Collection DIBICA Classique
Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.Mbuku, Joseph Fuisa
Joseph Fuisa Mbuku est né en 1905 à Kibunzi, dans une mission de la Communauté Evangélique du Congo (“CEC” en sigle, ex SMF), dans le territoire de Luozi, secteur de Mbanza-Mwembe, district des cataractes, province du Bas-Congo, en République Démocratique du Congo. C’était le fils unique de papa Joseph Bikiende et de maman Aline Nsaka. Son père mourut juste après sa naissance et sa maman refusa de se remarier jusqu’à sa mort en 1917. Devenu orphelin de père à ce jeune âge, le petit Fuisa fut hébergé et adopté par son oncle paternel Noé Minimva.
En 1915, Fuisa entra dans l’école du village et fit sa première et deuxième année d’école primaire. De 1917 à 1921, il alla à l’école centrale, où il apprit la maçonnerie, la menuiserie, la coûture, et même l’agriculture. C’est là aussi qu’il apprit le français. Pendant qu’il était à l’école, il travaillait comme domestique chez le missionnaire suédois S. A. Flodén afin de subvenir à certains besoin relatifs à ses études.
Fuisa se maria en 1932 avec maman Nsadulu Lessa. De cette union, Dieu leur accorda quatre enfants dont un seul, Simon Mayazola, était encore vivant en 2004.
En 1921, l’année où Fuisa termina ses études, il y eut un grand réveil spirituel dans le Bas-Congo et le Saint-Esprit descendit sur les personnes. Quand ce réveil eut lieu, beaucoup de malades venaient pour être guéris et pour recevoir le don du Saint-Esprit. Mais quelques jours après le réveil spirituel, l’état colonial commença à arrêter tous ceux qui avaient reçu le don du Saint-Esprit.
Dans la contrée de Kibunzi, trois villages furent accusés d’activités spirituelles auprès du commissaire de district à Boma. Quand les agents de l’état arrivèrent à Kibunzi, ils arrêtèrent Monsieur Yambula, Joseph Fuisa et maman Kaba. L’administrateur du territoire de Luozi demanda au missionnaire Flodén, qui plaida en leur faveur, le nom du chef de ce groupe. Flodén répondit que c’était Monsieur Yambula. On appela Yambula pour recevoir vingt-quatre coups de fouets comme cela se faisait à l’époque coloniale. Après ces coups de fouets, l’administrateur demanda que l’on détruise le hangar qu’ils utilisaient pour la guérison des malades.
Mais un miracle se produisit ce jour-là. Le soldat qui avait fouetté monsieur Yambula fut atteint d’une hernie dans la nuit à une heure du matin. Le matin, comme il souffrait terriblement, il fut envoyé à l’hôpital de Kibunzi pour être opéré par le docteur Palmaer. Yambula, Fuisa, et maman Kaba furent libérés mais décidèrent de prier pour la guérison de leur persécuteur. Au moment d’opérer, le médecin constata que le soldat n’était plus malade et lui dit qu’il pouvait partir.
Comme leur hangar était détruit et que l’état leur interdisait de continuer leur ministère de guérison, Yambula, Fuisa, et maman Kaba cessèrent, par respect à l’autorité établie.
Entre 1922 et 1934, Fuisa travailla pour les missionnaires en tant que cuisinier et domestique. Pendant ce temps il apprit aussi le métier de maçon, de peintre, d’aménageur des pistes d’avion, de scieur, de chauffeur, de mécanicien. Il travailla pour des compagnies coloniales belges à plusieurs reprises. Partout où il allait, on recherchait ses services car il faisait un travail de qualité.
Mais en 1934 à Luozi, le Saint Esprit revint avec force dans la vie de Fuisa au point où il était souvent poussé à quitter sa tâche du moment, comme une casserole sur le feu, pour allait là où l’Esprit lui disait d’aller. Ces épisodes de distraction apparente arrivèrent si souvent que son employeur blanc le fit examiner par un médecin. Mais c’était tout simplement le don du Saint Esprit qui secouait sa vie personnelle.
En 1935, quand une épidémie de diarrhée amibienne frappa la contrée de Kibunzi, Dieu dit à Fuisa d’aller à Kibunzi prier pour les malades pour qu’ils soient guéris. Tous les malades à l’hôpital de Kibunzi furent ainsi guéris en une nuit, grâce aux prières de Fuisa. Quand le docteur E. Matsson arriva à l’hôpital le lendemain matin et trouva tous les malades partis, il se fâcha contre Fuisa qu’il accusa de saboter son travail. Par conséquent, il écrivit une lettre auprès de l’administrateur du territoire de Luozi.
Suite à des plaintes d’un village Bemba près du fleuve congo, un missionnaire, le révérend Beer, écrivit une lettre à l’administrateur du territoire de Luozi au sujet de Fuisa. Ayant reçu cette lettre, l’administrateur décida donc d’arrêter Fuisa ainsi que Messieurs Daniel Bakenga, Daniel Mpisulu Nlandu et Madame Sophie Kaba.
Ceux-ci passèrent d’abord la nuit dans la prison du chef de secteur Paul Konunua à Kibunzi. Arrivés à Luozi, ils firent deux mois de prison. L’administrateur interrogea tous les compagnons de Fuisa. Il demanda que ceux-ci lui fassent serment de ne plus continuer leur ministère pour obtenir leur libération. Les autres furent libérés après avoir prêté serment. Comme Fuisa refusait de prêter serment, il dut accepter d’être déporté dans une autre province, au poste de Lokolama dans le territoire de Oshwe, District d’Inongo/Lac Léopold II, Province de Bandundu.
En 1935, Joseph Fuisa partit donc en exil à Lokolama après avoir été condamné à mort. Pendant qu’il attendait l’arrivée de son épouse avant son départ pour Lokolama, son grand frère Diviokele Daniel vint lui demander son héritage. Fuisa, sa femme Nsadulu Lessa et leur fils Mayazola Simon firent le voyage de Kinshasa à Lokohama qui dura plus de trois semaines. A leur arrivée, on leur donna des champs et comme ils avaient acheté des outils en route, ils n’eurent pas de difficultés.
En juillet 1937 Maman Nsadulu Lessa décéda en donnant naissance à des jumeaux morts nés. En 1940, les autorités de l’état envoyèrent Fuisa et ses enfants à Oshwe. Le 1er mars 1941, Fuisa se remaria à maman Marie Mbambukulu Febe. Ils eurent huit enfants: Elizabeth Kizinga, Madame Moïse, Joseph Fuisa, Anne Munzungu, Albertine Munlemvo, Marie Dianduenga, Marthe Nzau et Emilie Masaka.
Les autorités de l’Etat donnèrent beaucoup de responsabilités à Fuisa à Oshwe où il travailla en tant que chauffeur-mécanicien, tailleur, cordonnier, réparateur des montres, charpentier, scieur, électricien et plombier. Il n’oubliait cependant pas le travail du Seigneur pour lequel il était exilé et se donnait à la prière pour les malades et cherchait les brebis perdues.
Pendant son exil, Fuisa opéra beaucoup de prodiges. Grâce à ses prières il fit revenir à la vie une femme au village nommé Km. 7 ainsi qu’une femme à l’hôpital de Bolinda. L’enfant du chef de territoire, monsieur Augustin Delangue, un belge, reprit vie aussi, grâce à la prière de Fuisa.
La deuxième femme de Fuisa, Maman Marie Mbambukulu Febe, naquit au village Bidi Kindamba en 1920 et mourut à Kimpese en 1996. Son père était Moïse Maduma et sa mère Elizabeth Kizinga. En 1934, à l’âge de quatorze ans, elle reçut le Saint-Esprit qui l’amena au sommet d’une montagne et lui montra des extrémités lointaines en lui disant qu’il l’enverrait très loin pour le servir. Avec d’autres, elle fut accusée d’activités de guérison au Territoire de Luozi. Quelques temps après avoir été jugée, elle fut libérée avec interdiction de ne plus parler du nom de Jésus-Christ. Mais elle refusa d’abandonner l’œuvre de Dieu et, avec ses collègues, elle continua de guérir les malades.
Un jour, Maman Mbambukulu et ses collègues prièrent pour un enfant mort qui revint à la vie. Par conséquent, on les arrêta et on les amena à Luozi où les autorités les mirent en prison pour deux mois. Pendant son séjour dans la prison des femmes, Dieu fit des miracles et des prodiges. Les gens apportaient leurs malades à Maman Mbambukulu et à ses camarades pour être guéris à l’insu des militaires qui voulaient empêcher toutes ces guérisons. Après la prison ils furent déportés à Lokolama où les autorités de l’état ne voulaient pas qu’ils prient.
Le 18 avril 1960, avant l’indépendance du Zaïre, les autorités de l’état informèrent Fuisa de la fin de sa déportation et lui donnèrent la permission de se préparer à regagner le Bas-Congo (Congo central à l’époque). Fuisa et sa famille partirent le 25 avril et arrivèrent à Kibunzi le 8 mai 1960.
Le Seigneur réalisa ses promesses envers son serviteur. Les personnes à qui Fuisa avait dit qu’ils se reverraient avant leur mort, plus de vingt-cinq ans plus tard, il les rencontra toutes vivantes. Ce fut lui qui les enterra.
A son arrivée à Kibunzi, Fuisa continua l’œuvre de Dieu. Mais comme il était employé de l’état et devait finir ses années de service jusqu’en 1963, l’année de sa retraite, il commença à travailler pour Monsieur Joseph Willma en 1961 en tant que chef de garage à Wono. Il continua, cependant, son activité religieuse d’abord à Wono et puis encore à Kibunzi quand il rentra. En 1964 et 1965 les missionnaires l’engagèrent pour être mécanicien à Kibunzi.
En 1970, Fuisa quitta son village de Kibunzi pour aller à Songololo. En 1974 sa femme, maman Marie Mbambukulu Febe fut consacrée diaconesse. En 1975, Fuisa fut consacré pasteur de la paroisse de Manzonzi à cause de ses activités, même sans formation théologique.
Le 27 juillet 1977, le pasteur Fuisa tomba d’un palmier. On le transporta à l’Hôpital Evangélique de l’IME Kimpese où il mourut à vingt-deux heures. Mais le Seigneur eut compassion de lui et le ressuscita des morts à quatre heures du matin. Sorti de l’hôpital, le pasteur Fuisa fut mis en repos médical. En son absence, le centre de paroisses CBCO Songololo nomma un pasteur intérimaire à sa place, le catéchiste Mawete. Après son repos médical, le pasteur Fuisa reprit son poste.
Pendant son ministère à Manzonzi,-une paroisse unie, très grande et très forte, aujourd’hui divisée en trois paroisses, Manzonzi, Kisonga et Nsangu Zalemba,-le pasteur Fuisa apprit à ses membres à se rassembler pour la Sainte-Cène. En 1977, il introduisit aussi le concept de la collecte des offrandes sous forme d’une compétition pour stimuler les chrétiens à mieux donner. Cette idée fut adoptée par le Centre de paroisses CBCO Songololo.
En 1984, le pasteur Fuisa fut nommé pasteur évangéliste du Centre de paroisses CBCO Songololo. Le Centre de paroisses CBCO constitue un ensemble de plusieurs paroisses, administré par un pasteur responsable secondé par l’évangéliste du centre qui est, en fait, la deuxième personnalité.
Dans sa qualité d’évangéliste, le pasteur Fuisa passa dans toutes les paroisses du centre de Songololo et dans tous les villages. Il connaissait donc beaucoup d’histoires de ces paroisses et des villages, et personnellement beaucoup des chrétiens. Et en retour, beaucoup de chrétiens et de non chrétiens, hommes, femmes et enfants, jeunes et vieux, le connaissaient très bien. D’ailleurs on le surnomma “muana quinze ans” ou “enfant de 15 ans.” Pendant ses voyages, il se promenait avec un accordéon et dès qu’il entrait dans un village à bord de son vélo, les petits enfants le suivaient en chantant des cantiques bien connus comme, par exemple, Zitisa Nzambi (Donner gloire à Dieu) ou bien Mu Yesu vuvu nsidi kio (En Jésus je mets mon espoir).
Pendant ses tournées d’évangélisation, grâce à ses prédications, beaucoup de gens se convertirent et beaucoup reçurent la grâce de Dieu car le pasteur Fuisa priait pour eux et ils étaient guéris de leurs maladies.
Il prit sa retraite le 22 janvier 1989 à cause de son âge, après une grande manifestation organisée en son honneur. Tout le centre CBCO Songololo fit faire une collecte spéciale pour lui donner en guise de reconnaissance. Ce n’était cependant pas suffisant par rapport aux services rendus.
Pendant sa retraite, sa vie matérielle n’était pas aisée et il avait souvent du mal à obtenir quelque chose à manger. La communauté au niveau national ne lui envoya qu’une petite aide ponctuelle en 1990. Le centre, à cause de manque de moyens, lui remettait un petit montant trimestriellement. Cela ne suffisait cependant pas à faire face à tous ses besoins. En général, la vie des serviteurs de Dieu n’est pas aisée de ce point de vue là et le problème de sous-payement demeure.
Jusqu’à sa mort en Novembre 1999, même en pleine retraite, partout où on le connaissait, le pasteur Fuisa était invité dans les différentes paroisses pour prêcher et pour participer à d’autres activités de l’église.
Que Dieu soit loué pour ce grandpère, l’esclave du Seigneur Jésus-Christ. Il souffrit pour Dieu, mais jamais il ne se lassa. Il était très fort et jusqu’à sa mort il ne cessa de voyager, d’encourager, et d’affermir les chrétiens. Même mort, le pasteur Fuisa est vivant dans l’oeuvre qu’il a laissée et il nous fortifie par ce cantique Kintuadi n° 468 :
Kikongo / Français
(1) Va zinsilulu za Klisto telama, (Tiens-toi à la promesse de Jésus-Christ,)
Mvu mi ka mimani sika nkumbu yo. (Toutes les années, glorifie le Seigneur)
*Nzitusu kwa Mfumu si yayimbila *(Je veux chanter la gloire du Seigneur,)
*Telama va nsilulu zazo *(Tiens-toi à toutes les promesses,)
Siama ! Siama ! (Fortifie-toi ! fortifie-toi !)
Telama va nsilulu za Mvulusi (Tiens-toi à la promesse du Sauveur)
O ! Siama ! Siama ! (O ! Fortifie-toi ! Fortifie-toi ! Fortifie-toi !)
Va nsilulu za Nzambi za Mvulusi. (Tiens-toi à la promesse de Dieu.)
(2) Telama va nsilulu zisiamuswa (Tiens-toi à la promesse ferme)
Vuka biangolo bu bikwizanga (Quand viennent les tentations.)
Muna mambu mandi mwena ndungunu (Nous vaincrons dans sa parole)
Telama va nsilulu zazo (Tiens-toi à toutes les promesses.)
(3) Va zinsilulu zamoyo telama (Tiens-toi à la promesse ferme.)
Bundana ye Yandi uizolanga (Rencontrer celui que j’aime.)
Sabala kia Mpeve kina nungisa (L’épée de l’Esprit fera vaincre)
Telama va nsilulu zazo (Tiens-toi à toutes les promesses.)
(4) Mu zinsilulu munama mbedoso (Dans les promesses on chasse les échecs)
Dimba kaka muna Mvulusi ami (En tout, écoute la voix de l’Esprit.)
Vunda kaka muna Mvulusi ami (Je me repose dans mon Seigneur)
Telama va nsilulu zazo (Tiens-toi à toutes les promesses).
Que Dieu garde l’âme du pasteur Joseph Fuisa Mbuku et qu’il repose en paix.
Fidèle Bavuidinsi Nsenga
Sources:
Fuisa Mbuku, Joseph, interview à Songololo les 20, 25, 26 juin 1990.
Mabuangu, Nsakala, diacre cathéchiste, collaborateur de Fuisa, interview à Songololo le 25 juin 2004.
Mbambukulu, Febe, diaconesse, épouse de Fuisa, interview à Songololo le 30 juin 1990.
Mayazola, Simon, cultivateur, fils aîné de Fuisa, interview à Minkelo le 20 juin 1990.
Ndakivangi, M. N., Héritage Culturel Zaïrois (Kinshasa: CEDI, 1978).
Nkunga Mia Kintuadi (Kinshasa: CEDI, 1974).
Bahelele, J. N., Kinzonzi ye Ntekolo andi Makundu (Mat
adi: Imprîmerie S.M.F., 1948)
Cet article, reçu en 2004, est le fruit des recherches du Pasteur Fidèle Bavuidinsi, doctorand en théologie pratique à l’Université Protestante de Kimpese. Il est aussi secrétaire général adjoint et représentant légal premier suppléant de la Communauté Baptiste du Congo Ouest (C.B.C.O.). Cet article a été revu et approuvé par le Pasteur Odon Ikomba, secrétaire général et représentant légal de la C.B.C.O.