Collection DIBICA Classique
Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.Klaine, Théophile
Le savant botaniste que fut le Père Théophile Klaine naquit le 29 mars 1840 à Vannecourt (Moselle). Il fit ses études secondaires au Collège de Pont-à-Mousson et entra chez les P.P. du St. Esprit. Après son ordination sacerdotale, il fut affecté à la Mission du Gabon où il arriva en novembre 1865. On le chargea aussitôt de l’Ecole de la Mission Ste. Marie, située à l’emplacement de l’ancien Fort d’Aumale. Educateur né, il fit la classe de 1865 à 1901 dans son école qui compta jusqu’à deux cents élèves.
Le P. Maurice Briault, qui a vécu près de lui à Libreville, a tracé du P. Klaine un savoureux portrait dans son livre : “Sur les pistes de l’A.E.F.” Nous en extrayons quelques lignes:
Pour ses confrères de la Mission du Gabon le P. Klaine était le vieux maître d’école de Sainte Marie et personne ne se souvenait de l’avoir connu jeune. Il n’était rentré en Europe que deux fois, et il en donnait comme motif qu’il redoutait extrêmement la mer. On le savait instruit, mais il évitait toute conversation scientifique. De sa voix rompue, il évoquait tous les grands noms de l’époque des explorations : le saint Mgr. Bessieux, avec ses idées arrêtées, ses vertueuses indignations et ses austères pénitences ; Brazza, qu’il avait connu jeune midship, partant à pied pour l’Alima; le P. Augouard, qui s’ennuyait à la Côte et rêvait d’aller voir du pays ; ou bien encore cet Anglais terne, trapu, taciturne qui marchait pour le compte du roi Léopold et qui s’appellait Stanley. Pour les Européens d’A.E.F. c’était le savant botaniste, le correspondant assidu du Muséum, celui auquel tout le monde avait recours dès qu’il y avait une expertise sérieuse à entreprendre, une expérience à tenter, une plantation à créer… On se redisait qu’il avait déterminé à lui seul plus de deux cents espèces végétales nouvelles qui portaient son nom. Et l’on savait que, du Niger à l’Oubangui, il ne se mangeait pas une mangue cultivée, pas une orange, pas une goyave qui ne descendit originairement de ses greffes…
Si le P. Klaine s’achemina ainsi vers cette spécialisation de la botanique ce fut certes par goût naturel mais aussi par suite des encouragements de Mgr. Bessieux, fondateur des Missions du Gabon, qui fut son premier évêque, en même temps que par nécessité de procurer des ressources et des vivres améliorés.
Quand le Gouvernement créa, en 1887, le jardin d’essai de Libreville, le P. Klaine possédait déjà dans celui de la Mission une trentaine d’espèces d’arbres fruitiers et plus de quarante espèces de fleurs et d’arbustes d’ornementation.
Le P. Trilles, dans un volume préparé vers 1899 et non publié, pour le cinquantenaire de la Mission, promène des visiteurs imaginaires : “La vanillerie du P. Klaine est là: volontiers il nous en fera les honneurs. Avec lui nous admirerons les tiges robustes et saines, les feuilles épaisses au vert luisant, les longues et énormes gousses. Sous sa direction nous verrons les espèces utiles dissimulées çà et là dans son jardin d’essai, les roses qu’il a acclimatées et dont il est fier… Que de soins depuis le jour où, au Muséum, Deraisne lui confia la première bouture de vanille jusqu’au moment, en 1885, où l’on fit la première récolte: le P. Klaine s’y donna tout entier.”
Si le nom du P. Klaine n’est pas oublié, on le doit à l’okoumé. Un jour, au Muséum de Paris, le professeur Auguste Chevalier, l’éminent botaniste, disait au P. Briault : “Songez, votre P. Klaine a acclimaté au Gabon tous les cafés … Surtout, il a fait connaître à l’Europe l’okoumé qui a donné naissance à toute l’industrie du contre-plaqué. Aujourd’hui les savants étrangers ont démarqué tous ses travaux!”
Un disciple du P. Klaine, M. l’abbé André Walker, prêtre gabonais, orfèvre en la matière, a bien voulu confier au P. Pouchet, en 1963, les renseignements inédits suivants:
Le nom okoumé est le nom mpongouè de l’arbre en question. Le P. Klaine a dû l’apprendre par ses informateurs habitant les mpindis (cases de brousse) de langue mpongouè des environs de Libreville, longtemps avant l’installation des villages fang.
Les Fang désignent cette essence sous le nom d’anguma.
Bosswellia Klaineana, que l’on lit dans le dictionnaire de Mgr. Martrou, est le premier nom scientifique de l’Okoumé, remplacé aujourd’hui par celui d’Aucoumea Klaineana. Il arrive parfois de changer les noms scientifiques après une étude plus approfondie.
Ce n’est pas le P. KIaine qui a fait donner son nom à l’Okoumé. C’est le naturaliste Pierre, du Muséum, qui a ainsi baptisé cet arbre après avoir étudié les échantillons recueillis par des indigènes dans la forêt et expédiés à Paris par le P. Klaine, vers 1894-1896.
Le P. Briault, qui assista en ses derniers jours le P. Klaine, nous parle avec admiration de ce vieillard de taille très élevée, maigre et tourmenté de rhumatismes, un religieux exemplaire avec une politesse d’ancien régime! Le P. Klaine ne parlait guère de botanique, parce que–disait-il–ça ne se résume pas: surtout il craignait de paraître pédant. Rien ne lui faisait tant horreur.
La mort vint prendre le P. Klaine le 5 décembre 1911 à Libreville. On n’a pour ainsi dire rien sauvé de ses collections ni de ses notes. Du moins il repose sur cette terre d’Afrique tant aimée et tant étudiée par lui!
Gaston Pouchet
Bibliographie
Maurice BRIAULT – Sur les pistes de l’A.E.F., Editions Alsatia, Paris 1945.
C. LE GALLO - “Le P. Th. Klaine,” Revue Le naturaliste Canadien, Vol. LXXVII, Nos 11 et 12 - 1950.
A. CHEVALIER - “ La forêt et les bois du Gabon “ - 1916.
Louis PIERRE - “Aukoumea Klaineana”, Bulletin Soc. Linn. N° 157 1896 (Voir collection de ces bulletins 1896-1898).
HEITZ - La forêt du Gabon - 1943.
Charles TISSERANT - Bulletin Mus. Paris 1931, p. 334.
Cet article, réimprîmé ici avec permission, est tiré d’Hommes et Destins: Dictionnaire biographique d’Outre-Mer, tome 2, volume 2, publié en 1977 par l’Académie des Sciences d’Outre-Mer (15, rue la Pérouse, 75116 Paris, France). Tous droits réservés.