Collection DIBICA Classique
Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.Bomera, Festo Byakisaka
Festo Byakisaka naquit vers 1915 à Boga, collectivité des Bahema-Boga, au nord-est de la République Démocratique du Congo. I1 était de la tribu des Bahema-Boga, clan des Baboro, le clan royal. Festo parlait parfaitement le kihema (ou kinyoro), le kiswahili, le kiganda et un peu d’anglais.
Le nom Byakisaka, donné par ses parents, veut dire littéralement “de la forêt.” Ce nom évoque l’idée qu’il va aussi mourir comme ses prédecesseurs et que par conséquent il n’est pas “des nôtres” mais de la forêt. Mais comme la mort ne put l’arracher, il méritait bien le postnom de Bomera qui veut dire “qui a survécu.”
Festo fut enseigné par le missionnaire ougandais, Apolo Kivebulaya, considéré comme le principal pionnier de l’Église Anglicane du Congo. Celui-ci avait exercé son ministère à Boga et ses environs de 1896 à 1933. Festo devint chrétien quand il était encore jeune, grâce à l’enseignement reçu d’Apolo. Il fit l’école primaire à Boga, puis il alla en Ouganda pour faire l’école biblique.
Il fut ordonné diacre en Ouganda en 1926 puis revint à Boga pour débuter un long ministère dans l’Église Anglicane du Congo. Il épousa Everina Kaheru et ils eurent cinq enfants: Mwemi Isekadumu (garçon), Opedi Ruhuga (garçon), Everina Byakisaka (fille), Akiiki Evanisi (fille) et Sara Bigirwenkya (fille).
Le missionnaire Apolo mourut en 1933. Avant de mourir il remit sa Bible personnelle à son disciple Festo, en lui intimant de continuer la mission du Seigneur.
Festo joua un grand rô1e dans l’Église Anglicane du Congo après le départ des expatriés suite à l’indépendance du pays en 1960. Il fut le premier archidiacre de Boga et le représentant légal national de l’Église Anglicane du Congo. Il fut le premier noir à assumer de grandes responsabilités dans l’Église Anglicane du Congo. I1 fit beaucoup de démarches auprès des autorités gouvernementales en vue d’obtenir l’autorisation de fonctionnement de l’école secondaire à Boga. Cette école, dénommée “Collège de Boga” à l’époque, fut l’une des rares écoles secondaires dans l’est du Congo. En effet, à l’époque coloniale (jusqu’en 1960) seule l’école primaire était accessible dans cette partie du pays. Ceux qui finissaient l’école primaire étaient directement affectés à des postes dans la fonction publique.
Bien que ne connaissant pas le français, la langue officielle du pays, Festo abordait les autorités sans le moindre complexe. De même, dans l’église il n’avait pas peur de dénoncer le moindre mal qu’il constatait. Pour cette raison il fut connu comme “l’homme qui n’a peur de personne.”
Festo était l’un des leaders congolais qui participaient régulièrement au synode du diocèse de l’Ouganda et qui avaient réclamé un diocèse autonome au Congo. Ainsi, l’Église Anglicane de Boga, qui faisait partie du diocèse de l’Ouganda, devint un diocèse autonome en 1972, dénommé Diocèse de Boga-Zaïre. Le missionnaire anglais Philip Ridsdale en fut le premier évêque.
En 1964 les Simba (rebelles) arrivèrent à Boga à la poursuite de Jean-Faustin Manzikala, gouverneur de la province de Kibali-Ituri résidant à Bunia et l’un des agents de la CIA au Congo. En eftet, Manzikala qui était en fuite pour l’Ouganda, était passé par Boga et avait passé la nuit chez l’archidiacre Festo. Quelques jours après son départ, les Simba arrivèrent chez l’archidiacre avec la certitude qu’ils trouveraient le fugitif chez lui. Après avoir fouillé partout ils se rendirent compte que leur proie leur avait échappé. Ils s’acharnèrent alors sur son hôte qui lui avait donné son lit. Apres l’avoir torturé autant qu’ils voulaient, les Simba décidèrent de le tuer. Mais avant de mourir, Festo leur demanda quelques minutes pour lui permettre de prier pour eux. Ils acceptèrent sa requête. Après avoir terminé sa prière, quand Festo ouvrit les yeux il ne vit aucun Simba auprès de lui. L’ange de l’Eternel les avait chassés.
Festo était très respecté dans son église. Parce qu’il avait fidèlement servi le Seigneur et qu’il avait montré un bon modèle de foi, le diocèse de Boga lui conféra le titre honorifique de chanoine. Il prit sa retraite en 1980, après 54 ans de ministère au sein de l’Église Anglicane du Congo, surtout dans le diocèse de Boga. Cependant, bien que retraité, le diocèse avait toujours besoin de lui. C’est ainsi qu’il fut rappelé dans l’église pour assumer la fonction de chancelier diocésain; fonction qu’il exerça jusqu’ à sa mort en 1988 qui était due à une courte maladie.
Yossa Way
Bibliographie
Munege Kabarole (62 ans), Archidiacre de Bunia et voisin de Festo Byakisaka jusqu’en 1973, interview du 8 février 2001 à Bunia, Rép. Dém. du Congo.
Mugisa Byabasaija (34 ans), petit-fils de Festo Byakisaka, interview du 26 juin 2001 à Bunia, Rép. Dém. du Congo.
Cet article, reçu en 2002, est le produit des recherches du Révérend Yossa Way. Celui-ci est professeur de théologie à l’Institut Supérieur Théologique Anglican (Bunia, Rép. Dém. du Congo) et récipiendaire de la bourse du Projet Luc.