Collection DIBICA Classique

Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.

Razarinia, Ramatoa

1867-1946
Protestant
Madagascar

L’une des premières femmes malgaches missionnaires envoyée sur la côte sud-est de Madagascar.

En 1861, l’accession de Radama II au trône de Madagascar marqua un grand tournant dans l’histoire de la Grande Ile. La liberté du culte et l’ouverture-ou la réouverture-des écoles étaient les innovations les plus populaires de son règne. Après la mort prématurée de son mari en 1863, la reine Rasoherina donna de plus en plus d’ampleur à ces innovations.

Razarinia naquit en 1867 à Anosipatrana, un faubourg proche de la capitale d’Antananarivo. Sa mère était la fondatrice de l’école d’église à Anosipatrana et son oncle le premier pasteur après la persécution des chrétiens. Depuis toute petite, Razarinia tenait à accompagner sa mère tous les jours à l’école et déjà elle s’habituait au rythme de la vie scolaire. A l’âge de sept ans, elle commença à fréquenter une école de la capitale, la “High Girl’s School” à Faravohitra, dirigée par la Mission FFMA (les Friends). Au terme de ses études, on lui proposa un poste d’enseignante dans cette même école,-travail qu’elle assura pendant sept ans.

Le souffle missionnaire gagna peu à peu la jeunesse tananarivienne de cette époque. Leur désir était de partager leur savoir avec d’autres enfants encore dans l’ignorance. Razarinia se trouva dans la même situation. De nombreuses fois, lorsqu’elle se rendait à son village natal, elle assistait à des scènes qui l’attristaient profondément: des bagarres entre jeunes gardiens d’animaux. Elle souhaitait que de tels enfants puissent fréquenter l’école où elle serait enseignante elle-même. Ces événements étaient, pour elle, comme des “appels silencieux” confirmant sa vocation missionnaire. Mais sa vocation missionnaire se concrétisa finalement avec la venue à Antananarivo d’une dame de la Croix Bleue Internationale qui militait pour la lutte antialcoolique dans les pays des missions.

Au terme de deux années de préparation sur le plan physique, technique et spirituel, Razarinia et son amie Razafinimanana, accueillies par les missionnaires de la London Missionary Society (LMS), le pasteur G. Shaw et sa femme, entreprirent le voyage pour rejoindre Farafangana, au bord de l’océan, sur la côte sud-est de Madagascar. Cétait un pays qu’elles avaient grand envie de connaître.

En février 1890, eut lieu, dans le temple d’Amparibe, la cérémonie de la consécration et de l’envoi de nos demoiselles évangélistes, un événement qui fit date dans l’histoire des églises malgaches. Une autre cérémonie d’adieux fut organisée par la reine Ranavalona III dans la chapelle royale à Anatirova.

Farafangana: les vents de l’océan (1890-1898)

Depuis 1887, la LMS s’était implantée dans la ville de Farafangana. La station missionnaire d’Ambahy était presque un village : la maison des missionnaires et celles des enseignants, les écoles, l’internat des garçons (l’internat des filles était en construction), le dispensaire, le temple et les habitations du personnel de service. Comme partout ailleurs, l’œuvre missionnaire s’était orientée selon trois directions: scolarisation, œuvre médicale, évangélisation. Ici, leurs activités étaient très diversifiées, selon un rythme très soutenu: en semaine, enseignement à l’école le matin et l’après-midi, consultations des malades; le samedi, visites pastorales à domicile chez les habitants de la ville et le dimanche, participation aux prédications au temple ou bien campagne d’évangélisation dans les villages dans la forêt.

Au cours de ce séjour, Razarinia épousa Rajonah, governora de Farafangana et veuf depuis quelques années. Ils eurent un fils, Gabriel. Mais leur bonheur ne devait durer que quelques années car Rajonah ne survécut longtemps aux bouleversements engendrés par la guerre franco-malgache.

S’ensuivit une période très difficile, non seulement pour Razarinia et son fils mais également pour l’entreprise missionnaire de la LMS sur la côte sud-est de Madagascar qui dut abandonner toute la région à la Mission Luthérienne Norvégienne et se replier sur les hautes terres, au pays Betsileo.

Ambohimandroso: la brousse et la terre rouge (1898-1903)

A Ambohimandroso, la station missionnaire fut implantée sur une colline, construite selon la même conception qu’à Farafangana, à Ambositra, ou à Ambohimahasoa, comportant les mêmes édifices.

Selon les instructions du gouvernement Gallieni, les enfants de six à quatorze ans devaient désormais fréquenter les écoles dites “officielles.” Les écoles d’église n’avaient plus raison d’exister. Toutefois, les Ecoles Normales Régionales (Sekoly Efapolo Lahy) pour les “grands étudiants” pouvaient continuer à fonctionner. Ce fut le cas pour Ambohimandroso. Ces écoles étaient destinées à la formation des futurs responsables des églises et des écoles. Razarinia participa à cette formation et assura l’enseignement biblique. Elle s’occupa également de l’enseignement pratique des jeunes femmes: enseignement ménager, travaux manuels, et couture, entre autres choses.

Ambohimahasoa: entre forêts et rizières (1903-1926)

L’extension des activités de la LMS s’orienta vers Ambohimahasoa, une autre ville du Betsileo . Le pasteur Ch. Collins et sa femme, désignés pour prendre les responsabilités de ce district missionnaire, jugèrent indispensable la participation de Razarinia à cette nouvelle entreprise car une école de filles était prévue. Mais, en fait, la moisson était grande et le séjour de Razarinia dura vingt-trois ans. En semaine, elle enseignait à l’école, et le dimanche, à l’école du dimanche elle enseignait les enfants d’âge scolaire. Les adolescents qui avaient quitté l’école à quatorze ans bénéficiaient d’une éducation plus poussée.

Une autre initiative de Mme. Collins et de Razarinia fut la creation d’une classe spéciale pour les “aides-ménagères” qui ne recevaient ni d’instruction générale, ni d’instruction religieuse. Cette initiative était encore une ouverture vers des “enfants de Dieu” se trouvant dans des conditions modestes.

A partir de 1914, parallèlement à ses activités à Ambohimahasoa, Razarinia fut désignée pour être évangéliste responsable de la paroisse d’Ilavarano et de ses environs, un village se trouvant à une heure de marche d’Ambohimahasoa. Elle s’y rendait tous les dimanches, été comme hiver.

Les collines de l’Imerina: la mission continue (1926-1946)

Après ce long parcours et tant d’années d’absence, Razarinia quitta le pays Betsileo, son pays d’adoption, non sans nostalgie. Mais elle se réjouissait aussi de retrouver sa ville natale et les membres de sa famille.

Arrivée à Antananarivo, le 22 décembre 1926, elle pensait pouvoir consacrer plus de temps à sa famille. Mais, à nouveau, elle entendit l’appel du Seigneur. Mademoiselle Elizabeth Lomas, directrice de l’école des filles à Ambodinandohalo lui demanda de renforcer les effectifs des enseignants. Et au mois de juin 1927, Razarinia “reprit le chemin de l’école.” Ce fut le début d’une nouvelle mission, au contact d’une jeune génération dont la formation était déjà quelque peu différente de la sienne. Plus tard, l’ouverture à Amparibe de nouvelles classes pour débutantes, tenues par trois dames nanties de solides expériences pédagogiques, dont Razarinia, s’avéra indispensable pour les enfants des tananariviens que les parents envoyaient de plus en plus jeunes à l’école.

Lorsque Razarinia prit sa retraite, elle restait toujours aussi active, participant à des réunions, des conférences ou des visites d’églises. Une conférence qu’elle donna au temple d’Amparibe fut pour elle un événement inoubliable. Ironie de l’histoire ou éternel recommencement! En effet elle se retrouva dans la même enceinte où eut lieu sa consécration en février 1890. Mais cette fois, c’était elle qui donnait le message pour l’envoi d’autres disciples pour qu’ils portent le flambeau. Elle eut du mal à contenir ses émotions. Mais elle se réjouissait également de recevoir des visites: parents, amis, le pasteur de Faravohitra et son épouse, la présidente du groupe Dorkasy Faravohitra, d’anciens collègues et d’anciens élèves d’antan.

La compagnie de Razarinia était toujours agréable avec les jeunes comme avec les adultes car elle avait un esprit toujours en éveil et une mémoire d’une grande fidélité. C’était un réel plaisir et un enrichissement de l’écouter : elle citait textes bibliques, récits ou paraboles avec les références des livres, des chapîtres et des versets. Ce verset, “Ta parole est une lampe pour mes pas, une lumière sur mon sentier” (Ps.119 :105) vient d’un psaume (le plus long, avec 176 versets) que Ramatoa Razarinia aimait particulièrement pour l’avoir récité jadis sans faute en tant qu’écolière, lors d’une grande assemblée à Faravohitra-prouesse pour laquelle sa directrice la félicita.

Le 25 décembre 1946 Ramatoa Razarinia quitta ce monde pour rejoindre la grande nuée des croyants et trouver son Seigneur qui l’avait accompagné et soutenu dans ses épreuves tout au long de son parcours. Malgré sa faiblesse, sa foi dans la force du Seigneur était inébranlable.

Les activités de Ramatoa Razarinia dans les différentes régions de Madagascar révèlent ce qu’a été l’œuvre missionnaire en ce milieu du XIXe et du début du XXe siècle, à un tournant de l’histoire du pays, à la croisée de plusieurs cultures.

Marguerite Razarihelisoa Rajonah


Références Bibliographiques:

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Cet article, reçu en 2004, est extrait de l’ouvrage Ministère féminin dans les églises malgaches: Ramatoa Razarinia (1867-1946), rédigé par Marguerite Razarihelisoa Rajonah, et publié à Antananarivo, Madagascar. Madame Marguerite Razarihelisoa Rajonah, arrière petite fille de Ramatoa Razarinia, est professeur-chercheur à l’Université de Paris et à l’Université de Madagascar.