Collection DIBICA Classique

Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.

Chabert, Jean-Marie

1874-1933
Église Catholique
Egypte , Guinée

Jean-Marie Chabert naquit à Saint-Etienne-des-Ouillères (Rhône) le 10 juillet 1874. Il fit ses études classiques à l’école cléricale de Claveissoles, puis au petit séminaire de Saint-Godard. Désirant devenir missionnaire, en 1890, il entra à l’école apostolique des Missions africaines de Richelieu (Clermont-Ferrand). L’année suivante il entra au Grand Séminaire à Lyon et y fit le serment d’appartenance aux Missions africaines le 17 décembre 1892. Il est envoyé alors au grand séminaire à Choubrah en Egypte où il acheva ses études cléricales en 1895. Trop jeune pour être ordonné, il fut nommé professeur à Zifteh. Le 30 mai 1897, il était ordonné prêtre et revint en congé en France.

Il y connut une joie immense, celle d’être affecté à la Côte occidentale d’Afrique qui avait déterminé sa vocation et vers laquelle il n’avait cessé d’aspirer. Joie passagère car le jour même où il devait descendre à Marseille pour s’embarquer, une nouvelle obédience lui fut donnée: il devait retourner en Egypte. Il accepta le rude sacrifice. Revenu en Egypte, il fut professeur et économe au grand séminaire. Il s’acquitta de l’une et l’autre fonction avec un réel succès. Les supérieurs remarqueront en particulier les qualités d’administrateur du jeune économe.

En 1902, le père Chabert était nommé supérieur de Zagazig où peu de temps après son arrivée il faillit être victime de musulmans fanatiques qu’il était pourtant allé secourir lors de l’incendie de leur village. A Zagazig, il se mit au travail avec ardeur. Ses premiers soins allèrent à l’école des garçons qu’il réorganisa et confia ensuite aux Frères des Ecoles chrétiennes. Il termina l’église restée inachevée depuis bien des années. Il entreprit et mena à bonne fin la construction d’une nouvelle maison pour les religieuses. Les œuvres paroissiales reçurent une impulsion nouvelle. Pour atteindre plus facilement les nombreux membres de la colonie italienne de Zagazig, il étudia la langue et même s’astreignit à ne parler qu’italien avec son confrère à table et en récréations. Mais l’œuvre à laquelle il donna la plus grande partie de son cœur et où il déploya toutes les industries d’un zèle ingénieux, ce fut l’œuvre des Coptes. Pour eux il fit construire un petit village où de nombreuses familles vinrent chercher asile. Les talents d’organisateur sage et prudent valurent en 1907 au P. Chabert la nomination de supérieur du collège de Tantah. Il ne négligea rien pour faire prospérer ce collège fondé 25 ans plus tôt…Le collège réclamait des réparations, des agrandissements, des aménagements nouveaux. De suite le P. Chabert prévit et commença la réalisation d’un plan de travaux qui allaient durer de longues années et dont il devait s’occuper même devenu supérieur général. Il eut la joie de les voir mener à bonne fin et celle d’avoir doté l’enseignement catholique en Egypte d’un établissement répondant aux conceptions les plus modernes. D’autre part sous la forte impulsion qu’il donna à la maison, la discipline, l’enseignement et la formation spirituelle marchèrent de pair, procurant des succès scolaires et provoquant des conversions.

Il n’oubliait pas pour autant ses chers Coptes. C’est chez eux qu’il allait chercher un dérivatif à ses lourdes préoccupations et à ses travaux, les visitant dans leur village et tâchant de leur venir en aide par tous les moyens que lui inspirait son zèle. En 1914, la guerre vint l’arracher à son cher collège. A son arrivée en France, il est, sur sa demande, affecté à un hôpital de contagieux. Cela aussi était bien dans son caractère. Ses préférences ont toujours été pour les petits et les pauvres. Pendant deux ans il va se dépenser sans compter près de ses malades et la médaille des épidémies lui fut décernée comme témoignage de son dévouement.

En août 1916, le P. Chabert obtint de pouvoir retourner en Egypte où le collège avait pu se maintenir, grâce au dévouement de quelques confrères. Le père reprend sa place et prend sur lui à peu près tout le travail. Il est à la fois supérieur, préfet de discipline, professeur, surveillant, infirmier. Il est partout et prévoit à tout. De plus il fait office de supérieur par intérim de ses confrères du vicariat.

En 1919, le père Chabert prend part à l’Assemblée générale de la Société comme délégué des confrères d’Egypte. L’Assemblée fait appel à ses talents pour réorganiser la Société après la longue guerre en l’élisant comme Supérieur général. Lui qui avait tant de projets pour son collège et la mission en Egypte, accepte et se met de suite au travail. Sa maxime était qu’il faut aller vite car ni Dieu ni les âmes ne peuvent attendre. Le premier acte du nouveau supérieur est de consacrer la Société au Sacré-Cœur de Jésus et d’instituteur dans les maisons la pratique de l’heure sainte.

Au lendemain de la Grande Guerre, il avait à réorganiser et à développer la Société. Pour cela, il lui faut - lui qui ne connaît que l’Egypte - avoir une connaissance aussi complète que possible de l’ensemble des missions et des établissements de la Société. Il entreprend donc cette vie de voyageur que la mort seule devait arrêter. Il visite toutes les maisons d’Europe puis les Etats-Unis où il s’intéressa spécialement à l’œuvre des Noirs en Géorgie, œuvre confiée à la Société en 1907. A son retour, il consignera ses impressions en une brochure Nos missions noires en Géorgie.

A l’automne 1921, il s’embarquait pour l’Afrique occidentale et consacrait une année presque entière à visiter les missions de la Côte de Guinée. Il visita jusqu’aux postes les plus éloignés au milieu de beaucoup de fatigués. Il rentra de ce voyage enthousiasmé de l’œuvre immense réalisée par les missionnaires malgré toutes les difficultés qu’il a fallu surmonter. Dans sa correspondance avec ses conseillers restés à Lyon, relevons quelques extraits:

“Mon voyage durera plus longtemps que je ne le pensais, mais je veux tout voir et avoir une connaissance approfondie et complète de tout.”

“Je suis émerveillé de tout ce que j’ai vu. Quelles belles missions nous ont laissées tous ces chefs confrères qui sont morts sur la brèche.”

“Veuillez propager s’il vous plaît, parmi les séminaristes que le seul et le plus sûr comme aussi le plus rapide moyen de faire des conversions, c’est l’école.”

“Je vous engage à ne jamais venir dans nos missions de la côte sinon vous ne voudriez plus les quitter. Je me trouve si bien dans mon élément et je suis si parfaitement heureux d’avoir la vie que j’avais rêvée et tant désirée que je pleure en pensant qu’il me faudra la quitter bientôt. Je ne puis me faire à l’idée de m’éloigner des Noirs.”

De concert avec les chefs de mission, il conçoit et arrête un plan d’action missionnaire qui permettra de répondre aux besoins des missions c’est-à-dire de donner aux chrétientés anciennes un accroissement nouveau, d’accélérer le mouvement des conversions et de pénétrer dans des régions nouvelles. La réalisation de ce plan demande un développement des œuvres de la Société spécialement du “ravitaillement” en hommes et en ressources. C’est alors la fondation de nouvelles maisons en France, Irlande, Hollande, Belgique. Puis pour avoir des ressources plus abondantes, il renforce les moyens existants et en crée de nouveaux. Il insiste sur le développement des revues et bulletins et lui-même s’astreint à écrire de nombreux articles et ne refuse jamais une conférence. La veille même de sa mort il se forçait encore à écrire.

Pour ce qui concerne l’organisation de la société elle-même, à la province d’Irlande, il ajoute celle de Hollande (1923) et celles de Lyon et d’Alsace-Lorraine (1927). C’est aussi grâce à sa volonté persévérante que le Musée des Missions africaines s’installa à Lyon, musée qui répondait à un double but: mieux faire connaître les missions, le milieu et les populations où travaillent les missionnaires et sauver du naufrage les témoignages d’une civilisation menacée de disparaître.

L’une des plus belles œuvres du père Chabert est la fondation le jour de Noël 1922 avec Alice Munet et sa sœur Marie-Thérèse, à Menton, de l’Institut des Petites Servantes du Sacré-Cœur, missionnaires catéchistes des Noirs dont il gardera la direction jusqu’à sa mort.

Quelque grande que fut l’affection que le P. Chabert portait à cette œuvre et le soin qu’il lui consacrait, ce ne fut jamais au détriment des obligations de sa charge de supérieur général. Il éprouvait même une sorte de scrupule à consacrer une part de son activité à l’œuvre nouvelle et il se multipliait afin que la Société des Missions africaines n’eut pas à en souffrir. Il se soumit de ce fait à un surmenage intensif qui eut pour conséquence un épuisement rapide de ses forces.

Le mandat de supérieur général fut renouvelé au P. Chabert en 1925 et 1931…Au cours de son second mandat, il eut la joie d’inaugurer les nouvelles constructions du collège de Tanta; établissement moderne et modèle dont la Société grâce à lui avait le droit d’être fière. C’est aussi au cours de ce mandat qu’eurent lieu à Lyon les grandes fêtes en l’honneur de Mgr de Marion Brésillac, fondateur, et du père Augustin Planque co-fondateur avec le retour de leurs restes mortelles en la chapelle du séminaire.

En février 1933, pourtant très fatigué, il assiste en Hollande au sacre de Mgr Paulissen, premier évêque de Komassi au Ghana. Sans prendre le temps de se reposer, il entreprend plusieurs voyages à travers la France. C’en est trop. Ses forces le trahissent et il jette sur un papier: “voyage inutile, je ne peux rien faire.”

Au début de mars, il rentre à Lyon, mais c’est pour s’aliter trop. Les docteurs ne sont pas pessimistes et parlent de névrite. Le 24 mars le père va beaucoup mieux et est hors de danger. Le 25 mars 1933 au matin, il succombe à une embolie cardiaque, à 59 ans.

Le père Chabert reste pour les membres des Missions africaines le type du chef lucide et autoritaire qui voit grand et loin et exige que ses consignes soient exécutées à la lettre et dans le plus bref délai. Homme de foi et de cœur, mais impatient quand il s’agit du Règne de Dieu et de l’extension de la Société, deux choses qui n’en faisaient qu’un pour lui.


Bibliographie

Nos Missions noires en Géorgie (U.S.A.), Lyon, S.M.A., 1921, 46 pages.

L’Islam chez les sauvages et les cannibales de la Nigeria du Nord. Conférence à l’Institut cath. Paris, 8 novembre 1926. Imprimerie, Lyon, S.M.A., 1926, 48 pages.

L’esprit de la Société des missions africaines et des Petites Servantes du Sacré-Cœur est un esprit de charité et d’amour. Imprimerie S.M.A., 1926, 114 pages.

Articles dans les Missions catholiques. Parmi les plus importants:

La S.M.A. en Géorgie, Miss. cath. 1922, p. 453, 464, 476.

La Mission de Kano, Miss. cath. 1927, p. 163 sq.

Les Dassas (Dahomey), Miss. cath. 1922, p. 333, 343.

La future cathédrale d’Héliopolis (Egypte), Miss. cath., 1911, p. 241.

L’éveil religieux en Afrique, Miss. cath., 1922, p. 305.

Notre Jubilé, Miss. cath., 1928, p. 321.

Nombreux articles dans Echo des Missions africaines. Parmi les plus importants:

Les Dassas (Dahomey), Echo, 1922, p. 129, 145, 170.

L’esclavage en Afrique, Echo, 1923, p. 76, 94, 111.

Fondation du collège de Whitson Court (Gd-Br.), Echo, 1923, p. 177.

Zagazig. Notes sur les ruines de Memphis, Echo, 1904, p. 131, 188, 1909, p. 10, 50, 79, 118, 155.

Arrivée de Mgr Cessou à Lomé. Echo, 1921, p. 314.

Relations sur son voyage en Afrique. Echo, 1922, p. 44, 65, 94, 113, 1923, p. 11, 76.

L’esclavage existe-t-il en Afrique. Echo, 1923, p. 76, 78.

Les anges gardiens des missionnaires (les bienfaiteurs), Echo, 1923, p. 145. Après la fondation des “Petites Servantes” il fit de nombreux articles sur l’Institut et sa spiritualité.

Mort d’Alice Munet, Echo, 1924, p. 178.

Sauvons des âmes, Echo, 1925, p. 21.

Une nouvelle milice africaine, Echo, 1925, p. 43.

Ste Thérèse de l’Enfant Jésus et les Petites Servantes, Echo, 1925, p. 68 et 137.

Marie privilégiée et esprit des Petites Servantes, Echo, 1925, p. 92.

Le Tabernacle et les Petites Servantes, Echo, 1925, p. 117.

Mission privilégiée et esprit des Petites Servantes, Echo, 1925, p. 165.

Alice Munet et Mgr de Marion Brésillac, Echo, 1925, p. 194.

Un rêve de l’amour infini, les Petites Servantes, Echo, 1926, p. 41.

Documents manuscrits ou seulement dactylographiés:

La question des coptes en Egypte. 5 cahiers manuscrits. A.M.A. 2 C 25.

Correspondance. A.M.A. 2 C 16, 17 et 11/2.01.

Circulaires et directives. A.M.A. 11/2.01.

Notes sur le Togo. A.M.A. 13/8.02.

Contraste de misère et d’opulence en Afrique (dactylographié). A.M.A. 2 C 25.

Méthodes missionnaires pour gagner le cœur des Noirs (dact.). A.M.A. 2 C 25.

Action missionnaire au Dahomey (dact.). A.M.A. 2 C 25.

Missions africaines à la Côte-d’Or (Ghana) (dact.) A.M.A. 2 C 25.

Religions traditionnelles au Dahomey (dact.), A.M.A. 2 C 25.

Les sacrifices humains (dact.). A.M.A. 2 C 25.


Cet article, réimprîmé ici avec permission, est tiré d’Hommes et Destins: Dictionnaire biographique d’Outre-Mer, tome 9, publié en 1977 par l’Académie des Sciences d’Outre-Mer (15, rue la Pérouse, 75116 Paris, France). Tous droits réservés.