Collection DIBICA Classique
Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.Ngoumbe, Zacharie
Ngoumbe Zacharie et sa femme Chintouo Elisabeth sont des chrétiens de la deuxième generation de Foumban. Ce sont les petits enfants des grands chefs supérieurs Nji Mouliom de Fontain et de Njiaghait.
Quand ils décident d’aller vivre à cent cinquante kilomètres au nord à la mine d’étain de Mayo-Darle, subdivision de Banyo, pour se chercher du bonheur envisagé en terme du travail salarié, ils vont trouver un autre bonheur au service de Jésus-Christ, le roi des rois et le Seigneur des seigneurs pour toute leur vie. Ils deviendront ainsi apôtres des Mambila à Somie en fondant un ministère transculturel indigène parmi les plus réussis d’Afrique.
Enfance
Ngoumbe est né à Foumban vers 1918. Son père est originaire de Masomn dans le groupement de Maghait. Sa mère est fille du tout premier héritier de Nji Mouliom, frère du roi Nsangou. Les deux frères se disputèrent le trône et finirent par se tuer dans la guerre contre les Nso vers 1875. Beaucoup de témoins gardent fraîchement en mémoire les difficultés traversées par les Bamoun–y compris ses grandparents–comme, par exemple, l’insurrection du premier ministre du royaume Gbetkom contre le roi Njoya qui ne s’apaise que grâce au renfort de la cavalerie Peule du lamido (terme foufoulde qui signifie “chef”) de Banyo, l’arrivée des Allemands en 1902 et des missionnaires en 1906, et l’avènement de la première guerre mondiale qui fit partir les Allemands et après quoi arrivèrent les Français.
A l’école des blancs
Pendant les années d’enfance de Ngoumbe il y avait de grands troubles dans le pays Bamoun. Pour asseoir son autorité, l’administration française a déposé le roi Njoya en 1924 et l’a exilé en 1933 à Yaoundé. Il est finalement mort le 31 mai 1933. Dans ce climat d’insécurité, le jeune Ngoumbe suit son oncle maternel à l’église à Njisse à la station missionnaire. Il est l’un des chrétiens de la première heure. Là il apprend des chants et des histoires bibliques. Au fur et à mesure qu’il grandissait, comme les autres enfants du quartier il apprenait à mémoriser et écrire l’alphabet en Bamoun. Ensuite il apprit la lecture et le calcul. Ayant bien maîtrisé la lecture et l’écriture de sa langue au bout de quelques années, il fut promu à l’étude du français. Très attentif et assidu à son travail, il réussit à achever le cycle d’études disponible à Foumban.
Au service du chef supérieur Njiaghait
A vol d’oiseau le village de Maghait est à moins de vingt kilomètres à l’est de Foumban sur le plateau vallonné qui surplombe le marché central. Njiaghait n’était pas seulement chef supérieur mais il était aussi notable de la cour royale à cause de son ancêtre qui était la sour du tout premier roi Nchare. Sortant à peine des tristes événements qui avaient secoué et déchiré le royaume, se soldant avec la mort du roi Njoya, Njiaghait s’était engagé à moderniser son administration en recrutant un secrétaire pour assurer sa correspondance avec l’administration française et une vingtaine de chefs de village sous son autorité. Njiaghait, un noble et un musulman, choisit Ngoumbe, un chrétien originaire du village Masomn. Comment les choses vont-elles marcher, pourrait-on se demander ? Ngoumbe, malgré son jeune âge, mit toutes les vertus de sa foi à l’ouvre pour vaincre l’opposition et les préjugés. Il émerveilla son protecteur qui, selon la coûtume de l’époque, au lieu de lui décerner une décoration, lui offrit sa petite fille Chintouo en mariage. C’était une promotion et un honneur que de partager le lien sanguin d’une ligne familiale. En effet Njiaghait était étonné de voir un jeune vivre pendant plus d’un an sans qu’on l’accuse d’inconduite sexuelle, d’excès de boisson ou de cupidité. Quand il apprit que la raison pour sa conduite intègre était sa foi, il comprit qu’il pouvait se confier à lui et lui donna sa confiance.
Ngoumbe fit tout ce qu’il fallait et prit sa femme. Bien que musulmane elle avait accepté de le suivre dans sa foi. Ngoumbe alla vers son maître pour lui annoncer que sa femme s’appellerait désormais Elisabeth. Il lui expliqua qu’il avait pris le nom Zacharie, d’après le prêtre qui avait reçu la visite d’un ange au temple à Jérusalem. Dieu avait dit par l’ange que lui et sa femme, qui s’appelait Elisabeth, auraient un enfant qui serait grand et marcherait devant lui. Njiaghait consentit à ce nom et leur souhaita que Dieu les bénisse de la même façon.
Le jeune couple croissait en affection dans le village. Ils avaient l’amitié et le respect de tous. Les visiteurs remarquaient qu’ils chantaient, priaient ensemble. En plus Zacharie enseignait à sa femme des histoires bibliques. Beaucoup des villageois s’intéressèrent à cela. Les soirées se prolongeaient chez eux pour entretenir des gens qui avaient soif de connaître la parole de Dieu. Les femmes recherchaient la compagnie d’Élisabeth pour aller chercher l’eau à la source, le bois dans les champs, pour aller au marché ou bien pour d’autres services pour qu’elle leur raconte ces belles histoires.
Néanmoins, Zacharie vit qu’une accusation d’un ennemi pourrait le déstabiliser complètement dans ce milieu musulman. Donc, pour se protéger ainsi que sa femme et son enfant Pemboura Erna qui venait de naître, il décida de démissionner et d’aller chercher du travail ailleurs. Quand il annonça la nouvelle à Njiaghait, celui-ci pensa que c’était un problème d’ordre économique. Il dit à Zacharie : “J’augmente ton salaire et si cela ne te suffit pas, dis-moi combien tu veux et je te paierai.” Zacharie le remercia pour son bon encadrement et pour son offre mais resta ferme dans sa décision de partir.
Mayo-Darle, étape de transition
Zacharie s’entendit avec sa femme pour qu’elle reste sur place et rejoigne sa famille pendant que lui se joindrait à un groupe partant pour Mayo-Darle, la ville minière à cent cinquante kilomètres au nord de Foumban. Il allait y chercher un emploi salarié offrant la possibilité d’une promotion sociale. Après cinq jours de marche il y arriva. Aussitôt, il fut engagé comme secrétaire d’un secteur avec un bon salaire. Il fut dévoué à son service et travailla consciencieusement. Il s’était aussi tout de suite présenté à l’église qui était une extension de la mission de Paris à Foumban qu’avait créée l’évangéliste Mpumalanga Etienne, un Bamoun du quartier voisin de Njimbam à Foumban. Zacharie prêta main forte à l’évangéliste dans la direction de la communauté et dans ses activités et se distinguait autant au service de la mine qu’à l’église. Mais deux choses lui manquaient à ce moment-là : son baptême et sa femme qui était restée en arrière. Il remonta donc à Foumban se faire baptiser en 1939 et revint avec son épouse et leur enfant. Sa fidélité au Seigneur lui valait la confiance d’Etienne et le prédisposait à changer d’appel.
Apôtre des Mambila
Les Mambila habitent au pied de la chaîne montagneuse de l’ouest entre les rivières Mappe et Nkwi dans le présent arrondissement de Bankim, département du Mayo-Banyo, jadis la subdivision coloniale de ce même nom. Ce peuple nombreux au Nigeria, mais infime au Cameroun, habite dans les quatre principaux villages de Somie, Lingam, Songkolong, et Atta et dans plus d’une vingtaine de villages secondaires. A cette époque la route piétonne Foumban-Banyo traversait seulement Somie. Mayo-Darle était au plateau à trente kilomètres au nord-est. Il n’y avait ni église ni chrétiens parmi ce peuple jusqu’en 1943.
L’évangéliste Etienne de Mayo-Darle avait fait des sorties d’évangélisation dans la région un peu plus tôt à Songkolong et avait envoyé quatre messagers à Somie. Dieu avait opéré de grands miracles par lui et les gens voulaient connaître ce Dieu. Il fallait donc placer un prédicateur parmi ce peuple pour appuyer avec l’enseignement la parole qui était prêchée et susciter l’ouverture à la foi. Cette tâche délicate de pionnier tomba sur Zacharie à cause de sa maturité dans la foi, sa dextérité à la communiquer, et la confiance personnelle qu’Étienne avait en lui.
Zacharie et Elisabeth descendirent donc avec leur enfant à Somie, le lieu choisi pour leur ministère. Ils utilisèrent le foufoulde comme langue de communication courante. Quand Zacharie prêchait et enseignait, il avait un interprète pour mieux traduire son message qui était clair et simple tel que nous le rapporte le Pasteur Siteni Emmanuel, un converti de la deuxième génération. Quand Zacharie enseignait que celui qui accepte Dieu ne mourrait jamais certains ne comprenaient pas ce que cela voulait dire en termes de salut de la mort physique. Par conséquent quand la mort frappait quelqu’un dans la communauté, celle-ci se dispersait car beaucoup pensaient que le jugement de Dieu était tombé sur la personne qui était morte. Mais Zacharie resta ferme et patient, prêchant et enseignant avec assurance la puissance que Dieu démontrait dans ses actes pour accomplir son ouvre.
Avec son message évangélique, il enseignait aussi l’observation du dimanche comme jour de repos, l’hygiène, l’habillement, et l’éducation–des concepts et pratiques qui n’existaient pas auparavant. Il exigeait de ceux qui venaient au culte de se laver et de s’habiller. Ces deux actes opéraient ainsi des grands changements sociaux dans une culture où la majorité des gens marchaient nus et ne se lavaient pas. Pour Zacharie, devenir chrétien était aussi allié à la pratique de la propreté.
Peu de temps après son installation, il pensa à l’éducation de la jeunesse et commença à enseigner le français le soir à son domicile. Il n’enseigna pas dans la journée, qui était réservée aux travaux domestiques, pour ne pas provoquer le mécontentement des parents habitués à l’aide de leurs enfants et qui pouvaient refuser leur participation. Il pénétrait ainsi doucement la culture pour intéresser les enfants et les parents et posait les fondements de l’éducation moderne en pays Mambila.
Deux ans après son arrivée, il présentait au baptême Nomi Nambre Marie le 13 février 1945. Elle était Kaka, une tribu du département du Ndonga et Mantoun dans l’actuel province du Nord- Ouest. D’autres furent baptisés le 29 juin 1945 : deux Mambila, Baobab Jonas et Mangon André, et deux Bamoun, Pemboura Erna et Koumbori Suzanne. L’ouvre s’accrut et s’étendit dans les autres villages.
Bien qu’il accomplissait la majeure partie des travaux lui-même tels que la construction, l’entretien de sa maison, et la culture champêtre, la persécution ne tarda pas à s’abattre sur lui de la part des traditionalistes et des sorciers. Tous l’accusaient d’essayer de changer la coûtume locale. Mais quand le chef de Somie détruisit le bâtiment de culte trois fois pour arrêter l’éducation des enfants, les croyants protestèrent.
Des émissaires du village furent donc envoyés à Banyo pour porter plainte contre lui auprès du lamido de Banyo et de l’administrateur français disant que le chef détruisait leurs enfants en détruisant l’ecole. Zacharie et Etienne se rendirent donc à Banyo et le verdict fut prononcé en leur faveur. Grâce à ce jugement, Zacharie obtint le droit de cité et pouvait désormais aller partout sans inquiétude. Au fond, les instigateurs de troubles n’avaient que perdu la bataille, mais pas la guerre. Ils continuèrent à utiliser des magiciens pour déstabiliser ses actions par les puissances occultes.
Des attaques mystiques étaient lancées contre Zacharie et Elisabeth sans produire aucun effet. Les conspirateurs se retournèrent alors contre les croyants Mambila qu’ils pouvaient facilement détourner de la foi. Plusieurs vacillèrent par faiblesse. Cependant, toujours dynamique et confiant, Zacharie continua à prier et finit par remporter la victoire définitive quand une farce organisée pour terroriser l’assemblée pendant le culte du dimanche échoua. Les adversaires avaient préparé et déguisé l’un d’eux qui était monté au plafond de l’église avant le culte. Juste après quelques cantiques au début du culte, un bruit lugubre et assourdissant se fit entendre du plafond. Pris de panique, les femmes et les enfants s’affolèrent et s’enfuirent dehors avec quelques hommes aussi. Zacharie resta sans bouger. Il pria et remercia Dieu pour les circonstances. Il rappela à Dieu la victoire qu’il donna au prophète Elie contre les prophètes de Baal au Mont Carmel. Il lui demanda de livrer l’esprit diabolique de mensonge en spectacle pour que les Mambila croient au vrai Dieu. Il appela alors les quelques croyants dehors et les pria d’entrer mais ils refusèrent, les plus peureux ayant déjà regagné leurs domiciles.
Zacharie ne pouvait incendier la maison de peur de mettre le feu à tout le village. Il supplia alors les plus proches de garder la porte. Zacharie donna l’ordre à l’esprit de descendre disant que sinon il allait monter le trouver au nom de Dieu. Aucune réponse. Les quelques témoins se frappèrent la poitrine craignant le risque qu’il prenait en montant. Mais quand Zacharie monta il vit l’homme qui y était caché et le reconnut. Il cria, “Ngambe, descends vite, je t’ai vu !” Tout en criant, les croyants entrèrent et le mesquin fut délogé au ridicule devant tous. Dès lors tout le monde sut que le Dieu que prêchait Zacharie était tout puissant et digne de confiance. Après cet événement plus de la moitie du village s’engagea à écouter la parole de Dieu. Les gens venaient des villages voisins aussi.
Zacharie passa ainsi dix ans de ministère ardu en pays Mambila. Après il fut choisi avec Houngue Othon de Ngambe-Tikar pour aller suivre la formation pastorale à Tibati.
Leader fondateur de l’Eglise Evangélique Luthérienne du Cameroun (EELC)
Lorsque Zacharie quitte Somie en 1953 pour se rendre en formation pastorale à Meng, Tibati, de grandes transformations sociales commençaient à pénétrer le pays Tikar. La route passant par Douala, Nkongsamba, Foumban, Banyo, et Tibati avait déjà traversé Bankim, laissant la plaine Mambila et Somie à plus de cinquante kilomètres à l’ouest sans issu. Les communications devenaient un peu plus faciles pour les missionnaires. On pouvait alors espérer une éclosion immanente de l’oeuvre. La Mission Norvégienne avait ouvert un dispensaire à Bankim en 1952, suivie d’une école.
Pendant sa visite d’adieu à Bankim avec le missionnaire avant de partir pour Tibati, celui-ci lui rappelle qu’il sera avec Monsieur Houngue Othon de Ngambe-Tikar. Ils sont, tous deux, l’espoir des communautés qui les attendent et ils ont aussi, tous les deux, des enfants presque adultes et des jeunes qu’ils doivent rassurer ainsi que leurs femmes pour le long voyage de près de 250 kilomètres. Zacharie devra monter à Mayo-Darle pour y prendre le véhicule.
Arrivé à Meng, Tibati, Zacharie retrouve Othon et sa famille. Les deux responsables d’église du pays Tikar sont de vieilles connaissances et ont de profondes affinités. Les deux familles se soutiennent dans la vie de tous les jours. Zacharie et Othon causent de Foumban dont Othon connaît l’église et l’école. Tous les deux sont issus de la Mission de Paris. Ils vont désormais intégrer le contenu de l’enseignement norvégien dans la vie de leurs communautés.
Ils se familiarisent très vite avec les autres responsables d’églises qui viennent de Yoko: Baba Pierre et Belinga Matthieu, puis Abdou Daniel et Maidawa Thomas des Dii, venus de la plaine après la falaise de Wack sur la route Ngaoundere-Garoua. Un an après, Darman Paul, le seul Gbaya, arrive de Meiganga. Zacharie se lie d’amitié avec eux tous et apprend le Mboum qui leur sert de langue d’enseignement de la parole de Dieu aussi bien que le français. Sa femme Elisabeth, en compagnie des autres femmes, apprennent à lire et écrire le Mboum, et apprennent les chants, la prière, les histoires bibliques, et l’hygiène. Chaque couple travaille de son mieux pour contribuer au soutien de sa famille avec des produits champêtres. Pendant les week-ends Zacharie sort avec d’autres hommes pour évangéliser les villages environnants. Il trouve de la joie dans cette activité. Son dynamisme sur le terrain, le travail en classe, et sa collaboration avec les autres lui valent les éloges des enseignants-ce qui prouve qu’il est l’homme de main pour la plaine Mambila. De temps en temps, un des enseignants l’appelle pour lui dire leur joie et le soutien qu’il a de leur part quand il rentrera travailler à Somie.
Quand les trois années de formation sont achevées une fête sobre mais pleine de sens est organisée pour l’occasion. Cette formation ouvre désormais la porte du ministère pastoral à ces premiers Camerounais. Zacharie s’attendait, comme les autres, à partir, mais le directeur de l’école lui annone qu’il a été retenu pour enseigner à l’école biblique dès le mois suivant. Zacharie en éprouve de la joie mais il pense à son ouvre inachevée dans la plaine Mambila.
Il va partager la nouvelle avec Elisabeth et les deux se soumettent à la volonté du Seigneur. Zacharie s’engage avec toute sa bonne volonté dans l’enseignement et le travail dans l’église de Tibati.
Un an après, le 12 novembre 1957, Zacharie est ordonné pasteur. Malheureusement les membres de sa famille et ses fidèles n’ont pas eu la possibilité de prendre part à cet événement significatif pour lui-même et l’église au Cameroun. Mais il s’était durement préparé avec la traduction des cantiques et des concepts bibliques pour servir son cher peuple. Il devient ainsi un des premiers pasteurs Camerounais avec qui les missionnaires travaillèrent pour l’ouverture et la construction de l’hôpital de Ngaoubela.
Peu de temps après, les chrétiens de Somie écrivirent pour demander le retour de leur berger. Les missionnaires acceptèrent et préparèrent Zacharie et Elisabeth à retourner à leur ancien poste de service. Quand ils regagnèrent Somie en 1958, leur arrivée fut un sujet de grande joie. En effet, il rentrait comme le pasteur des Mambila.
Zacharie consolida la croissance des églises, la création d’écoles et fit beaucoup de tournées. Il avait cette fois plus de respect auprès des chefs et des autorités coloniales. Il était devenu un bienfaiteur et un héros. Elisabeth intensifia son travail parmi les femmes en enseignant les histoires bibliques et l’hygiène. Ils y restèrent jusqu’en 1972 date à laquelle il furent affectés à Bankim.
L’homme de Dieu en société
Zacharie a manifesté sa foi en Jésus-Christ dans les domaines dits séculiers de la vie. Par son travail dévoué et consciencieux, il a prêché par sa vie à Maghait et au service de la mine. Il a été un mari exemplaire pour Chintouo Elisabeth et Dieu les a bénis en leur donnant huit enfants. L’aînée, Pemboura Erna, est mariée à Joseph, un homme d’affaires à Mayo-Darle. Ensemble ils ont créé l’église de Mayo-Darle ville. Ntieche Emmanuel a été tour à tour directeur des grandes écoles primaires et inspecteur de l’enseignement primaire et maternel. Ghuezen Jean, après une brillante carrière d’enseignant est devenu percepteur des finances publiques. La quatrième, mariée à l’instituteur Lindou Marc, est une bonne mère de famille. Ngouen Etienne est pasteur à Banyo. Dr. Njikam Jonas est un ophtalmologue hors classe en Afrique centrale. Le septième, Josué, est chauffeur et Gbiepit Marie, la cadette, est infirmière. Sauf pour elle, tous les autres sont mariés et ont des enfants. Les petits enfants ont aussi largement prospérés : Ngoumbe Zacharie Ernest est un grand cadre de l’administration ; les uns sont des financiers, les autres ingénieurs et Dr. Njikam Jude Eric a pris la filière de son pere. Il y a une foule de bons ouvriers et de bonnes épouses dans la famille.
En plus des travaux champêtres, Zacharie fait la menuiserie. Il est marchand vers le Nigeria voisin. Mais après son retour de Tibati il a entrepris de planter un demi hectare de cafetiers qui lui produit plus d’une demi-tonne par an. Il a des bananiers et d’autres arbres fruitiers. Il élève des poules et des chèvres, montrant ainsi que l’enfant de Dieu doit produire de quoi subvenir aux besoins des nécessiteux comme l’a recommandé le Seigneur.
Il a aussi été un innovateur du point de vue de l’architecture locale en construisant sa maison en briques. Comme le village est enclavé par un cours d’eau, Zacharie a encouragé le chef et les chrétiens à s’installer de l’autre côté du cours d’eau pour avoir accès à la route carrossable. Cela fut fait. La maison qu’il construisit sur le nouveau site est encore habitable aujourd’hui et les gens se souviennent de son conseil avec reconnaissance. Il a été un des premiers à utiliser le vélo et un poste de radio dans le village. Il montrait sans cesse qu’un chrétien doit rester en contact avec les progrès du temps.
L’impact de sa foi dans la société
Après Somie Zacharie a été affecté à Bankim où il a travaillé de 1972 à 1980, l’année de sa retraite. Il resta encore très engagé en étant au centre du district de Bankim, puisque son fils spirituel, Pasteur Siteni, l’avait remplacé à Somie. Lui allait plus de l’autre côté du Mbam et autour de Bankim. Zacharie a joui de sa retraite à Maba dans territoire de l’église évangélique qu’il a beaucoup aidé à mettre en place.
Il meurt à Foumban sa ville natale en 1986. Sa chère Elisabeth le survécut tout en restant engagée et fidèle jusqu’à sa mort le 29 avril 2003 à Foumban à l’âge de 85 ans.
Pasteur Siteni en guise d’hommage à la vie et au ministère de Ngoumbe Zacharie écrit : “Ngoumbe est pour nous Gunderson.” Ceci veut dire qu’il est apôtre des Mambila tout comme l’Américain Gundersen l’est pour les Gbaya. Puis il continue: “Pasteur Zacharie a été un homme de l’évangile : très travailleur, patient, doué pour répandre la Bonne Nouvelle partout. Grâce à son travail Houmlo Timothée, Nygandji Samuel, Ngouen Etienne, Siteni Emmanuel et aujourd’hui Keme Bernard sont devenus pasteurs. Beaucoup sont devenus catéchistes, évangélistes et simplement chrétiens.” [1]
Zacharie a planté plus de vingt églises où il y a aujourd’hui au moins 3000 croyants au total. Si on prend en compte tous les endroits où il a ouvré, il faut parler d’au moins 20 000 croyants. Il est une des lumières qui continuent à briller, car il a mené une vie sans reproche et s’est dédié à son Seigneur.
Robert Adamou Pindzié
Notes:
- Ici ne sont pas mentionnés Mgbarouma Honoré, devenu chef supérieur à Ngambe-Tikar, Plong Jean, Kitut Daniel, et l’auteur de cet article.
Bibliographie
Kare Lode, Appelés à la liberté, Histoire de l’église Evangélique Luthérienne du Cameroun (Amstelveen : Improcep éditions, 1990).
Erik Larsen, Kamerun Norsk Misjon Gjonnom 50 Ar (Stavanger: Nomi Forlag, 1973).
Jap Van Slageren, *Les origines de l’Eglise Evangélique du Cameroun. Missions et christianisme autochtone *(Yaoundé : Editions CLE, 1972).
Mfochive Joseph, “L’éthique chrétienne face a l’interconnexion culturelle et religieuse en Afrique. Exemple du pays Bamoun 1873-1937,” thèse de doctorat publiée en 1983.
Mfochive Joseph, Lamere Moise, Peshandon Rodolphe, Quatre vingts ans de christianisme en pays Bamoun (Foumbah : Région Synodale EEC Noun, 1986).
Eldrige Mohammadou, Traditions historiques des peuples du Cameroun Central, Vol. 1, Mbere et Mboum Tikar (Japon : ILCAA, 1990).
ORSTOM, Dictionnaire des villages du Mbam, 2e éd. (Yaoundé, 1969).
Lettre de Chintouo Elisabeth adressée à pasteur Pindzie Adamou Robert de Magba le 22 Mars 2008.
Programme des obsèques de Madame veuve Ngoumbe née Chintouo Elisabeth le 10 Mai 2003 à Foumban.
Interviews :
Chintouo Elisabeth, veuve de pasteur Ngoumbe, de 1974-2003. Elle m’a confié la supervision spirituelle de ses enfants en 1994, solemnellement devant le Dr. Njikam Jonas et son épouse Mbancha Rhode.
Dr. Njikam Jonas, héritier du Pasteur Ngoumbe, plusieurs séances 1979-Sept. 2007.
Ntieche Emmanuel, deuxième enfant, héritier de l’oncle du pasteur Ngoumbe, 1979-2007.
Pemboura Erna, fille aînée du pasteur Ngoumbe, d’abord à Mayo-Darle puis a Magba, 1977-2007.
Ngouen Etienne, pasteur, camarade de classe et puis collègue, 1976-2007.
Josué, ami de jeunesse, 1974-2007.
Gbiepit Marie, sour en Christ, 1974-2007.
D’autres informations ont été recueillies des petits fils et petites filles, et des beaux-fils et belles-filles que je ne peux mentionner ici.
Cet article, reçu en 2007, est le produit des recherches du Révérend Robert Adamou Pindzié. Celui-ci est professeur à la Faculté de Théologie Evangélique du Cameroun à Yaoundé et récipiendaire de la bourse du Projet Luc en 2007-2008.