Thiandoum, Hyacinthe

1921-2004
Église Catholique
Sénégal

Hyacinthe Thiandoum est né le 2 février 1921 à Popenguine à 70 km au sud de Dakar. Il était le douzième enfant d’une fratrie de quatorze filles et garçons. Ayant manifesté le désir d’être prêtre, il fit son entrée au petit séminaire en 1935 pour ses études secondaires. Il poursuivit par les cycles de philosophie et de théologie et fut ordonné prêtre le 18 avril 1949.

Après son ordination, il exerce pendant quelques mois comme enseignant au petit séminaire de Ngasobil, avant d’être affecté à Thiès comme vicaire à la paroisse de la ville. En 1952, il est envoyé à Rome pour des études à l’Université pontificale grégorienne où il obtint une licence en théologie dogmatique. À son retour au Sénégal en 1955, il exerce les fonctions de directeur diocésain des œuvres jusqu’en 1960, année de sa nomination au poste de curé de la Cathédrale. Il cumula cette fonction avec celle de vicaire général de l’archidiocèse de Dakar à partir du mois de mai 1961.

Archevêque de Dakar

Il occupait encore ces deux charges, lorsqu’il apprend, le 24 février 1962, sa nomination comme archevêque de Dakar, devenant ainsi le premier prélat autochtone de ce diocèse.[1] Réagissant à sa nomination sur les ondes de Radio-Sénégal, le nouvel archevêque s’est dit conscient qu’il s’agissait d’une

tâche délicate et difficile que je n’aurais certainement pas recherchée, mais […] je ne doute pas que, dans ces lourdes fonctions qui me sont confiées, je rencontrerai autour de moi, de la part de tous, une collaboration profonde et loyale. J’essaierai de travailler dans cette ligne qui a été la mienne comme prêtre : être au service de l’Église et des hommes, de tous les hommes que je rencontrerai sur ma route comme archevêque de Dakar .[2]

En 1976, le pape Paul VI fit de lui un cardinal de l’Église catholique.

À titre d’archevêque de Dakar, il fut le principal animateur du synode des évêques africains tenu à Rome en 1994. À cette occasion, il s’est évertué à affirmer l’originalité du catholicisme africain et à prendre en compte les demandes de théologiens africains qui souhaitaient qu’une plus grande place soit accordée par l’Église catholique à la femme et aux valeurs traditionnelles africaines. Certains théologiens demandaient même la création d’un rite liturgique spécifique à l’Afrique, mais leurs demandes n’ont jamais été prises en compte au Vatican.

Régulateur de la vie sociale au Sénégal

Le Sénégal est certes une république laïque, mais cette laïcité ne sépare pas rigidement l’état de la religion puisqu’on constate l’existence d’une complémentarité tacite entre les pouvoirs étatiques et religieux. Dans bien des situations, ce sont des religieux qui jouent le rôle de régulateurs sociaux contribuant ainsi à l’apaisement et à la stabilisation de la vie politique et sociale.

Ce rôle de régulateur social va amener Hyacinthe Thiandoum à intervenir à plusieurs reprises lors d’événements sociopolitiques, en tant qu’archevêque métropolitain de Dakar. En décembre 1962, à l’aube de l’indépendance, une crise politique est survenue au Sénégal opposant Léopold Sédar Senghor, Président de la République et Mamadou Dia, chef du gouvernement. Les deux hommes étaient pourtant des compagnons politiques depuis la fin des années quarante et avaient collaboré pour obtenir l’indépendance du Sénégal en 1960. Le conflit qui les a opposés est sans doute un événement ayant entraîné des conséquences pour l’avenir du pays. Mgr Thiandoum n’a ménagé aucun effort pour éviter une rupture entre les deux hommes qu’il jugeait préjudiciable au Sénégal. Aussi, lorsque le président Senghor fit mettre en prison son chef du gouvernement, il fera tout son possible pour écourter et atténuer la sanction prononcée contre Mamadou Dia et ses compagnons d’infortune. Il ne parviendra jamais à réconcilier les deux hommes malgré tous les efforts qu’il avait déployés.

Quelques années plus tard, le pays fut encore secoué par une contestation sociale et culturelle de la société, notamment chez les étudiants et les travailleurs. Les événements de mai 1968 en France ont entraîné des répercussions jusqu’à l’Université de Dakar qui dépendait encore en ce moment de l’académie de Bordeaux. Le 27 mai 1968, les étudiants et les élèves sénégalais déclenchèrent une grève générale amenant les autorités sénégalaises à faire évacuer par la force le campus de l’Université de Dakar.

La mort accidentelle à cette occasion d’un étudiant était le détonateur d’une crise nationale. Plusieurs dizaines d’étudiants ont trouvé refuge à l’aumônerie universitaire tenue par les pères dominicains pour se protéger de la répression policière. Mécontent de cette situation, le président Senghor décide que ces prêtres dominicains devaient quitter le Sénégal.[3] Il a fallu l’intervention de l’archevêque de Dakar et d’autres personnalités sénégalaises pour que les aumôniers ne soient pas contraints de quitter le pays.[4] Il publiera, après ces événements, une lettre pastorale dans laquelle il a mis chacun devant ses responsabilités tout en appelant par la même occasion tout le monde à une réflexion salvatrice.[5]

Partisan du dialogue interreligieux

Devenu, en 1962, archevêque de Dakar, capitale d’un pays à majorité musulmane, Hyacinthe Thiandoum a compris qu’il fallait trouver un modus vivendi avec cette majorité religieuse pour assurer la poursuite de la mission de l’Église catholique au Sénégal.[6] Il a fait preuve d’une ouverture envers la religion musulmane d’autant plus qu’une partie de sa famille appartient à cette confession.[7] Il rappelait souvent que la condition de minorité de l’église doit amener cette communauté à être en dialogue permanent avec le voisinage majoritairement musulman. Et pour ce faire, il a toujours émis le souhait de voir se mettre en place un cadre de discussion et de dialogue entre les différentes confessions religieuses du Sénégal. Il soulignait aussi la nécessité pour l’Église catholique de s’engager, à travers ses institutions déjà bien établies comme les écoles, l’action caritative et les œuvres de santé, à promouvoir le développement du pays. Ces institutions d’après lui, sont un témoignage concret de la présence chrétienne dans la société sénégalaise majoritairement musulmane.[8]

En 1976, à son retour de Rome du consistoire au cours duquel il reçut le chapeau cardinalice, il lança un appel aux citoyens sénégalais, les invitant à s’aimer tous, qu’ils soient chrétiens, musulmans ou adeptes de la religion traditionnelle.[9] Tout au long de son épiscopat, il a entretenu des relations cordiales et presque fraternelles avec les guides des grandes obédiences religieuses musulmanes du pays.

Il restera à son poste pendant 38 années jusqu’en juin 2000 lorsqu’il se retire, à 79 ans, laissant la place à son successeur. Il meurt le 18 mai 2004 et a été inhumé à Dakar.

Raphaël Lambal


Notes

  1. Moustapha Samb fait remarquer que cette nomination a fait passer l’Église catholique du Sénégal du statut d’Église de mission (confiée aux missionnaires étrangers) au statut d’Église locale (confiée au clergé autochtone).
  2. De Benoist, Joseph Roger. Histoire de l’Église catholique au Sénégal : du milieu du XVe siècle à l’aube du troisième millénaire. Dakar/Paris : Karthala, 2008, p. 420.
  3. Le 26 juin 1968, le président Léopold Sédar Senghor avait adressé une lettre au nonce apostolique en poste à Dakar, dans laquelle il soulignait que, par leurs agissements, les pères dominicains qui ont la direction morale des étudiants catholiques, ont été mêlés à des entreprises de subversion. Il demandait donc qu’ils soient rappelés pour lui éviter de devoir les expulser du Sénégal.
  4. Joseph Roger de Benoist. Léopold Sédar Senghor, Paris, Beauchesne, 1998, p.148.
  5. « La réflexion qui sauve ». Lettre pastorale de Mgr Thiandoum sur les grèves des étudiants de l’Université de Dakar et des travailleurs, Dakar, 1968.
  6. Pays à majorité musulmane, le Sénégal avait cette particularité d’avoir été gouverné pendant 20 ans, de 1960 à 1980, par le président Léopold Sédar Senghor de confession catholique.
  7. Chérif El Valid Sèye souligne, à la page 149 de son ouvrage, que « le dialogue islamo-chrétien était donc en Hyacinthe Thiandoum lui-même, inscrit dans ses gènes » parce que né d’une mère qui était la fille du chef de village et imam. Elle fera partie du premier groupe de villageois de Popenguine à recevoir le baptême le 22 mai 1888.
  8. En 2003, dans le cadre de la rédaction de son mémoire de DESS, l’auteur de l’article a rencontré le cardinal Thiandoum. Il a ainsi pu aborder longuement avec lui la question du dialogue interreligieux.
  9. Mensuel Horizons africains, juin 1976

Bibliographie

Angoula, Jean-Claude, L’Église et l’État au Sénégal : Acteurs de développement ? Paris : L’Harmattan, 2015.

De Benoist, Joseph Roger. Histoire de l’Église catholique au Sénégal : du milieu du XVe siècle à l’aube du troisième millénaire. Dakar/Paris : Karthala, 2008.

De Benoist, Joseph Roger. Léopold Sédar Senghor. Paris : Beauchesne, 1998

Sèye, Chérif Elvalid. Mgr Hyacinthe Thiandoum : à force de foi. Paris : L’Harmattan, 2007.

Moustapha Samb, « Médias, Religions et Dialogue islamo-chrétien en Afrique de l’Ouest : exemple pilote des médias sénégalais », Revue internationale des francophonies En ligne : https://publications-prairial.fr/rif/index.php?id=327

https://www.catholic-hierarchy.org/bishop/bthia.html

https://www.jeuneafrique.com/76668/archives-thematique/mgr-hyacinthe-thiandoum/


Cet article est rédigé par Raphaël Lambal, coordonnateur à la gestion des études à l’Université TÉLUQ (teluq.ca) au Canada. Il est titulaire d’une licence en journalisme, d’une Maitrise et d’un DESS en sciences de l’information et de la communication obtenus à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar au Sénégal. Il a également obtenu une maîtrise en administration publique à l’École nationale d’administration publique de Québec (enap.ca), après avoir terminé sa scolarité doctorale en communication publique à l’Université Laval à Québec. Il a été récipiendaire de la bourse de la fondation FORD (2007-2010) pour les études universitaires.