de Benoist, Joseph-Roger
Joseph-Roger de Benoist est né le 2 août 1923 à Meudon en banlieue parisienne. Après ses études secondaires au Collège Stanislas de Paris, il est mobilisé en 1943 dans le régiment des Spahis marocains, avec lesquels il fit la campagne d’Italie. Démobilisé à la fin de la guerre en 1945, il termine ses études de philosophie suspendues lors de sa mobilisation et enchaîne par le noviciat et la formation théologique à Thibar en Tunisie. Il prononce son serment missionnaire (Père Blanc) et reçoit l’ordination sacerdotale le 1er février 1950 à Carthage toujours en Tunisie.
Pendant sa formation en vue de la vie missionnaire, il se fit remarquer pour ses qualités intellectuelles et artistiques. C’est alors que ses supérieurs décident de l’orienter vers la presse et les médias. Il est alors envoyé à l’École Supérieure de Journalisme de Lille, puis au Centre des Hautes Études sur l’Afrique à Paris pour se former et ainsi préparer sa mission en Afrique. La décision de l’envoyer se former en journalisme était liée au fait que, depuis 1947, la congrégation des Père blancs à laquelle il appartient avait la charge à Dakar de l’hebdomadaire catholique Afrique Nouvelle largement diffusé en Afrique francophone. Les supérieurs souhaitaient donc que des professionnels de la presse écrite, dûment formés, prennent en main la gestion du journal.[1]
Journaliste à Afrique nouvelle à Dakar
Dès la fin de sa formation, Joseph-Roger de Benoist est envoyé par ses supérieurs à Dakar où il arrive le 15 mai 1952 et intègre rapidement la rédaction du journal. En tant que journaliste, il parcourt l’Afrique pour réaliser des reportages pour le journal. Certains des articles qui appelaient la France coloniale à entamer le processus de décolonisation des pays africains déplurent aux autorités puisqu’au début des années cinquante l’indépendance des pays d’Afrique n’étaient encore envisagée. Elles jugeaient le journal trop critique vis-à-vis de la politique coloniale de la France et lui intentèrent à quelques reprises des procès.[2]
Deux ans après son arrivée, de Benoist prit la direction d’Afrique Nouvelle en 1954. Il put ainsi couvrir les débats préparatoires à l’indépendance des colonies françaises d’Afrique. Ses articles et ses reportages publiés dans ce journal firent de lui un témoin averti de cette période d’effervescence surtout au moment du référendum du 28 septembre 1958 sur la communauté franco-africaine proposée par le Général de Gaulle. Il permet à cet hebdomadaire de devenir une tribune privilégiée pour tous les acteurs politiques africains de l’époque.[3] Ses prises de position déplurent aussi à l’archevêque de Dakar, Mgr Lefebvre, qui l’accuse d’être communiste. Il restera à son poste de directeur jusqu’en 1959, année où il est déchargé de la gestion du journal.
Missionnaire au Mali et au Dahomey
À son départ de la direction du journal, ses supérieurs qui le trouvent parfois difficile à contrôler décident de l’affecter au Mali pour prendre en charge l’animation de l’activité culturelle de l’archidiocèse de Bamako et de la Jeunesse agricole chrétienne. Il passera une dizaine d’années dans ce pays avant d’être envoyé au Dahomey (le Bénin actuel) en 1968 pour s’occuper de la pastorale familiale, des équipes enseignantes et du mouvement des guides.[4] Mais il doit quitter précipitamment le pays parce que son engagement sur place auprès de la jeunesse était mal perçu par les autorités politiques locales.
Enseignant à l’Université de Dakar
Après deux décennies de travail en Afrique, il retourne en France en 1973 pour entreprendre des études universitaires en histoire à l’École Pratique des Hautes Études en sciences sociales. Quelques années plus tard, en 1978, le voilà de retour à Dakar. C’est lors d’une rencontre avec le président Léopold Sédar Senghor du Sénégal en France que celui-ci lui suggéra de venir travailler à Dakar à l’Institut Fondamental d’Afrique Noire (IFAN) comme chercheur.[5] Il deviendra directeur de recherche en histoire africaine quelques années plus tard. En 1985, il soutient une thèse de doctorat d’État sur « Les relations entre l’administration coloniale et les missions au Mali et au Burkina. » Très écouté sur les questions d’histoire contemporaine de l’Afrique, Joseph-Roger de Benoist devient membre de plusieurs sociétés savantes.[6] Ayant pris sa retraite d’enseignant en 1994, il consacra son temps à l’écriture et au service à la paroisse cathédrale de Dakar comme vicaire dominical.[7]
En 2006, il retourne définitivement en France et rejoint la communauté de Bry-sur-Marne d’où il continua à participer à des colloques et autres rencontres scientifiques. Il décède le 15 février 2017 à l’hôpital Saint-Camille à l’âge de 93 ans, dont 67 ans de vie religieuse. Ses obsèques ont eu lieu à l’église paroissiale de Bry-sur-Marne en présence d’une foule nombreuse composée de ses parents, amis et connaissances.
Raphaël Lambal
Notes :
- Après la 2e guerre mondiale, les évêques de l’Afrique occidentale française décidèrent de coordonner leurs actions pour assurer la défense des intérêts des missions catholiques face à l’administration coloniale. La Société des missions africaines prit en charge l’enseignement privé catholique, les Pères du Saint-Esprit s’occupèrent de toutes les formes d’apostolat des laïcs et les Pères blancs furent chargés de la communication sociale. C’est donc dans ce cadre qu’ils fondèrent l’hebdomadaire Afrique nouvelle à Dakar en juin 1947.
- À ce sujet, le père de Benoist a souvent rappelé le procès intenté par le Gouverneur général Paul Béchard en 1951. La condamnation du journal confirma la conviction des lecteurs que l’équipe était aux côtés des Africains dans la dénonciation des abus de la colonisation et bientôt dans leur lutte pour l’indépendance.
- Il devint très vite l’unique moyen de dialogue entre les dirigeants africains et leurs électeurs au point d’amener l’homme politique ivoirien Félix Houphouët Boigny à dire un jour que « si vous voulez dire quelque chose et être entendu de toute l’Afrique, écrivez-le dans Afrique Nouvelle ». Afrique Nouvelle n° 1288 du 15 juin 1972.
- Le pays a changé de nom pour devenir le Bénin en 1975.
- Cet Institut est un centre de recherche et d’enseignement de l’Université de Dakar.
- On peut citer le Centre de Recherche et d’Échanges sur la Diffusion et l’Inculturation du Christianisme et l’Académie des Sciences d’outre-mer dont le domaine d’activité porte principalement sur la géographie et l’histoire générale en Afrique, en Amérique latine, en Asie et en Océanie.
- Il est l’auteur de nombreux articles et livres, parmi lesquels on peut mentionner la biographie du président Léopold Sédar Senghor, l’histoire de l’Église au Sénégal et l’histoire de l’Ile de Gorée.
Bibliographie
De Benoist, Joseph Roger. La Balkanisation de l’Afrique occidentale française. Dakar : NEA, 1979 (réédition en 1994).
De Benoist, Joseph Roger. Histoire de l’Église catholique au Sénégal : du milieu du XVe siècle à l’aube du troisième millénaire (Collection Mémoire d’église). Dakar/Paris : Karthala, 2008.
De Benoist, Joseph Roger. « L’hebdomadaire catholique dakarois Afrique nouvelle et la décolonisation de l’AOF » dans Les chemins de la décolonisation de l’empire colonial français, 1936-1956. Paris : CNRS, 1986.
Annie Lenoble-Bart, Afrique nouvelle, un hebdomadaire catholique dans l’histoire (1947-1987). Talence : Maison des Sciences de l’Homme, 1996.
Cet article est rédigé par Raphaël Lambal, coordonnateur à la gestion des études à l’Université TÉLUQ (teluq.ca) au Canada. Il est titulaire d’une licence en journalisme, d’une Maitrise et d’un DESS en sciences de l’information et de la communication obtenus à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar au Sénégal. Il a également obtenu une maîtrise en administration publique à l’École nationale d’administration publique de Québec (enap.ca), après avoir terminé sa scolarité doctorale en communication publique à l’Université Laval à Québec. Il a été récipiendaire de la bourse de la fondation FORD (2007-2010) pour les études universitaires.