Collection DIBICA Classique

Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.

Jones, David

1797-1841
Protestant
Madagascar

Dans l’histoire de Madagascar, David Jones est un nom qui représente le début d’un mouvement important, car l’existence des Églises protestantes malgaches date de l’arrivée de cet homme et de son compagnon Bevan à Tamatave le 18 août 1818. Un cent cinquantième anniversaire fut marqué en 1968 par de vastes réunions. Dans l’Île, encore maintenant, on parle de lui en disant “le grand Jones, Jaonjilava” surnom qui lui avait été donné pour ne pas le confondre avec un de ses collègues, “le petit Johns, Jaonjifohy”, dont le nom, bien qu’autrement orthographié était de même consonance. Ce “Jaonjilava” mérite de passer à la postérité à cause de son œuvre linguistique, en particulier la fixation de l’orthographe malgache, et pour la traduction de la Bible en cette langue, entreprise avec David Griffiths.

Jones était né en juillet 1796 à Neuaddlwyd, dans la province de Galles (Angleterre). Après ses études, il avait été recruté par la London Missionary Society (LMS) (Société missionnaire de Londres) et formé à l’école spécialisée de Gosport, où ses dons naturels pour la linguistique furent affinés. Il devait partir en Afrique du Sud, alors que son ami Bevan était prévu pour Madagascar, mais par suite de la défection d’un autre candidat, Jones partit avec Bevan.

C’est à partir de l’île Maurice que les deux missionnaires visitèrent Tamatave en août et septembre 1818 et même ouvrirent une petite école le 8 septembre avec huit élèves. Très encouragés par ce début, ils retournèrent chercher leurs familles à Maurice; Jones était de retour à Tamatave en novembre. Avant la fin de la même année, il avait perdu, par la malaria, sa femme et son enfant. Les Bevan étaient tous emportés à leur tour au début de février. Jones lui-même, très malade, repartit pour Maurice. Ces circonstances, brossées à grands traits, furent déterminantes pour l’avenir du protestantisme dans l’île.

À Maurice, Jones se consacra à l’action scolaire et religieuse parmi les Malgaches qui s’y trouvaient. En même temps, il étudiait les textes qui constituent depuis ce qu’on appelle la “Collection Farquhar” pour apprendre la langue. Une nouvelle occasion se présenta quand James Hastie fut envoyé comme représentant britannique auprès de Radama 1er.

À peine arrivé à Tananarive, Jones, comme il l’avait fait sur la côte est, ouvrit une école, le 8 décembre 1820, avec trois élèves. Il y fut rejoint par un autre Gallois, David Griffiths, ensuite par d’autres missionnaires, pasteurs et artisans, tels que Chick et Cameron. En 1820, à Tananarive, on aurait pu compter sur les doigts de la main les personnes sachant lire et écrire. Elles utilisaient les sorabé (malgache écrit en caractères arabes) qu’enseignaient des lettres temoro venus de la côte sud-est. Aussi fût-ce une décision d’une très grande importance que celle prise par le roi Radama 1er qui choisit les caractères latins plutôt que les caractères arabes pour écrire sa langue.

L’instruction fut donc diffusée dans la capitale et ses environs autant que les ressources le permettaient. En 1828, on comptait déjà 37 écoles, 44 maîtres et 2 309 élèves. Une “société scolaire malgache” fut créée pour poursuivre cette action et le roi Radama y porta grand intérêt, inspectant lui-même de temps à autre les principales écoles.

L’option pour l’écriture étant prise, Jones et ses collègues se réunissaient avec Hastie et le roi pour discuter de l’alphabet que l’on emploierait. D’autre part, Radama recevait les avis d’un sergent français, Robin, arrivé en 1819 et qui était devenu son secrétaire particulier et son aide de camp. C’est lui qui avait appris au roi à lire, écrire et compter et, le premier, avait écrit le dialecte mérina en caractères latins. Finalement, en 1823, des décisions de grand bon sens furent prises par Radama: on élimina de l’alphabet les lettres faisant double emploi (c, q, x, u, w), on suivrait l’usage anglais pour les consonnes (g dur) et l’usage français pour les voyelles, le son ou serait rendu par o et l’i final recevrait un paraphe: y.

Jones et Griffiths travaillaient dur, en dehors de leurs autres tâches, à traduire la Bible en malgache, en se servant d’ailleurs des textes originaux et pas seulement de l’anglais. Même si d’autres leur apportèrent leur aide par la suite, l’ensemble des Saintes Écritures, tel qu’il sortit en 1835 des presses de la LMS est essentiellement leur œuvre. Si l’on se remémore la minceur du matériel linguistique qui est à l’origine de leur travail, on ne peut qu’en admirer le résultat. Cette version de la Bible, premier ouvrage important imprimé en malgache, fut utilisée pendant de nombreuses décennies, jusqu’à la révision complète sous la direction de Cousins un demi-siècle plus tard.

L’équipe missionnaire à laquelle appartenait Jones considérait qu’elle devait se consacrer d’abord, compte-tenu des circonstances, à apprendre la langue à fond et à enseigner, sans négliger pour autant l’œuvre plus proprement spirituelle. Des services religieux étaient célébrés régulièrement le dimanche et semblent avoir été suivis. Jones écrivait: “notre chapelle en ville est pleine et portes et fenêtres sont garnies de gens” qui n’ont pu entrer. Des déplacements aussi avaient permis de visiter les environs et de rencontrer la population assez loin de la capitale; en 1823, par exemple, Jones et d’autres missionnaires avaient été dans l’ouest et, en 1827, ce même Jones avait accompagné le prince Corroler au Betsiléo.

Ces résultats étaient dus à l’appui sans réserve de Radama et aux excellentes relations qu’il avait avec eux. Mais ce roi ne pouvait aller plus vite que son peuple et ses chefs naturels. C’est ce qu’il voulait faire comprendre à Jones et à ses collègues en leur disant qu’ils ne devaient se hâter que lentement.

La mort prématurée de Radama rendit la situation des missionnaires assez difficile car la politique officielle, sur le plan social et religieux changea profondément.

Jones, en assez mauvaise santé, quitta Madagascar pour l’île Maurice en juillet 1830. Il fit un voyage par mer à Fort-Dauphin, puis retourna en Angleterre, où il passa une grande partie de son temps en tournées pour faire connaître l’action de sa société. Sa santé rétablie, il retourna à Maurice, d’où, en octobre 1838, il alla à Tamatave, mais, comme vingt ans auparavant, il fut terrassé par la fièvre et obligé de repartir dès novembre. Une visite plus importante fut celle qu’il fit à Tananarive en 1840, en compagnie du Capitaine Campbell, attaché commercial de Maurice. Mais le christianisme avait été interdit en 1835 et plusieurs chrétiens mis à mort. Seize chrétiens qui avaient fui vers la côte en 1840 et tentaient de s’embarquer avaient été capturés et ramenés à la capitale. Ils furent condamnés à être sagayés. Jones et Griffiths, le 9 juillet se trouvaient sur leur chemin quand neuf d’entre eux furent conduits au supplice à Ambohipotsy. C’est sur cette vision et ce souvenir que Jones quitta la capitale.

De retour à Maurice, Jones, à nouveau très fortement impaludé, mourut le 1er mai 1841.

J.T. Hardyman, L. Molet


Bibliographie

W. Ellis, History of Madagascar, [Histoire de Madagascar] vol. II, London, 1838.

E.H. Hayes, David Jones. London, 1823.

L. Munthe, La Bible a Madagascar. Oslo, 1969.

O. Ch. Dahl, Les Débuts de l’Orthographe Malgache. Oslo, 1956.


Cet article, réimprîmé ici avec permission, est tiré d’Hommes et Destins: Dictionnaire biographique d’Outre-Mer, tome 3, publié en 1977 par l’Académie des Sciences d’Outre-Mer (15, rue la Pérouse, 75116 Paris, France). Tous droits réservés.