Collection DIBICA Classique
Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.Loze, Pierre
Pierre Loze est né à la Chaux-de-Fonds, en Suisse, en 1867. Il fit ses études secondaires dans sa ville natale et étudia la théologie à la Faculté de Neuchâtel. Il compléta sa préparation missionnaire à Londres.
Au sud du Mozambique
En 1893, il épouse Mlle Fanny L’Eplattenier et part pour le Mozambique. C’est l’époque tourmentée des derniers soulèvements des chefs africains contre le gouvernement colonial portugais. En 1894, placé à Rikatla, près de Lourenço Marques, à titre provisoire, il assiste impuissant à la destruction de sa station missionnaire par les bandes de Mahazoule. C’est un épisode de la guerre du Ndoumane.
Plus tard, de Lourenço Marques, il explore l’extrême-sud du Mozambique, et, en 1898, il fonde la station missionnaire du Tembé dans la même région du sud. Pierre Loze ne se lasse pas de voyager à pied. Comme tant d’autres, en ces années- là, il veut établir une sorte de carte démographique de la région. Et il fait des trouvailles! Ici et là, des hommes qui avaient servi comme travailleurs ou mineurs à Kimberley, à Johannesburg, au Transvaal, s’y étaient convertis au christianisme. Rentrés chez eux, après des semaines et des mois de voyage à pied, ils appelaient un missionnaire à l’aide.
Pierre Loze parcourant le pays sans cesse, présente à l’esprit la vision de la “moisson”…et il faut des ouvriers!
Quelques années plus tard, il est placé à Lourenço Marques, aux côtés de Paul Berthoud. Le voilà plongé dans la foule africaine prolétarisée. La cité des roseaux, il en aura vite fait la connaissance. Et il y constate les dégâts de la civilisation de l’alcoolisme et de l’argent. Avec ses collègues suisses et africains, Pierre Loze de s’écrier: “Avez-vous abandonné votre premier amour? Où sont les conversions du début?” Il est urgent de donner à cette masse des cadres africains valables. Mais, ces cadres, comment les instruire? Ils doivent pouvoir enseigner les enfants ou les adultes, mais, aussi il convient qu’ils puissent s’exprimer convenablement, en portugais, devant les représentants de l’autorité coloniale.
Les petites écoles missionnaires s’enlisent dans la routine, il en est obsédé. Il expose souvent ses soucis et ses ambitions devant les représentants de l’autorité et, en particulier, devant un gouverneur cultivé et libéral M. Freire d’Andrade. Et c’est dans ces circonstances qu’il rédige, en 1907, quelques manuels scolaires bilingues à l’usage des écoles indigènes.
En 1909, pendant un voyage de congé en Suisse, Mme Loze-L’Eplattenier meurt en mer. De retour au Mozambique, en 1910, il épouse une institutrice missionnaire de valeur, Mlle Louise Molina. Fait unique, Pierre Loze, missionnaire protestant et étranger, est nommé membre de la Commission de l’Instruction Publique du Mozambique.
C’est un des mérites de Loze que d’avoir compris très tôt deux choses: Le Mozambique tout entier doit être évangélisé en dépit des mille obstacles érigés par une certaine politique nationaliste portugaise ou par l’église. Ensuite, cette évangélisation ne doit pas se faire en ordre dispersé. La Mission Suisse doit la réaliser en collaboration avec d’autres grandes sociétés missionnaires. Et, surtout pendant la guerre de 14-18, il s’en ouvrait aux étrangers de passage, à Lourenço Marques.
A la même époque, Pierre Loze fit la connaissance de jeunes chrétiens de Beira, épaves de tentatives missionnaires américaines. Ils “se fortifiaient dans la foi” sous la conduite d’un employé d’hôtel: Guilherme Tapera Nkomo. On lui signala aussi une section de soldats convertis, dans le temps, en Rhodésie. Pierre Loze voyait là les signes avant-coureurs d’une aube nouvelle.
Après la guerre, il mit la dernière main à la traduction de la Bible en dialecte ronga.
Retraite: Beira, en Manica et Sofala
En 1930, Pierre Loze doit prendre sa retraite. La grande dépression menace, c’est le moment aussi, où après maintes pénibles expériences, les missions américaines déclarent qu’elles n’ont pas les hommes pour une mission en Manica et Sofala.
Loze, en revanche est disponible et il est connu. Il est riche d’une longue expérience missionnaire au Mozambique. Loze, le retraité, deviendra l’apôtre de Beira.
Le Mozambique est comme serré à la ceinture à Beira. Les Portugais y ont subi des avanies de la part des gens de Cecil Rhodes. Ils n’aiment pas voir les étrangers s’y installer, encore moins les missions protestantes étrangères. Mais Beira était le port des Rhodésies et du Katanga. Beira est une capitale, son hinterland de près de 140,000 km nourrit mal une population bigarrée de 300.000 habitants.
Nouveau débarqué, Pierre Loze se présente aux autorités. Un haut fonctionnaire le salue avec le sourire, vieille connaissance! Mais on s’inquiète: Allez-vous commencer un travail missionnaire à Beira? Mais non, Loze est à la retraite! Pourquoi dans la touffeur de Beira? Loze donnera les secours spirituels à ses anciens convertis de Lourenço Marques. Très réglementairement, les noirs se sont constitués en association de bienfaisance et secours mutuels…
A soixante et sept ans, Pierre Loze apprend le shanga, et d’autres dialectes bantous de Manica et Sofala. Il publie des portions des Ecritures. Il parcourt le pays, il visite les missions américaines de Rhodésie. Après avoir, pendant des années, couru les antichambres de l’administration portugaise, il obtient la permission d’ouvrir une école du soir, pour ses gens, et d’aménager une salle de culte. Le Nouveau Testament sera traduit dans le dialecte shanga.
A Beira, notre missionnaire prend de nouveaux contacts. Des chrétiens des provinces de l’ouest, Tete, du nord-ouest, Nyassa, se sont approché et demandent des Bibles. Ce sont les signes d’un travail religieux bien fait quelques années plus tôt, par des missions “étrangères.” Le gouvernement chassa ces étrangers.
Les dernières années
Les dernières années, Pierre Loze et sa femme ont élu domicile à Umtali, à la frontière de Rhodésie. Ils sont accablés par la fatigue, l’usure et le climat. A Umtali, on respire l’air de la montagne. Loze souffre des yeux et n’y voit plus guère. Il tape son courrier à la machine à moins qu’il ne prépare une visite à Beira. Un évangéliste portugais vient s’établir à Beira, les cadres africains se préparent.
Pierre Loze est mort brusquement, à Umtali, en 1947. Il avait quatre-vingts ans.
André Clerc
Bibliographie
1907 Vocabulaire portugais-ronga - A.-W. Baily, Lourenço Marques.
1907 Elementos de Leitura I, en portugais - A.-W. Baily, Lourenço Marques.
1907 Elementos de Leitura II, en portugais - A.-W. Baily, Lourenço Marques.
1907 Elementos de Leitura com vocabulàrio Português-Shironga-Shithonga. A.- W. Baily. Lourenço Marques. (Rééditions en 1922 et 1927 à Cleveland Press. Transvaal).
1907 Elementos de Leitura com vocabulàrio Português-Shitswa. Lourenço Marques. (Réédité à Cleveland Press, Transvaal, en 1922 et 1926).
1907 Elementos de Leitura com vocabulàrio Português-Chindau. Lourenço Marques. (Réédité à Cleveland Press. Transvaal en 1922 et 1926),
1927 Liçoes de coisas para uso das escolas indigenas ao Norte do Save, pela Comissâo dos livros escolares para indigenas. Primeira et segunda classe. 3ème édition. Cleveland Press. Transvaal.
1927 Liçoes de coisas para uso das escolas indigenas ao Sul do Save, pela. Comissâo dos Livros escolares para indigenas. 3ème édition. Cleveland Press. Transvaal.
1938 H. Guye: “Beira, une porte ouverte” Lausanne. Mission suisse dans l’Afrique du Sud. 38 p.
Cet article, réimprîmé ici avec permission, est tiré d’Hommes et Destins: Dictionnaire biographique d’Outre-Mer, tome 2, volume 2, publié en 1977 par l’Académie des Sciences d’Outre-Mer (15, rue la Pérouse, 75116 Paris, France). Tous droits réservés.