Lamah, Jean Theaye (né Koya Nyankoye)
Sa naissance et son enfance
Lamah Jean naquit vers 1931 à Theaye, dans la sous-préfecture de Samoé, préfecture de Nzérékoré, en République de Guinée. Fils de Koya et de Souata Delamou, Jean appartenait au groupe ethnique kpèllè, une langue parlée au sud du pays dans la région forestière. En plus du kpèllè, il parlait aussi le malinké, une langue de la savane guinéenne.
Avant la naissance de Jean, Koya, son père, avait traversé des moments très difficiles avec des femmes qui ne lui donnèrent aucun enfant. Ce fut en ce temps-là un sujet de raillerie des villageois envers sa personne, car on le traitait d’impuissant. Dans ce désespoir, Koya voyagea avec ses amis à Bowé dans Yomou ou il rencontra une dame, Souata, qui avait été abandonnée par son mari depuis quelques années et qui avait une fille. Le mariage fut conclu entre les deux. Souata tomba enceinte et mit au monde un garçon qu’ils nommèrent Koya Nyankoye. Ce garçon deviendrait Jean plus tard. Son père avait donné ce nom pour exprimer sa joie, car sa honte était partie. En Kpèllè, Koya signifie « célibataire » et Nyankoye veut dire le « deuxième dans le rang de naissance des garçons ». Ainsi pour Koya, Koya Nyankoye serait son petit frère pour relever le défi d’enfants qu’il aurait pu avoir dans le monde.
Quelques mois après la naissance du jeune garçon, sa mère fut réconciliée à Theaye avec son premier mari, suite aux interventions des ressortissants de Ouro, d’où venait cet homme. Koya lui permit de partir avec sa fille et son petit puisque l’enfant n’était pas encore sevré, Koya n’avait pas d’autre femme et il n’y avait aucune parente de Koya à coté pour s’occuper de lui. De ce fait, Koya accepta que Souata parte avec son fils, afin d’éviter le pire dans la vie de l’enfant Koya Nyankoye qu’il aimait tant. Un jour, en visite dans cette famille, Koya, le père du garçon, trouva son enfant en train de parler le vrai kpèllè de Yomou d’où était originaire son papa adoptif. Cela le mit mal à l’aise, car il voyait que l’enfant ne maitrisait plus la langue de son père biologique. Ce même jour Koya décida de partir avec son garçon et sa demande fut accordée, en guise de reconnaissance pour les bons soins qu’il avait apporté à la fille qui était avec la femme Souata. À leur arrivée à Theaye, Koya appela sa sœur pour venir prendre l’enfant et l’élever. C’est ainsi que Koya Nyankoye grandit avec sa tante à Loula, un village de la sous-préfecture de Koulé, dans la préfecture de Nzérékoré.
Koya Nyankoye n’a pas étudié et n’a appris aucun métier. Pourtant, il rêvait d’être militaire. Mais puisque son père, Koya, était malade et n’avait personne à son chevet, Koya Nyankoye oublia ce rêve pour rester auprès de son papa. Malheureusement, cette maladie emporta Koya.
Koya Nyankoye était un vrai héros dans la lutte traditionnelle en son temps. Il était un jeune travailleur et très courageux. Il était aussi caractérisé par la détermination. S’il décidait de faire quelque chose, il lui fallait partir jusqu’au bout et surtout s’efforcer pour réussir.
Les circonstances de sa conversion et de son mariage
Koya Nyankoye s’est converti en 1960 vers l’âge de 29 ans à Theaye, son village natal, lors d’une évangélisation de masse dirigée par un certain Pierre Lamah de Gbili, qui est devenu pasteur plus tard. À ce moment-là, le pasteur titulaire à Gbili s’appelait Joseph Lamah. Koya Nyankoye fut baptisé par lui en 1961 et prit le nom de Jean. Jean était un jeune dévoué dans sa foi chrétienne. Chaque dimanche, il quittait son village pour aller au culte à Gbili, un des villages voisins de Theaye.
Quelques années avant cette conversion, lorsque son papa Koya était décédé, il avait laissé une jeune femme qu’il avait épousée dans sa vieillesse. Koya Nyankoye hérita cette femme et eut un garçon du nom de Joël avec elle. Mais suite à une deuxième grossesse, la femme mourut lors de l’accouchement. Après sa conversion et son baptême, Jean commença des démarches de fiançailles auprès des parents d’une jeune fille nommée Marie Kolié. Le mariage eut lieu entre les deux en 1961, sous l’approbation des deux familles. Marie trouva Jean déjà chrétien baptisé. Ils eurent au total dix enfants, dont huit sont vivants de nos jours. Voici leurs noms : feu Elisabeth, David, Anne, Jeannette, Paul, feu Joseph, Dorcas, Pauline, Joël, et Mariam.
Un jour, le premier enfant de Jean avec Marie tomba malade. Marie, qui n’avait pas encore reçu le Seigneur dans sa vie, décida d’envoyer l’enfant chez une tradipraticienne, qui déclara : « Votre enfant dit qu’il n’est pas aimé par son papa. Car les amis (c’est-à-dire les esprits) qui l’ont accompagné, doivent maintenant se retourner et il faut un sacrifice, sinon l’enfant mourra ». De retour à la maison, Marie expliqua la situation à Jean et celui-ci lui répondit :« Dieu merci, ils n’iront nulle part. Je ne dirai jamais à ses amis de repartir, plutôt ils vont rester ». Marie, dans sa colère contre son mari, alla dire à ses parents les réponses de Jean. Mais ses parents l’encouragèrent à suivre Jean en tout. Pour ne pas désobéir à ses parents, Marie accepta aussi le Seigneur Jésus, bien qu’elle ne soit pas convaincue. Mais quelques temps plus tard, elle constata que le sacrifice n’avait jamais été fait et que son enfant était pourtant guéri. Elle se dit donc, cette femme me mentait. C’est à partir de ce moment-là qu’elle crut sincèrement au Seigneur Jésus et commença à vivre sa foi chrétienne normalement. Le fait que Jean et Marie appartenaient maintenant tous les deux au Seigneur provoqua un grand trouble dans le village, mais ce fut un sujet de grande joie pour toute la communauté chrétienne qui se trouvait à Gbili.
Sa vocation et son ministère pastoral
Très dévoué pour le Seigneur, le jeune Jean impressionna les autres membres de sa communauté de foi. Il faisait partie du comité local de l’église en tant que chargé aux affaires sociales. Vu son dynamisme dans l’œuvre, le couple pastoral encouragea Jean et Marie à partir pour l’Institut biblique de Télékoro (IBT) où ils passèrent cinq ans à faire des études théologiques. Cette formation se donnait en malinké. À l’institut, Jean fut surnommé parce que beaucoup d’autres étudiants avaient aussi le prénom « Jean ». Il fut désormais appelé Jean Theaye Lamah.
Jean avait reçu de Dieu le don de l’évangélisation. Il était un excellent joueur du tambour (le tama) qui le rendait fructueux dans son champ d’évangélisation. Après sa formation pastorale, le couple fut muté à Wéyakoré dans la préfecture de Yomou. De là, ils implantèrent beaucoup d’églises dans certains villages de la zone, y compris Wéyaa, Lohwanyaa, et Yaranda. Dans la préfecture de Nzérékoré, ils implantèrent encore des églises, y compris à Gbana, Daporoye, et Ouléouon. Dans ces églises, beaucoup d’enfants spirituels de Jean devinrent des pasteurs comme, par exemple, Jérémie Gbamou, Elisée Kpogomou, Jean Sagno et Zachée Guémou. Jean fut l’un des rares pasteurs à servir dans les trois préfectures de la région forestière : Yomou, Lola et Nzérékoré.
Après Wéyakoré, son premier poste, il fut envoyé à Lola comme second pasteur de l’église du centre préfectoral. En ce temps-là, il n’y avait pas beaucoup de pasteurs. Dans cette ville, Jean et sa famille connurent la souffrance à travers le vol de Joël. Il s’agit du fils qu’il avait eu avec sa première femme, celle qu’il avait hérité après la mort de son père. Ce garçon volait non seulement à la maison, mais aussi dans le quartier. Jean était tout le temps à la police pour le remboursement des choses qu’il prenait chez les gens. Dans les églises où Jean avait servi, il n’y avait pas de sages ou de responsables qui avaient conseillé Joël par rapport à ce comportement. Un jour après une de ces opérations encore, Jean fut informé. Il saisit Joël et l’amena au champ où se trouvait Marie, en train de travailler. Dès leur arrivé, Jean le frappa sous l’effet de sa colère et Marie intervint pour l’arrêter. Lorsque Marie les quitta, Jean ligota Joël et après quelques heures Joël mourut. Le même jour le pasteur Jean fut emprisonné à Nzérékoré par le canal des autorités de Lola. Marie fut accusée à Nzérékoré d’avoir poussé mon mari à commettre cet acte.
Le jour du jugement, ceux de Wéyakoré et de Lola témoignèrent que Marie n’était pas impliquée, et que Jean n’avait pas eu l’intention d’agir ainsi, mais que cela avait été un accident. Car ils connaissaient tous l’enfant en question. Ils ont tous confirmés l’endurance et le courage de Marie en tant qu’une bonne femme de ménage, car sinon personne n’aurait pu survivre dans cette maison à cause cet enfant Joël. Ainsi le jugement fut fait et Jean fut libéré ce jour. C’est alors que son collègue Paul Cécé, un menuisier, lui proposa d’apprendre ce métier avec lui pour atténuer sa souffrance financière. Pendant son apprentissage, Marie vendait le foutou de manioc pour la survie de la famille. Jean devint un menuisier qualifié et le demeura jusqu’à la fin de sa vie.
Jean fut vraiment un bon père de famille pour ses enfants. Malgré le manque de moyens financiers suffisants, il aimait ses enfants. Il ne les appelait jamais par leurs vrais noms ; il appelait les garçons : « beau » et les filles « ma copine ». Cette appellation impressionna tous ses enfants même jusqu’à nos jours. Jean avait aussi conduit ses enfants à connaitre le Seigneur Jésus, et ils sont restés fidèles jusqu’à maintenant. Il a aussi été un bon mari pour sa femme. Car au moment de son mariage, son beau-père l’avait prévenu que Marie était orpheline de mère et donc qu’elle n’avait pas droit à la souffrance. Et elle a été bien encadrée par Jean, même plus que prévu par le beau-père.
La mort de Jean
Jean était un homme vraiment résistant qui n’avait jamais souffert d’une maladie grave. Ce n’est que vers la fin de son ministère qu’il fut frappé d’hypertension. Il en avait souffert pendant quelques années dans le ministère avant sa retraite à Souhoulé, son dernier poste. Il rendit l’âme à l’âge de 85 ans suite à une longue maladie. Sa cérémonie d’enterrement fut organisée par l’église préfectorale avec sa famille à Theaye. Sa mort a été une victoire pour l’Église de Dieu à cause de tout son service. Tous les fidèles venus de différents horizons pour son enterrement rendirent des témoignages d’un homme intègre et surtout très compatissant.
Loua Josué
Sources :
Kolié, Marie, épouse de Jean. Interview par l’auteur le 7 novembre 2022 à Kankan centre, République de Guinée-Conakry.
Lamah, Dorcas, fille de Jean et épouse de pasteur, interview par l’auteur le 28 novembre 2022 à Nzérékoré centre, République de Guinée-Conakry.
Lamah, Jeannette, fille de Jean et commerçante, interview par l’auteur le 28 novembre 2022 à Nzérékoré centre, République de Guinée-Conakry.
Lamah, Paul, fils de Jean et directeur général des écoles Emmaüs de la Haute-Guinée. Interview par l’auteur le 7 novembre 2022 à Kankan centre, République de Guinée-Conakry.
Lamah, Pauline, fille de Jean et infermière d’état, interview par l’auteur le 28 novembre 2022 à Nzérékoré centre, République de Guinée-Conakry.
Cet article, reçu en 2022, est le produit des recherches de Loua Josué, étudiant à l’Institut missiologique de l’Afrique francophone à Ouagadougou au Burkina Faso, sous la direction de la Dre Anicka Fast.
Galerie Photo:
Lamah Jean en décembre 2016