du Conseil Supérieur de l’Enseignement d’AÉF, puis, après l’indépendance du Cameroun, du Conseil Supérieur de l’Éducation Nationale. En octobre 1953, il participa au Conseil Fédéral de l’Enseignement de l’AÉF réuni au Moyen Congo. Le poste de secrétaire scolaire fut ensuite dissocié et confié a un missionnaire alsacien, le pasteur Schwebel qui fut lui même remplacé en 1960 dans le cadre du CEBEC (Conseil des Églises Baptistes et Évangéliques du Caméroun, chargé de la gestion des oeuvres de ces églises après l’indépendance) par le pasteur Thomas Ekollo, (fils d’un pasteur ordonné en 1912, Joseph E.).
Les pasteurs africains en postes de responsabilité dans leurs églises participaient au conseil de la fédération. En 1953 plusieurs d’entres eux interpellèrent même celui-ci au sujet des contributions financières des églises. Parmi les collaborateurs de valeur sur lesquels Jean Keller pouvait compter, on peut nommer le pasteur Paul Jocky, président de l’église évangélique du Caméroun, Jean Kotto, son secrétaire général et futur successeur, et le pasteur Eugène Mallot qui succédera à Jean Keller au poste de secrétaire général.
Par ailleurs, démarches persévérantes et relations nouées au fil des ans permirent à la fédération de favoriser la création de nombreuses œuvres, encore actives aujourd’hui. Ainsi fut créé à Libamba en 1958 un collège inter-dénominationnel, à Douala le collège Alfred Saker et l’école d’infirmières Emilie Saker. La grande affaire fut aussi la création à Yaoundé d’une faculté de théologie inaugurée en février 1962 par le président Ahidjo lui-même.
La fédération a aussi beaucoup contribué en 1959, à la fondation de la Société Biblique du Cameroun et en 1963 du Centre de Littérature Évangélique (édition CLÉ). C’est un jeune pasteur hollandais, Ype Schaaf, qui fut le maître d’œuvre de ces réalisations.
Les responsabilités de Jean Keller l’amenèrent aussi à prendre une part active aux cérémonies d’autonomie des églises des différents territoires d’AEF, souvent en présence des plus hautes autorités administratives. Ainsi il prit la parole à Douala en mars 1957 (Église Évangélique du Cameroun), à Élat en décembre de la même année (Église Presbytérienne du Cameroun), mais aussi au Gabon (Église Évangélique, Port-Gentil, juin 1961) ou au Congo (Église Évangélique, Brazzaville, juillet 1961) Durant cette dernière cérémonie, était présent, entre autres, Gösta Nicklasson, président de l’Église Évangélique de Suède, qui rappela fort à propos : “L’Église évangélique du Congo est désormais autonome… Mais dans une église du Christ authentique, ce ne sont ni les africains, ni les européens qui dirigent, mais le Christ lui-même.”
Deux rencontres pan-africaines auxquelles Jean Keller pris part comme représentant de l’AÉF préparèrent la création d’une structure unissant des églises de tout le continent africain. La première, réunie du 28 décembre 1957 au 8 janvier 1958 à Accra (Ghana), regroupait 200 participants du monde entier. Le thème général était “la mission chrétienne aujourd’hui,” mais c’est principalement l’union du Conseil Oecuménique des Églises (COE) avec le Conseil International des Missions qui fut envisagée. Cette rencontre fut immédiatement suivie par la Conférence Générale des Eglises d’Afrique à Ibadan (Nigéria, du 10 au 20 janvier 1958) qui mit en place l’organisme préparant la création de la Conférence des Églises de Toute l’Afrique ou CÉTA (en anglais : All Africa Conférence of Church ou AACC). La conférence d’Ibadan devait assurer la reprise du flambeau au niveau régional (Afrique) du grand mouvement, né des missions, et qui s’était concrétisé par la création du COE ; 140 délégués de vingt pays d’Afrique, plus une cinquantaine de représentants d’organismes missionnaires, réfléchirent ensemble sur la place que tenaient les églises protestantes dans une Afrique en pleine mutation.
Cette conférence nomma un comité provisoire de dix membres dont Jean Keller, Sir Françis Ibiam (président du Conseil Chrétien du Nigéria), George W. Carpenter (secrétaire du Conseil International des Missions), Alan Paton (sud africain, auteur de Pleure, ô pays bien aimé). Ce comité provisoire (devenu Comité de Continuation), devint Comité Exécutif de la CETA lors de sa création officielle, à l’assemblée de Kampala (Ouganda) réunie du 20 au 30 avril 1963 et à laquelle Jean Keller participa. Il était venu spécialement de France où il était rentré depuis une année déjà. Certaines missions et églises de type évangélique professant n’avaient pas tenu à participer à ces grands rassemblements, persuadées que la confession de foi minimale proclamée, était une façade qui masquait des divergences profondes quant à l’autorité des Saintes Ecritures. Ainsi, à côté de la CETA (All Africa Conférence of Church ou AACC) s’est constituée l’Association d’Évangéliques d’Afrique (AÉA), plus explicitement évangélique.
Dans un contexte très troublé, le ministère de Jean Keller fut décisif pour accompagner vers l’autonomie les églises de cette région de l’Afrique Équatoriale. Il a contribué à la mise en place d’outils (collèges, facultés de théologie, éditions) leur permettant de mieux remplir leur vocation dans le cadre de l’église universelle.
A Paris, il renforça l’équipe de direction de la SMEP. Il était “représentant d’églises d’Afrique et de Madagascar auprès du ministère de la coopération,” et mit notamment en place un nouveau service de la SMEP qui permit d’affecter, auprès d’églises d’outre-mer, des jeunes volontaires du service national au titre de la coopération.
C’est à Aix-en-Provence en mars 1969 que M. et Mme Keller se sont ensuite retirés. En fait, cette retraite active était ponctuée de causeries, d’articles pour la presse protestante, de recension de livres ayant trait à l’Afrique surtout. Jeannette Keller fut reprise la première à l’affection des siens, le 25 juin 1987. Jean Keller la rejoignit dans la patrie céleste le 26 juin 1993.
Franck Keller
Bibliographie
Keller, Jean. “Missions d’A.O.F.” in Le Monde non chrétien (Paris, avril 1951).
——–. “Le problème de la coopération inter-missionnaire et inter-ecclésiastique dans l’ouest africain français” in Le Monde non chrétien (Paris, juillet 1955).
Keller, Franck. “Un pionnier de l’unité des missions protestante d’Afrique francophone, Jean Keller (1900-1993)” in Bulletin de la Société de l’Histoire du Protestantisme Français (Paris, juillet 2002).
Grottelli, Katia. “La Fédération Évangélique du Cameroun et de L’Afrique Équatoriale, Mise en situation politique 1940-1969,” mémoire de maitrise, UER d’Histoire, Aix-en-Provence, 1985.
Cet article, reçu en 2005, rédigé et adapté pour le DIBICA, est le fruit des recherches de Franck Keller, pasteur adjoint du Centre Missionnaire de Carhaix, France (www : centremissionnaire.org) et petit-fils de Jean Keller.