Collection DIBICA Classique
Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.Bakutu Bedilanga, André Bwetu Betu-Sanga
André Bwetu Betu-Sanga Bakutu Bedilanga [1] est né en 1936 à Kinsende, territoire de Songololo, dans la province du Bas-Congo, en République Démocratique du Congo.
C’est à Mukimbungu qu’il a accepté Jésus-Christ comme son Seigneur et Sauveur en 1950.
En 1958 il a épousé Londa et de leur union sont nés trois enfants. Un de ceux-ci–un garçon–est devenu pasteur et œuvre au sein de l’ECC/15e Communauté Baptiste du Congo.
Il a été consacré au ministère pastoral en 1971 par l’ECC/15e Communauté Baptiste du Congo à la Paroisse Lingalophone de Kintambo à Kinshasa.
Après les études primaires à Nsona Mpangu, il a étudié à l’Ecole de Pasteurs et d’Instituteurs de Kimpese. Suite à une année propédeutique à Luluabourg, il a été admis à la Faculté de Théologie Protestante de l’Université Libre du Congo à Kisangani. Il en est sorti avec une licence en théologie en 1970.
Il a commencé la vie active en qualité de pasteur paroissial à Kizulu, non loin de Songololo dans la Province du Bas-Congo. Il a ensuite été affecté à l’Ecole Moyenne Pastorale de la CBCO Kikongo sur Wamba. Au terme de ses études universitaires à l’Université Libre du Congo, il a été affecté à l’Ecole de Théologie Evangélique de Kinshasa où il a assuré avec compétence les cours de théologie pratique, notamment : l’homilétique, la théologie pastorale et la cure d’âmes, entre septembre 1970 et octobre 1973.
Homme de terrain, il était titulaire de la Paroisse Francophone de la CBCO fonctionnant au sein de la Paroisse Lingalaphone de Kintambo. Elle servait de lieu de pratique pour les étudiants de l’Ecole de Théologie Evangélique de Kinshasa et d’encadrement des élèves de l’Institut Polytechnique de Kinshasa (IPOK), devenu le Lycée Dr. Shaumba. Il était aussi aumônier au Collège de la CBCO Kimvula, à Kinshasa-Kintambo et membre du comité exécutif communautaire.
Sur le plan national, il était le secrétaire de la commission théologique de l’Eglise du Christ au Congo. Il a activement œuvré pour l’œcuménisme. En effet, depuis que l’Ecole de Théologie Evangélique était à Kimpese, des échanges œcuméniques et des rencontres culturelles étaient régulièrement organisées entre les étudiants du Grand Séminaire de Mayidi et ceux de l’Ecole de Théologie de Kimpese dans la Province du Bas-Congo. Lorsque l’école a été transférée à Kinshasa en 1969, ces contacts œcuméniques ont continué non plus avec les étudiants de Mayidi mais avec ceux du Grand Séminaire Jean XXIII de Kinshasa.
Selon un calendrier fixé de commun accord entre les deux directions, les étudiants prenaient d’abord part à des acitivités sportives (football, volleyball, tennis de table). Dans la soirée, avant la conférence-débat animée soit par un enseignant de l’Ecole de Théologie Evangélique de Kinshasa (ETEK), soit par un enseignant du Grand Séminaire Jean XXIII, un repas était partagé par la communauté de circonstance. Les dirigeants de l’ETEK donnaient une note particulière à ce repas en répartissant les hôtes venus de Jean XXIII ainsi que leurs propres étudiants célibataires dans les familles des étudiants mariés pour offrir aux uns et aux autres l’ambiance d’une chaleur familiale.
Malgré le fait qu’il insistait sur la maturité des chrétiens aussi bien dans ses enseignements que dans ses prédications (pour donner à l’église la chance de s’implanter en terre africaine), et qu’il dénonçait l’hypocrisie qui consiste à obéir aux missionnaires plutôt qu’à la parole de Dieu, André Bwetu n’a pas été compris par les siens. Les gens avaient aussi cru qu’il encourageait autant la consommation de l’alcool que la polygamie.[2]
Malheureusement, il n’a pas répondu aux questions qu’il a suscitées dans le domaine de la théologie pratique, car il est mort peu avant d’aller préparer sa thèse de doctorat en théologie.
Ceci montre combien il est difficile d’initier une prise de position en théologie en vue de conduire l’église à la maturité, car les membres de l’église ont préféré répéter ce qui leur avait été enseigné sans tenir compte des circonstances de temps et de lieu.
Il parlait couramment le kikongo, sa langue maternelle, le lingala, le swahili, le français et l’anglais.
Il était membre et pasteur de l’ECC/15e Communauté Baptiste du Congo (C.B.CO.). Par ses enseignements, ses prédications et ses relations, André Bwetu-Tusanga Bakutu-Bedilanga a marqué la génération d’étudiants et des chrétiens qui l’ont fréquenté par sa vision de l’église chrétienne en Afrique. Comme cela arrive souvent, ceux qui ont une vision semblable sont peu compris de leur vivant.
Bwetu a présenté et défendu son mémoire de licence à la Faculté de Théologie de l’Université Libre de Kisangani. Dans ses autres écrits, il s’est expliqué sur les questions éthiques de l’époque, notamment la consommation des boissons alcooliques et la polygamie. Dans son article “Les dimensions de l’action du christianisme”, présenté à la VIe Semaine Théologique de Kinshasa sur le thème général “ La pertinence du christianisme en Afrique “, il répondait à la question de savoir si l’on peut parler de l’œcuménisme dans un contexte purement africain. Il y a répondu par l’affirmatif en relevant avant tout que c’est à partir des églises de missions (protestantes) qu’est parti le mouvement qui pousse les chrétiens à la recherche de l’unité. Du côté catholique, l’initiative a été prise par le Saint Siège. Ensuite, il a montré que c’est au sein des églises de mission que le scandale de la division a éclaté de la façon la plus brutale. Pour preuve, il a mentionné le climat dans lequel ces églises se sont installées chez nous : “…concurrence, lutte, guerres des âmes non seulement entre les différentes sociétés de mission protestantes, mais aussi et surtout avec les catholiques.” Si cette situation s’est améliorée, souligna-t-il, c’est grâce à l’esprit de nationalisme, pris dans son sens le plus large, qui a développé considérablement l’esprit de coopération nationale nécessaire à l’édification des jeunes nations.
L’insistance pour avoir une société unifiée non sur des bases tribales ou religieuses est bien connue en Afrique aujourd’hui : la tribu et la religion ne servent plus guère, comme dans le passé, d’éléments de base pour l’unité. Au contraire, il y a une tendance plus ou moins marquée dans certains milieux de remplacer le religieux par le politique. Le seul avantage de tout cela est sans doute une diminution des rivalités dénominationnelles d’antan, fait essentiel pour l’implantation de l’œcuménisme. [3]
Bwetu est mort subitement le 30 octobre 1973 à Kinshasa. En effet, à la fin de deux premières heures d’enseignement, il s’est dirigé vers son bureau. Pendant qu’il s’entretenait avec ses collègues (missionnnaires), il est tombé. On l’a vite amené à l’Hôpital Général Maman Yemo. C’est là que le constat de sa mort a été fait. Son corps a été enterré à Mukimbungu, accompagné par une délégation constituée de deux de ses grands amis (le Rév. Romain Mikwete et M. François Bambwelo) et des étudiants de l’Ecole de Théologie Evangélique de Kinshasa, y compris l’auteur de ce récit.
Fidèle Kwasi Ugira
Notes:
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Le nom “ Bwetu-Sanga “ constitue, en kikongo, une plainte et veut dire : “ De quelle manière nous agissons” tandis que le surnom “ Bakutu-Bedilanga “ veut dire “ Pour que l’on nous donne tort “. Pris globalement, ce nom signifie “De quelle manière agissons-nous pour que l’on nous donne tort ou que l’on nous incrimine ?” En effet, en suivant son parcours professionnel, cette question a sa raison d’être. En mars 1973, sa candidature aux fonctions de directeur général de l’Ecole de Théologie Evangélique de Kinshasa a été rejetée lorsque le Directeur Général en fonction quittait le poste pour des raisons d’études. En septembre de la même année, sa candidature aux fonctions de secrétaire général et représentant légal de l’ECZ/15e Communauté Baptiste du Congo après la destitution du Rév. Dr André Buhika wa Kapata a aussi été rejetée. Le 30 octobre, toujours de cette même année, il est mort subitement.
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Ainsi, en réaction à son article intitulé : “Kisinsi mu Dibundu dia Klisto : mvutu kwa Tata Bwetu-Sanga Bakutu-Bedilanga” (La tradition de l’église du Christ : Réponse au Père pour la manère dont nous agissons pour laquelle on nous donne tort ou on nous incrimine), dans Moyo 105 (1972), pp. 11 et 15, les gens ont demandé :
Combien de verres d’alcool seraient recommandés si la Communauté Baptiste du Congo venait au cours de son Assemblée Générale d’Avril 1972 de lever la mesure interdisant la consommation de l’alcool en vigueur depuis l’implantation de la Communauté en 1878 ?
S’agit-il de la “spiritualité” dans l’église plutôt que de la tradition dans l’église ? Autrement dit, de quelle manière l’Esprit de Dieu nous conduit-il à abandonner tout ce qui n’édifie pas ?
- “Les dimensions de l’action du christianisme “ dans Revue du Clergé Africain, p. 445.
Sources:
Les souvenirs d’étudiant de l’auteur.
Major Jacques Nsumbu de l’Armée du Salut, neveu d’André Bwetu, actuellement étudiant en 1re licence à la Faculté de Théologie Evangélique de l’Université Chrétienne de Kinshasa. Interview le 20 janvier 2007 par l’auteur.
Moyo, mensuel jadis édité par la Librairie Evangélique du Congo (LECO), et publié maintenant par le Centre Protestant d’Editions et de Diffusion (CEDI).
Bibliographie des œuvres de Bwetu-Sanga:
Bwetu-Sanga Bakutu-Bedilanga, cours de théologie pastorale, dispensé en 2e année à l’Ecole de Théologie Evangélique de Kinshasa, 1972-1973, inédit.
“Les dimensions de l’action du christianisme.” Exposé présenté à la VIe Semaine Théologique de Kinshasa ayant pour thème général “La pertinence du Christianisme en Afrique,” dans Revue du Clergé Africain, Actes de la VIe Semaine Théologique de Kinshasa, (1972), pp. 443-452.
“Kisinsi mu dibundu dia Klisto I” (La tradition dans l’église du Christ), dans Moyo, n° 100 (1972).
“Kisinsi mu dibundu dia Klisto II” (La tradition dans l’église du Christ), dans Moyo n° 101 (1972).
“Dibundu dia Klisto kwe dieti kwenda ? I” (Où va l’église du Christ?” dans Moyo, 8 (1968).
“Dibundu dia Klisto kwe dieti kwenda ? II” (Où va l’église du Christ?” dans Moyo, 8 (1968).
Cet article, reçu en 2007, est le fruit des recherches de Fidèle Kwasi Ugira, pasteur et vice-modérateur de l’Assemblée de la Communauté Baptiste au Congo. Détenteur d’un doctorat en théologie de la Faculté Universitaire de Théologie Protestante de Bruxelles, il est doyen et enseignant de l’Ancien Testament et l’Ethique chrétienne à la Faculté de Théologie Evangélique, Université Chrétienne de Kinshasa.