Collection DIBICA Classique
Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.Berhaut, Jean
Le R.P. Jean Behaut naquit le 17 mars 1902 à Mordelles en Île-et-Vilaine. Sa vocation religieuse fut précoce: en effet, il entrait à 18 ans dans la Congrégation du Saint-Esprit. Il prononça ses vœux à Neuggrange (Moselle), le 6 octobre 1921 et fut ordonné prêtre le 31 mars 1929. Affecté au Bois-Noir, école apostolique de la vice-province de Suisse, le nouveau père se dévoua pour cette œuvre qui fut transférée, par la suite, au Bouveret, en Valais. Il y professa huit années de suite, jusqu’en 1937. Il gardera toujours des liens étroits avec cette dernière maison qui lui demeura très chère.
En 1937, le R. P. Berhaut quitta la Suisse pour le Sénégal où il déploya une grande activité missionnaire tout en poursuivant des études d’histoire naturelle pour laquelle, semble-t-il, il avait toujours eu un penchant. De 1937 à 1948, il poursuivit son ministère apostolique dans diverses paroisses: Thiès (1937-1940), N’Gazobil (1940-1943), Palmarin (1943-1946), Kaolack (1946-1948), pour exercer finalement au Sacré-Cœur de Dakar en 1950 et 1951.
Sans négliger son apostolat, il se passionna pour la botanique, herborisant, réunissant d’importantes collections qu’il classa et étudia. Les autorités religieuses l’encouragèrent et même le libérèrent du ministère direct de manière à ce qu’il rédige une Flore du Sénégal. Il put fréquenter, ainsi, pendant une année et demie, le Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris. Durant ce séjour il rédigea la première édition de cette flore qui ne prend en compte que le Sénégal septentrional, à l’exclusion de la Casamance. Malgré cette restriction, elle englobe, cependant, 1 800 espèces indigènes plus des espèces introduites. Elle comprend des illustrations simples et plusieurs planches en couleur. Cette flore, qui parut en 1954 à Dakar, le Père Berhaut en eut une conception particulière qui dérouta les botanistes car elle ne suit pas les règles habituelles des flores les plus utilisées. En effet, il classa les plantes, non d’après leur position systématique mais selon les caractères qu’il jugeait les plus faciles à appréhender par un amateur non au courant du vocabulaire botanique usuel qu’il trouvait trop spécialisé et quelque peu ésotérique pour un non-initié. Cette manière peu orthodoxe de procéder présente donc l’avantage pour un néophyte de lui permettre de reconnaître facilement les espèces.
Ce travail achevé, il s’occupa de paroisses de brousse: de 1955 à 1956 à M’Bour, de 1959 à 1962 de nouveau à Palmarin. Entre-temps, sa santé s’étant altérée, il prit deux années de repos, en France, pour se rétablir. Cependant, en 1955, le prix Abel Jeandet lui fut décerné par l’Académie de Mâcon, en hommage à son dévouement et à sa bénéfique activité scientifique. Abel Jeandet était un ancien administrateur colonial qui naquit en 1852 à Verdun. Directeur des affaires politiques du Sénégal, il mourut assassiné, le 2 septembre 1890, à Grand Aéré, au Sénégal. Sa famille, pour honorer sa mémoire, créa ce prix destiné à récompenser une œuvre d’exploration ou de colonisation, entreprise plus spécialement au Sénégal. Jean Berhaut devint membre de cette Académie en 1956.
En 1962, le gouvernement le chargea de l’étude des espèces végétales vivantes existant au Sénégal. Le Père Berhaut prépara, alors, une deuxième édition révisée de son ouvrage. Cette édition sortira en 1967. Il s’agit d’un volume de 485 pages, construit sur les mêmes principes que le précédent mais qui est considérablement augmenté car il englobe, cette fois, l’ensemble du territoire du Sénégal, y compris donc la Casamance, ainsi que la Gambie. Ces additions furent particulièrement appréciées, en dehors des botanistes, par un vaste public comprenant des forestiers, des agriculteurs, des pédologues, des éleveurs et des vétérinaires. Englobant la partie méridionale du pays, le nouvel ouvrage contient donc un nombre accru d’espèces: 2 000 indigènes et 300 introduites; d’autre part, il est agrémenté de vingt planches en couleurs et de soixante-dix dessins au trait représentant 300 espèces. Le P. Berhaut désirait que ce livre soit utilisable sur le terrain et qu’il garde un caractère pratique.
Cette publication connut un grand succès, d’autant qu’elle est valable pour de nombreuses régions africaines dont le climat est comparable à celui du Sénégal et qui comportent, par voie de conséquence, des flores et des végétations très semblables. Les zones de savanes d’Afrique occidentale se trouvent particulièrement concernées. Aux noms scientifiques, le P. Berhaut ajouta les noms vernaculaires dans la plupart des langues sénégalaises: bambara, ouolof, sérère, diola…ainsi que les noms français quand ils existent.
Mais un projet ambitieux saisit le P. Berhaut: celui de dresser une flore dans laquelle chaque espèce serait figurée, d’où l’idée d’une Flore illustrée du Sénégal devant comprendre 11 à 12 volumes. Le savant botaniste rédigea seulement six des tomes projetés. Dans chacun de ceux qui sont réalisés, deux pages sont consacrées à chaque espèce: à gauche, un dessin simple mais précis, sur la page de droite, une texte concis et clair décrit la plante, fournit des indications sur son aire géographique, donne ses noms vernaculaires, indique ses propriétés alimentaires, médicinales ou autres. Toutes les plantes sont dessinées grandeur nature. Les familles sont rangées par ordre alphabétique et, dans chaque famille, genres et espèces sont classés selon le même principe. Il s’agit d’un travail considérable puisque chaque tome comporte environ 500 pages.
Entre la parution de la deuxième édition de la Flore du Sénégal et le début de la publication de la Flore illustrée, les recherches effectuées ont permis de découvrir plusieurs centaines de nouvelles espèces végétales pour le pays. La flore sénégambienne se monte ainsi à environ 2 200 espèces autochtones.
De caractère affirmé sinon obstiné, le R. P. Berhaut s’acharna à la tâche. Il y usa ses forces. Hélas! Il ne pourra pas terminer son œuvre. Alors qu’il travaillait au septième tome, les premiers symptômes de la maladie se manifestèrent. Hospitalisé durant la Semaine Sainte de l’année 1977, il décéda trois semaines plus tard, le 30 avril. A la grande déception des botanistes, il ne terminera pas son monumental projet.
Le R. P. Berhaut, très curieux de tout ce qui touchait la nature, n’était pas que botaniste, encore que ce furent les plantes qui l’attiraient le plus. Il était aussi apiculteur et les Africains l’appelaient l’abbé Gourand, l’homme aux abeilles. Il ne craignait pas les serpents; il les apprivoisait et leur prélevait le venin, à des fins médicales.
Parmi toutes les plantes qu’il récolta, plusieurs étaient nouvelles, non seulement pour le Sénégal mais pour la science. Plusieurs de ses découvertes lui furent dédiées dont le genre Berhautia, une Loranthacée qu’il découvrit dans le parc national de Niokolo-Koba au Sénégal oriental et aussi, sans doute un peu humoristiquement, l’espèce berhauti du genre Satanocrater, une belle Acanthacée aux grandes fleurs mauves qu’il recueillit en Guinée.
Jacques Miege
Bibliographie
Références:
- R. P. Berhaut. Pentecôte sur le Monde, n. 64.
1974 J. -G. Adam, Note bibliographique. Jean Berhaut: Flore illustrée du Sénégal. Bull. I.F.A.N., 36., sér. 1, 4: 1000-1001.
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Abbé Léon Diouf. Père Jean Berhaut. Horizons africains, 301: 78.
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P. Jean Ferron. Nos défunts: le Père Jean Berhaut. Province de mission, 40.
Publications:
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Flore du Sénégal. Clairafrique, Dakar.
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Flore du Sénégal. Clairafrique, Dakar.
1971 et suivantes. Flore illustrée du Sénégal. Préface de Léopold Sédar Senghor, Président de la République du Sénégal. Dakar, Librairie Clairafrique et Paris, le Livre africain.
- Rapport sur les progrès dans la préparation de la Flore du Sénégal. Mitt. Bot. Staatsam. Munich. 10: 19-21.
Cet article, réimprîmé ici avec permission, est tiré d’Hommes et Destins: Dictionnaire biographique d’Outre-Mer, tome 9, publié en 1977 par l’Académie des Sciences d’Outre-Mer (15, rue la Pérouse, 75116 Paris, France). Tous droits réservés.