Collection DIBICA Classique

Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.

Jay, Christine

Noms alternatifs: sœur sainte-zénaïde
1842-1919
Église Catholique
Madagascar

Christine Jay naquit le 10 février 1842 à Saint-Martin-de-Belleville (Savoie). Ses parents étaient cultivateurs et elle passa son enfance et sa jeunesse en s’occupant de travaux agricoles. Se sentant appelée à une vie religieuse, elle quitta sa famille malgré l’opposition de son père mais avec les énergiques encouragements du curé de sa paroisse. C’est ainsi qu’en 1868, âgée alors de 26 ans, elle se rendit à Paris, à la maison-mère de Saint Joseph de Cluny.

Le 28 août 1870, elle faisait profession sous le nom de Sœur Sainte-Zenaïde et partit pour Madagascar. En arrivant à Tananarive, dans le quartier d’Andohalo où nobles et roturiers vivaient côte-à-côte, elle se consacra pendant huit ans à l’éducation des jeunes de la caste servile.

En 1879, elle fut nommée Supérieure de la Communauté Saint Joseph à Mahamasina en même temps qu’elle assumait la charge de Maîtresse des novices car les premières vocations religieuses se manifestaient parmi les jeunes filles malgaches de bonne famille.

En mai 1883, lors de la première guerre franco-malgache la Reine Ranavalona II signait un ordre d’exil frappant tous les Français de Tananarive. Quelques jours plus tard, Mère Sainte-Zénaïde et dix religieuses quittaient à pied la Capitale, chacune emportant quelques effets pour rejoindre Tamatave, au grand regret des jeunes novices et postulantes malgaches.

Mère Sainte-Zénaïde et les religieuses se rendirent à La Réunion pour attendre la fin du conflit, mais son état de santé nécessita son retour en France où elle séjourna un an. Elle y rencontra Mgr Cazet, premier Vicaire apostolique de Madagascar, lors de la consécration épiscopale de ce dernier. Trente quatre ans de collaboration étroite allaient s’établir entre ces deux grandes figures missionnaires. Mgr Cazet prenait volontiers conseil de celle dont il connaissait la largeur d’esprit et le bon sens pratique et Mère Sainte-Zénaïde, de son côté, n’entreprenait rien sans consulter celui qu’elle considérait comme étant tout à la fois un Père, un ami fidèle et un ferme soutien dans les épreuves.

En 1885, Mère Sainte-Zénaïde quittait la France et retournait à La Réunion. L’année suivante, elle rejoignait son poste de Supérieure à Tananarive et reprenait son enseignement auprès des novices. Trois ans plus tard, elle était appelée à remplacer provisoirement la Supérieure principale des Sœurs de Saint Joseph de Cluny à Madagascar et fut confirmée dans cette fonction l’année suivante. Elle allait remplir cette charge jusqu’à sa mort, c’est-à-dire pendant 30 ans.

La seconde guerre franco-malgache de 1894 valut un nouvel exil pour les Français de Tananarive. Les religieuses furent de nouveau évacuées sur Tamatave. Mère Sainte-Zénaïde et quelques-unes de ses Sœurs s’offrirent pour aller à Majunga afin de soigner les soldats du corps expéditionnaire français décimés par la maladie. Sa demande envoyée au Ministère des Colonies par M. Le Myre de Villers fut acceptée, mais, à leur arrivée à Majunga, les religieuses ne furent d’abord pas reçues par le médecin-chef de l’hôpital. Elles furent accueillies, en attendant, par le Commandant Bienaime à bord d’un vaisseau-hôpital où elles se dévouèrent auprès des malades. Admises ensuite au service de l’hôpital, elles s’installèrent à proximité dans une petite case démunie de tout, mais purent prodiguer leurs soins et leur dévouement auprès des malades. Devant la mortalité effroyable du Corps expéditionnaire marchant sur Tananarive, une nouvelle ambulance fut créée sur le bord de la Betsiboka, à Ankaboka. Mère Sainte-Zénaïde et deux de ses Sœurs obtinrent d’être affectées à ce poste; le dévouement dont elles firent preuve fit l’admiration de tous: médecins, officiers, soldats.

Une fois la paix revenue, les Religieuses rejoignirent la Capitale. Mère Sainte-Zénaïde reprit sa place à Tananarive, le 6 janvier 1896, pour continuer l’œuvre entreprise.

Elle était en excellents termes avec le Général Galliéni et obtint de lui que tous les hôpitaux militaires de Madagascar et des Îles qui en dépendent fussent confiés à la Congrégation de Saint Joseph de Cluny: Tananarive, Tamatave, Majunga, Nossi-Bé, Mayotte et Diégo-Suarez. Les Sœurs s’y dévouèrent jusqu’en 1905, époque où la loi française sur la séparation de l’Église et de l’État provoqua le retrait des Religieuses.

Comme Supérieure principale de la Congrégation à Madagascar, Mère Sainte-Zénaïde déploya une grande activité; elle créa la fondation d’Androhibe, dans la banlieue de la Capitale, procéda à l’ouverture de trois nouvelles écoles à Tananarive et installa des fondations en province en créant les missions de Majunga, Mananjary et Ambositra; le couronnement de ces initiatives fut la création de la léproserie de Marana où 80 malades, hommes et femmes, furent soignés par trois Religieuses. En 1910, elle introduisit une innovation en adjoignant à la maison d’Ambohipo un postulat indigène pour accueillir les nouvelles vocations selon un règlement spécial répondant à leurs aptitudes et à leur rôle, celui des “Sœurs indigènes affiliées”. La première prise d’habit eut lieu en 1912.

Mère Sainte-Zénaïde, familièrement connue sous le nom de “la bonne Mère Zénaïde” mourut à Andohalo le 20 mai 1919. Une assistance réduite prit part à ses obsèques en raison de l’épidémie grippale qui sévissait à cette époque et interdisait tout rassemblement important, mais le 24 juillet 1919, un service solennel à sa mémoire était célébré à la Cathédrale en présence d’une foule nombreuse et des représentants officiels.

L’œuvre de Mère Sainte-Zénaïde se situe tout à fait dans la ligne de la Fondatrice de l’Ordre, Mère Javouhey. Si, par les écoles qu’elle a fondées, de nombreuses jeunes filles malgaches lui sont redevables de l’enseignement et de l’éducation qu’elles ont reçus, les plus déshérités, les malades et les esclaves lui exprimèrent également leur reconnaissance. Elle eut surtout le mérite de former les premières vocations dans une chrétienté nouvelle et d’avoir ainsi implanté la Congrégation de Saint-Joseph de Cluny à Madagascar.

Différentes distinctions honorifiques ont récompensé son travail :

1896: Médaille d’honneur en reconnaissance des services rendus aux soldats de l’expédition,

1897: Médaille d’or de Madagascar décernée par le Général Galliéni,

1900 : Diplôme d’Officier d’Académie pour l’impulsion et le développement donnés aux écoles,

1915 : Prix Lange décerné par l’Académie française en récompense de son dévouement inlassable sur le sol malgache.

Le rapport présenté en cette circonstance résume ce que représente pour les autorités officielles cette carrière missionnaire: “Christine Jay, en religion Mère Zénaïde, est connue de toute la Colonie de Madagascar. Elle a pour répondants les Généraux Duchesne, Galliéni, Metzinger, de Torcy, Voiron, Lyautey, Bailloud, l’Amiral Bienaime… tout un conseil de guerre. Et quel Conseil ! … Les ambulances, les hôpitaux, les écoles, toutes les formes de la charité dans la grande île africaine relèvent d’elle. Si nos Colonies s’attachent si rapidement à la France, c’est qu’aussitôt la conquête achevée, nous leur montrons ces femmes sublimes: car voilà notre culture!”

Raymond Delval


Bibliographie

Bulletin de la Congrégation de Saint Joseph de Cluny, Tome XII, No. CXXXVI-CL, 1919-1923, pp. 274-284.


Cet article, réimprîmé ici avec permission, est tiré d’Hommes et Destins: Dictionnaire biographique d’Outre-Mer, tome 3, publié en 1977 par l’Académie des Sciences d’Outre-Mer (15, rue la Pérouse, 75116 Paris, France). Tous droits réservés.