Collection DIBICA Classique
Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.Richardson, James
“Richardson” est le nom par lequel, pendant près d’un siècle, la plupart des linguistes ont pris contact avec la langue malgache pour l’étudier: c’est le nom d’un dictionnaire qui était devenu presqu’introuvable jusqu’à ce qu’une récente édition le rende à nouveau accessible.
James Richardson était né à Duckinfield (Angleterre) le 3 juin 1844. Il s’intéressa précocement à Madagascar en voyant les gravures qui représentaient “Les martyrs malgaches” de la longue persécution de 1835 à 1861. La consécration pastorale lui fut donnée dans l’Église congrégationaliste et il fut engagé par la London Missionary Society (LMS) (Mission protestante de Londres) pour la Grande Ile. Après une année passée à Tananarive, on l’envoya s’installer à Fianarantsoa pour y ouvrir une nouvelle “mission,” et avec pour objectif, comme toujours, de fonder des églises et d’ouvrir des écoles.
En 1872, on lui proposa de s’occuper de l’Ecole Normale de Tananarive. Il y resta vingt-cinq ans. Cette école avait été fondée en 1862, par Stagg, reprise pas Sewell, puis par Barker. Quand Richardson entra en fonctions, il y avait trois ordres d’enseignement: un pour adultes, un pour enfants, et un pour les futurs instituteurs. L’ensemble constituait une sorte d’école d’application pour ces derniers. Une telle école normale était de première importance pour pouvoir augmenter rapidement le nombre des écoles et des élèves. Les instituteurs y étaient formés tant en vue du travail au service du gouvernement qu’à celui de la LMS et, par exemple, en 1880, il y avait en cours d’études chez Richardson, trente deux instituteurs du gouvernement, et soixante trois de la LMS.
En 1878, W. Pool avait construit un nouveau bâtiment pour cette école normale, décrite à l’époque comme “certainement la plus belle école du pays.” Actuellement encore, elle se dresse sur le versant est de Faravohitra à Tananarive. Elle fut réquisitionnée par les autorités françaises en 1897, en même temps que d’autres grands bâtiments.
Grâce à ses contacts étroits avec les instituteurs malgaches pendant de si longues années, grâce aux livres pédagogiques qu’il a écrits, et à l’impulsion générale qu’il a donnée dans de nombreuses directions conjointement à d’autres collègues, dont J. T. Thorne, qui avaient des positions-clefs dans l’enseignement, Richardson fut l’un de ceux qui exercèrent la plus profonde influence sur l’enseignement dans la province centrale, et par le relais de ses anciens élèves, dans bien d’autres régions de l’île. Il faut également porter à l’actif de Mme. Richardson, aidée de Miss Cameron, la création d’une grande école de filles.
Bien que Richardson se soit principalement consacré à l’enseignement, il exerçait aussi un ministère au sein des églises. Par exemple, il dirigea ce qu’on pense avoir été la plus grande classe biblique du monde, à laquelle assistait régulièrement un millier de personnes. Mais sa contribution la plus durable à la vie de l’Eglise Malgache se rapporte à la musique. C’est lui qui introduisait le Curwen Tonic Solfa, (système d’écriture musicale qui utilise les lettres d’imprimerie pour représenter les notes) qui est encore employé. Il s’intéressa aussi beaucoup aux cantiques et à leurs mélodies, s’efforçant de faire coïncider l’accent tonique des paroles avec le temps fort de la mesure, disant “qu’il préférait toujours sacrifier la rime au rythme.” Il tenta aussi d’inculquer et de maintenir ce qu’on pourrait appeler de la retenue dans les mélodies religieuses. La situation était assez confuse du fait que ceux qui fréquentaient les églises protestantes étaient sollicités par trois courants: le style traditionnel malgache, les airs de cantiques datant des débuts de l’Eglise, antérieurs à la persécution, composés cinquante ans avant, l’influence des airs européens de l’époque joués sur les harmoniums: quadrilles, valses, polkas, etc.
L’influence de Richardson fut également importante dans d’autres domaines, spécialement son très dense dictionnaire Malgache-Anglais qui donne les noms scientifiques de beaucoup d’animaux et de plantes et fournit de nombreux termes “provinciaux,” ce qui le rend, en fait, plus riche que le dictionnaire homologue pour le français du P. Malzac qui se cantonne strictement au dialecte mérina. Cette édition du dictionnaire était précédée de 59 pages d’“introduction à la langue malgache” rédigées par W. E. Cousins. Il s’intéressa également au folklore et aux coutumes. Enfin, en 1877, il fit un voyage de reconnaissance jusque sur la côte sud-ouest dont il faillit ne pas revenir.
Quand l’administration française eut repris à son compte la direction de l’Ecole Normale, en 1897, Richardson rentra en Angleterre. Il repartit en 1899 comme professeur au Betchuanaland (Botswana) mais à nouveau la situation devint critique: sa maison fut saccagée par les Boer avant même qu’il put commencer son travail. Il fut alors pasteur d’une paroisse à East-London (Afrique du Sud) de 1903 à 1906. Durant sa retire en Angleterre, ses activités furent ralenties par sa vue qui baissa beaucoup. Il mourut le 1er août 1922.
J.T. Hardyman, L. Molet
Principales Publications:
Lights and Shadows [Lumières et ombres], Antananarivo, 1877.
Malagasy for Beginners, Antananarivo, 1883.
A New Malagasy-English Dictionary, Antananarivo, 1885.
Malagasy Tonon-kira and Hymnology, Antananarivo Annual, 1876.
Cet article, réimprîmé ici avec permission, est tiré d’Hommes et Destins: Dictionnaire biographique d’Outre-Mer, tome 3, publié en 1977 par l’Académie des Sciences d’Outre-Mer (15, rue la Pérouse, 75116 Paris, France). Tous droits réservés.