Collection DIBICA Classique

Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.

Clerget, Clara

Noms alternatifs: anne-marie de la visitation
1877-1967
Église Catholique
Madagascar

Clara Clerget naquit le 6 mars 1877 à Fleury-sur-Ouche dans la Côte d’Or. Son père, employé des chemins de fer, mourut dans un accident de travail et sa mère menait une vie simple et laborieuse dans son village.

Ayant entendu très jeune un sermon sur les missions, Clara sentit naître en elle une vocation impérieuse de missionnaire, mais se heurta durant plusieurs années à une opposition farouche de sa mère. Celle-ci finit par céder et Clara entra chez les Religieuses de Saint Joseph de Cluny sous le nom d’Anne-Marie de la Visitation. Elle fit profession à la maison-mère, le 23 septembre 1901; elle avait alors 24 ans.

Elle fut envoyée à Madagascar et débarqua à Tamatave le 8 novembre 1901. C’est dans cette ville qu’elle passera les dix premières années de sa vie missionnaire, sept ans à l’hôpital et trois ans à l’ouvroir.

Lors du passage de la Mère Principale de Tananarive effectuant sa visite annuelle à la Communauté, elle apprit qu’un Père se proposait d’ouvrir une léproserie dans le Sud et demandait des Sœurs pour l’aider. Ce fut pour Sœur Anne-Marie un nouvel appel irrésistible mais il fallait l’accord de la Supérieure Générale pour se mettre au service des lépreux. Elle l’obtint sans peine car la Supérieure Générale avait fait son noviciat en même temps qu’elle et était bourguignonne comme elle.

C’est ainsi que Sœur Anne-Marie s’offrit comme volontaire pour la fondation de la léproserie de Marana, près de Fianarantsoa. Elle y arriva en 1911 et se mit aussitôt à l’œuvre sous la direction de son fondateur, le Père Beyzim, Jésuite polonais. Désormais les noms de Marana et de Sœur Anne-Marie allaient être étroitement associés.

Très attachée à cette Maison qu’elle ne quitta qu’en deux occasions, en 1936 et en 1946 pour se rendre à Tananarive pour raison de santé, elle en fut la Supérieure durant deux périodes: de 1911 à 1940 et de 1946 à 1956. Elle y resta jusqu’à sa mort, le 17 janvier 1967.

Durant cinquante-six ans, elle se consacra au soin des lépreux. Lors de la création de la léproserie, son fondateur, le Père Beyzim, avait exigé que les hommes et les femmes vivent dans des pavillons séparés. L’état des malades, que les traitements de l’époque parvenaient difficilement à améliorer, justifiait cette séparation. Par la suite, les progrès obtenus grâce au traitement par les sulfones permirent une transformation complète de la léproserie; les malades traités pouvaient mener une vie familiale et sociale normale.

A partir de 1963, Marana subit tout un plan de modernisation et de réorganisation approuvé par Sœur Anne-Marie. Un village de lépreux fut construit remplaçant l’hospitalisation par la vie de famille; les malades mariés retrouvèrent un foyer et les célibataires un logement respectant leur indépendance. En 1967, il y avait un effectif de 170 malades: 73 hommes, 40 femmes et 57 enfants.

Tout en menant cette vie d’humble dévouement auprès des lépreux qu’elle appelait “ses chéris,” Sœur Anne-Marie exerçait autour d’elle un rayonnement extraordinaire; jeunes gens et jeunes filles, guides et séminaristes venaient la voir volontiers. Deux prêtres jésuites malgaches notamment témoignèrent de cette attirance spirituelle qu’elle exerçait.

Des récompenses officielles couronnèrent l’œuvre de l’humble religieuse. Elle reçut, le 11 mai 1962, la décoration du Mérite Malgache des mains de M. Calvin Tsiebo, Vice-président de la République malgache qui vint à Marana; c’était le jour même de l’intronisation de Mgr Gilbert Ramanantoanina comme archevêque de Fianarantsoa. Cinq évêques de la Grande Ile ainsi que les autorités civiles et militaires de la Provinces assistèrent à cette remise de décoration. Sœur Anne-Marie fut également décorée de la Légion d’Honneur, recevant avec simplicité cette distinction honorifique car, disait-elle: “C’est pour mes chers lépreux et pour l’honneur de Dieu.”

Ses funérailles furent marquées par des manifestations grandioses contrastant avec la vie d’humble dévouement de cette religieuse. En l’absence de Mgr Gilbert Ramanantoanina parti à Rome, ce fut Mgr Thoyer, venu spécialement d’Ambositra, qui célébra la messe de requiem dans l’église Saint Charles, la plus vaste de Fianarantsoa. Les plus hautes autorités civiles, militaires, religieuses étaient présentes: Préfet, sous-Préfet, Député-maire, Consul de France, Commandant inter-armes de la Place, Président du Comité d’Aide aux Lépreux. Les autres confessions religieuses: Anglicans, Protestants, Ismaéliens, étaient représentées. L’épouse du Chef des Ismaéliens de Madagascar avait offert un sari de soie blanche, brodé d’argent, pour recouvrir le cercueil. Une section de la gendarmerie rendit les honneurs sur le parvis de l’église avant que la dépouille de Sœur Anne-Marie n’aille reposer, selon son désir, au cimetière des Lépreux. Le Président du Comité d’Aide aux Lépreux, le Docteur Rabenoro, écrivit à Monsieur Raoul Follereau les lignes suivantes: “La Léproserie de Marana est en grand deuil: Sœur Anne-Marie de la Visitation a été rappelée à Dieu, après avoir consacré 56 ans de son existence à la cause de Lépreux. Ce magnifique apostolat lui avait valu l’honneur d’une page émouvante de votre remarquable ouvrage: Tour du monde chez les Lépreux : “Plus tard, lors de votre passage dans la Grande Ile, à l’occasion de la 13ème Journée Mondiale des Lépreux, vous avez pu retrouver votre vieille amie, toujours vaillante et toujours penchée sur ses enfants les plus déshérités, mais aussi les plus aimés. Ses obsèques ont eu lieu à l’endroit même où elle avait manifesté, chaque jour, pendant plus d’un demi-siècle, tout son amour et toute sa joie de servir”.

Monsieur Raoul Follereau lui répondit: “C’est avec une profonde émotion et une grande tristesse que nous avons appris le décès de Mère Anne-Marie. Elle fut vraiment une des plus héroïques pionnières de la “Bataille de la Lèpre.” Pour tous elle était un merveilleux exemple; elle demeurera à jamais dans notre cœur comme le symbole même de la charité vivante, fraternelle, universelle.”

Raymond Delval


Bibliographie

Bulletin de la Congrégation des Sœurs de Saint Joseph de Cluny: no. 271, avril 1967, p. 1155-1161 ; no. 279, décembre 1969, p. 2108-2124.


Cet article, réimprîmé ici avec permission, est tiré d’Hommes et Destins: Dictionnaire biographique d’Outre-Mer, tome 3, publié en 1977 par l’Académie des Sciences d’Outre-Mer (15, rue la Pérouse, 75116 Paris, France). Tous droits réservés.