Collection DIBICA Classique
Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.Douvry, Jules
La carrière apostolique du père Douvry fut courte, vingt ans à peine. Elle est dominée par son rôle au Cameroun pendant la conquête de cette colonie par les troupes alliées et les premières années de l’organisation de ce territoire sous le mandat de la France.
Il y avait été préparé par neuf années de ministère au Nigeria et c’est de Calabar qu’il partit pour Douala comme aumônier des troupes anglaises. Au Cameroun, il accepta les responsabilités qui lui furent imposées, faisant face, non sans mérite, à tous les problèmes nouveaux, spirituels et temporels, nés de la guerre. Sa santé vite éprouvée, exigea bientôt une vie moins harassante. Ayant obtenu son remplacement, il partit en décembre 1920 rejoindre son premier champ de mission.
Avant de revenir sur cette période mouvementée de sa vie, traçons-en les étapes antérieures.
Jules Douvry naît à Amiens le 7 août 1879. Elevé chez les frères de Saint-Vincent-de-Paul, à Lille, il fit des bonnes études primaires et ne paraissait pas aspirer au sacerdoce, quand, en 1897, après une retraite chez les pères trappistes de Sainte-Marie au Mont-des-Cats, il résolut d’être missionnaire et fut présenté par le père abbé lui-même à l’école apostolique de Merville (Nord). Il eut vite fait, grâce à son intelligence éveillée, d’apprendre assez de latin pour entrer au noviciat de Grignon près Paris et y faire sa profession religieuse en septembre 1899. Après son service militaire accompli à Amiens, il poursuit ses cours de philosophie et de théologie à Chevilly (Paris) jusqu’à sa consécration à l’apostolat en juillet 1905.
Son désir l’inclinait vers l’œuvre des Noirs aux Etats-Unis; il fut envoyé au Nigeria, en pays Igbo. Il passa d’abord deux ans à Aguleri, de septembre 1905 à la fin de 1907. Il fut ensuite chargé de fonder la mission de Ntejé. Il écrit en novembre 1908:
Durant dix mois, il m’a fallu vivre seul, commencer par me bâtir une maison avec murs en terre battue et toit d’herbe, puis deux autres maison indigènes pour chèvres, poules, canards, etc. J’ai dû aussi aller à Aguleri chercher le matériel, planches, feuilles de tôle, ciment, pour la future maison d’habitation; en tout huit cents charges de porteurs. Tout en faisant le catéchisme, j’avais à surveiller une école de cinquante-cinq enfants, leur enseignant l’anglais quand j’étais obligé de l’apprendre moi-même. Il est dur de vivre seul, non seulement à cause des mille-infimes occupations auxquelles on est astreint, mais surtout à cause des misères morales auxquelles on se voit plus exposé que jamais…
Le secours d’un confrère lui fut enfin donné; puis après vingt mois, il quitta Nteje pour Onitsha où il fut procureur de la mission pour Calabar, enfin, pour Igbarian. De cette dernière station, il rentra en France en août 1913. Après un an de congé, il se retrouva au Nigeria à la déclaration de la guerre; il fut mobilisé et dirigé avec une colonne anglaise sur le Cameroun, au titre d’aumônier des troupes.
Il fit la campagne qui aboutit à la prise de Yaoundé; il en a marqué les étapes dans sa correspondance: le 26 mars 1924, Edéa est occupé sans combat; il devait rester un an dans cette station car la pénétration était difficile à travers la forêt tropicale, par des sentiers étroits, mal tracés ou des routes trop peu nombreuses, devant un ennemi qui ne se repliait que pour reparaître bientôt. C’est ainsi qu’Edéa fut attaqué le 5 janvier et que la mission fut détruite. En avril, plusieurs points stratégiques furent saisis au-delà d’Edéa, mais la marche sur Yaoundé ne fut reprise qu’en octobre; une première étape conduisit la colonne en vingt-cinq jours jusqu’à Eséka, une seconde étape de vingt-sept jours la mena à Mangelé; de là elle devait gagner le croisement du tracé du chemin de fer et de la route Kribi-Yaoundé au sud de Yaoundé. Mais le 1er janvier 1916, Yaoundé fut évacué et la colonne où marchait le père Douvry fut lancée à la poursuite de l’ennemi; elle entra à Ebolowa le 19 janvier et continuant sa route elle rejeta sur Muni les troupes allemandes. La campagne avait pris fin; l’organisation du territoire commençait.
Malgré les réclamations des pères auprès de l’autorité militaire, les pères Pallotins allemands furent réduits à quitter le Cameroun; il fallait donc à leur place prendre la charge de leurs trente mille chrétiens. La tâche était effrayante: avant la guerre, la mission catholique comptait quatre-vingt-dix membres environ; en 1916, elle n’avait plus que huit pères. Le père Douvry n’était pas un homme à reculer devant le devoir si dur qu’il fût: il accepta en mai 1916 la délégation des pouvoirs d’administrateur de la mission que lui fit le père Hoegen, pro-vicaire, avec l’assentiment de la propagande, et le 3 février 1917 il fut nommé administrateur apostolique du Cameroun. Huit missionnaires de l’Afrique équatoriale, capables quelques-uns de comprendre la langue des indigènes, furent mis en sursis d’appel à la demande de Mgr Le Roy, supérieur général et apportèrent leur concours en octobre 1916 à ceux qui depuis deux ans étaient passés dans la mission. Grâce à ce renfort, le père Douvry reprit quelques postes: à Douala, Yaoundé, Ngowayang déjà occupés, s’ajoutèrent Kribi, Marienberg, Edéa. Des écoles furent rouvertes et les travaux des missionnaires reprirent leurs cours.
En même temps, des calomnies pénibles circulaient qui demandaient réponse, les questions administratives surgissaient au sujet de la célébration des mariages, du statut des écoles, de la dévolution des biens de la mission, toutes affaires qui réclamaient des négociations entre l’autorité militaire et le chef religieux. Le père Douvry fit face à tout. Et quand la paix fut signée, il rentra en France en octobre 1919, pour y prendre un peu de repos.
Il ne devait plus revenir au Cameroun. En août 1920 il donna sa démission d’administrateur apostolique, et libre de toute attache de ce côté il retourna au Nigeria (décembre 1920). Son rêve eut été de fonder de nouvelles stations chez les Munchis au nord du vicariat; sa santé ne lui permit pas.
Après moins de trois ans, nous le retrouvons à la maison-mère en septembre 1923 et le mois suivant à Mortain (Manche) où il remplit les fonctions d’économe du scolasticat naissant de philosophie.
Le climat de la Normandie lui rendit quelques forces qu’il accepta volontiers de dépenser à la Guadeloupe. A Pointe-à-Pître, il devint vicaire de la paroisse en même temps que procureur du district. Une novelle crise d’albuminurie se déclara dix mois à peine après son arrivée. Les docteurs des pays chauds déclarèrent incapables d’enrayer le mal. Il dut rentrer en France et c’est à Chevilly près Paris que deux mois après son arrivée dans cette maison qui le vit partir pour le Nigeria qu’il expira, le 1er septembre 1925.
Bernard Noël, c.s.sp., responsable des Archives gén.
Bibliographie
Dossier personnel – Bulletin gén. Archiv. Cameroun 1916-1920 Notice tirée du bulletin gén. Déc. 25
Cet article, réimprîmé ici avec permission, est tiré d’Hommes et Destins: Dictionnaire biographique d’Outre-Mer, tome 3, publié en 1977 par l’Académie des Sciences d’Outre-Mer (15, rue la Pérouse, 75116 Paris, France). Tous droits réservés.