Collection DIBICA Classique

Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.

Rafaravavy, Marie (B)

1808-1848
Protestant
Madagascar , Maurice

À Madagascar, et surtout en Imérina, le sang et le témoignage des martyrs chrétiens ont été la semence d’une Église qui affermit ses racines lors des persécutions. Tous ne furent pas mis à mort, plusieurs durent s’exiler. Parmi ces derniers se détache pour son courage et sa constance Marie Rafaravavy.

Fille d’Andrianjaza, noble de la région de Tananarive, Rafaravavy était née en 1808 et avait été, selon les usages locaux d’alors, mariée vers quatorze ans et demi. Elle a vingt ans quand meurt le roi Radama 1er et quand Ranavalona 1re commence son règne par une série d’assassinats, manifestant sa désapprobation aux missionnaires protestants à cause de leur message ressenti comme subversif car il ébranlait dans ses fondements l’ordre social d’alors.

Intéressée par la doctrine nouvelle, puis bientôt convaincue, convertie, Rafaravavy fut baptisée en 1831 par le pasteur Griffiths et choisit Marie comme nom de baptême.

Peu après, tous les missionnaires doivent quitter le pays, la persécution s’installe avec son cortège de délations intéressées. Ceux qui sont signalés comme chrétiens doivent abjurer ou se désolidariser publiquement par d’abominables imprécations. Les opiniâtres, jugés comme rebelles, sont déchus de leur caste s’ils sont nobles, réduits à l’état d’esclaves s’ils sont libres, et souvent mis à mort.

Très vite, Rafaravavy fut dénoncée par ses servantes et, contrairement aux usages juridiques d’alors, leur dénonciation fut reçue par le magistrat. Interrogée, elle reconnut qu’elle était chrétienne mais refusa de dénoncer qui que ce fut. Comme elle était d’extraction noble, elle fut relâchée.

En 1837, le missionnaire D. Johns fait savoir, de l’île Maurice, où il se trouve, qu’il passera quelques temps à Tamatave en saison sèche prochaine. Les chrétiens, informés, envoient quatre des leurs pour le rencontrer et ils reçoivent de lui lettres et brochures qui sont réparties au mieux entre les fidèles de la capitale.

Peu après l’arrivée de ce réconfort, Rafaravavy est à nouveau dénoncée. Relapse, sa punition fut d’avoir ses biens confisqués. L’exécution ne prit pas plus de quelques minutes car la populace informée vint se saisir de tout ce qui pouvait lui tomber sous la main “jusqu’à son aiguille et son couteau.” De plus, elle devait être sagayée le lendemain. Mais un incendie s’étant déclaré tout près du Palais, l’exécution ne put avoir lieu et fut en quelque sorte oubliée. Au bout de cinq mois, la peine fut commuée en esclavage à perpétuité. Païenne pieuse, la reine craignait de se heurter à la puissance surnaturelle qui semblait avoir protégé la jeune femme.

Rafaravavy fut alors placée comme esclave chez un noble, Andrianandraina, qui la laissa agir à sa guise. Elle en profita pour organiser des réunions de prières clandestines où l’on lisait les Saintes Écritures et la traduction malgache du “Voyage du Pèlerin” de John Bunyan. A nouveau dénoncée, elle décida alors de fuir vers la côte orientale avec cinq ou six compagnons, également compromis, pour tenter de s’embarquer vers l’île Maurice. Leur voyage se fit surtout la nuit, par des sentiers détrempés et surveillés, parcourus par des émissaires du Palais dont certains connaissaient bien les fugitifs. Ils arrivèrent enfin à Tamatave, et, grâce à un officier chrétien, Ramiandrahasina, qui les rejoignit d’ailleurs un mois après, ils purent partir pour Maurice le 14 octobre 1838.

La communauté de Port-Louis décida de les envoyer en Angleterre. Lors d’une escale en Afrique du Sud, ils prirent contact avec l’église hottentote et purent communiquer avec les chrétiens du lieu en se montrant des versets dans leurs bibles respectives. En mai 1839, les réfugiés débarquèrent chez D. Johns à Walthamshow.

En 1842, ils repartirent à Maurice, espérant des temps meilleurs et la possibilité de retourner dans leur pays. En attendant, Rafaravavy s’occupa des très nombreux Malgaches (ils pouvaient être environ 10 000) qui se trouvaient dans l’île.

Mais elle mourut, probablement de tuberculose pulmonaire, le 23 avril 1848, sans avoir revu sa terre natale.

Louis Molet


Cet article, réimprîmé ici avec permission, est tiré d’Hommes et Destins: Dictionnaire biographique d’Outre-Mer, tome 3, publié en 1977 par l’Académie des Sciences d’Outre-Mer (15, rue la Pérouse, 75116 Paris, France). Tous droits réservés.


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