Collection DIBICA Classique
Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.Guillaume, Marie
La vie et l’œuvre de Mère Marie de l’Eucharistie, fondatrice du Carmel de Tananarive, montrent que ce n’est pas une tâche facile de créer et de faire vivre un monastère de Contemplatives.
Née le 24 avril 1881 à Messancy en Belgique, dernière d’une famille de six enfants, Marie Guillaume n’avait que deux ans lorsque mourut son père qui exerçait la profession d’architecte. Avec deux de ses sœurs, elle fut placée au pensionnat de Notre-Dame de Belgique, auprès d’une tante qui s’y trouvait comme religieuse. A l’âge de treize ans, elle dût quitter le pensionnat en raison de santé délicate et suivit des leçons particulières.
Jeune encore elle avait décidé de s’orienter vers la vie religieuse et, tout en se dévouant auprès des malades et des pauvres, elle recherchait sa voie jusqu’au jour où elle sentit un appel précis pour le Carmel. Son caractère énergique lui permit de mener à bien sa vocation.
Elle entra à l’âge de 31 ans au Carmel d’Ath, le 14 août 1912. L’année suivante, elle rejoignait le Carmel de Rochefort où eut lieu sa prise d’habit, le 15 octobre 1913, sous le nom de Marie de l’Eucharistie. Comme le Carmel de Boussu en Belgique demandait des religieuses pour renforcer sa communauté, elle s’y rendit et y fit sa profession, le 6 août 1916. C’est là qu’elle fit la connaissance de Mère Marie de Jésus Crucifié qui avait formé le projet de fonder un Carmel à Madagascar et elle se mit à préparer activement avec elle cette fondation.
Le départ pour Madagascar eut lieu le 19 Mars 1921 et, malgré son désir de ne pas avoir de charge à remplir, Mère Marie de l’Eucharistie fut nommée sous-prieure dès le départ de Marseille. Lors de l’installation de la Communauté à Betafo, elle cumulait cette fonction avec celle de Maîtresse des Novices, d’infirmière et surtout de responsable des travaux du nouveau monastère. Ces derniers furent achevés en 1924.
Des divergences de vues l’opposèrent à Mgr Dantin, évêque d’Antsirabe et de Betafo. Elles furent suffisamment graves pour que Marie de l’Eucharistie se vit dans l’obligation de quitter Madagascar et se rendit à Rome afin d’exposer à la Sacrée Congrégation des Religieux les problèmes du Carmel à Madagascar.
Lors de son passage à Tananarive, elle rencontra Mgr de Saune qui souhaitait le transfert du Carmel dans son diocèse si la Congrégation donnait son accord. On peut dire qu’à partir de ce moment, la création d’un Carmel à Tananarive était décidée mais il fallut plusieurs étapes et de longs délais pour que le projet put se réaliser complètement.
La première étape était l’obtention de l’autorisation de Rome pour effectuer le transfert du Carmel de Betafo. Mère Marie de l’Eucharistie ne se doutait pas de la longueur qu’allait prendre une telle procédure. Partie de Betafo le 8 avril 1925, elle arriva à Rome le 16 juillet. Elle y séjournait depuis huit mois lorsqu’un télégramme annonça la maladie de Mère Marie de Jésus, prieure de Betafo et réclamait son retour à Madagascar. Elle reprit le chemin de la Grande Ile, apprit à Marseille le décès de la Prieure mais attendit à Tananarive jusqu’au mois de Septembre 1927 l’accord définitif de la Congrégation.
La seconde étape fut, dès la réception du Décret de Rome, la recherche à Tananarive d’un emplacement approprié. Ces recherches furent longues, laborieuses et décevantes jusqu’au jour où une intervention audacieuse de Mère Marie de l’Eucharistie décida le propriétaire d’un terrain situé à Ampasanimalo, à proximité de la prison Civile, à céder sa propriété à la Communauté. Elle fut acquise pour la somme de 100 000 francs. Deux généreux bienfaiteurs fournirent la somme.
La troisième étape fut celle de l’installation provisoire. Dès le 23 septembre 1927, les premières Carmélites de Betafo arrivèrent et Mère Marie de l’Eucharistie fut nommée Vicaire de la Communauté. On aménagea provisoirement en cloître la maison qui se trouvait sur le terrain augmentée d’une annexe et de nouvelles cellules. Cette installation fut achevée le 16 juillet 1928. L’année suivante, Mère Marie de l’Eucharistie était nommé Prieure. Les vocations se manifestèrent et, en peu d’années, il y eut nouvelles recrues tant européennes que malgaches. Des difficultés d’ordre matériel se posèrent, la Communauté était bien pauvre et, à la différence des ordres actifs, ne pouvait trouver des ressources dans des activités d’enseignement ou d’ordre médical. Il fallut s’ingénier pour trouver des moyens de subsistances réguliers: culture, élevage, coutures, peintures etc. y contribuèrent.
Il fallait en même temps prévoir l’avenir, entreprendre une tâche de longue haleine, la construction d’un Carmel définitif dont les travaux ne pouvaient progresser que dans la mesure où des ressources nouvelles étaient acquises. C’était la quatrième étape. La première pierre de l’édifice fut posée le 24 septembre 1937; l’intervention de la guerre de 1940 interrompit les travaux. Comme bien des créateurs de fondation, Mère Marie de l’Eucharistie savait qu’elle ne verrait pas le couronnement de son œuvre et que la dernière étape de sa création s’achèverait après son départ. Usée par les multiples préoccupations de responsable de Communauté, elle vit s’aggraver la maladie de cœur dont elle souffrait depuis plusieurs années. Elle mourut le 24 novembre 1950, à l’âge de 69 ans.
L’année suivante, la construction du monastère était reprise, la première pierre de la Chapelle était posée et une nouvelle prieure arrivait d’Europe. En moins de cinq ans, les bâtiments et la Chapelle étaient achevés, la clôture établie et les vœux solennels prononcés. Les vocations affluaient et la création d’une fondation nouvelle se préparait. Tous les projets de Mère Marie de l’Eucharistie se trouvaient réalisés entièrement.
Raymond Delval
Bibliographie
A la vénérée mémoire de notre très aimée Mère Marie de l’Eucharistie, Fondatrice et Prieure du Carmel de Tananarive. Manuscrit du Carmel du Tananarive.
Cet article, réimprîmé ici avec permission, est tiré d’Hommes et Destins: Dictionnaire biographique d’Outre-Mer, tome 3, publié en 1977 par l’Académie des Sciences d’Outre-Mer (15, rue la Pérouse, 75116 Paris, France). Tous droits réservés.