Collection DIBICA Classique

Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.

Berthoud, Paul (A)

1847-1930
Église Libre
Afrique Du Sud , Mozambique

Paul Berthoud, pionnier de la Mission Romande (Suisse), est ne à Vallorbe, dans le Jura Vaudois, en 1847. Son père, un des pasteurs marquants de l’Eglise Vaudoise, était un homme du «Réveil», aux fortes convictions, prêt à tous les sacrifices pour faire triompher la cause de l’Evangile [1].

L’enfance et la jeunesse de Paul Berthoud se passèrent dans la petite ville de Morges, puis il fit ses études de théologie à la «Faculté Libre» de Lausanne.

Le 17 mai 1869, avec son ami Ernest Creux, il adresse au synode de l’Eglise Libre une lettre cent fois remise sur le métier. Ces deux étudiants font un exposé de leur rêve, qui «…à force de prières, de conseils, d’oppositions…paraît réalisable: l’Eglise vaudoise doit entreprendre une Mission nouvelle,…c’est Dieu qui le veut…Nous soupirons après le moment où l’Eglise nous prendra pour ses missionnaires…»

Mais, à Lausanne, on aimait la «Mission de Paris» où des suisses, les Mabille, les Germond, et d’autres, servaient déjà. Toutefois, la guerre de 1870-71, avec les bouleversements qu’elle entraîna, força les choses. Au synode vaudois on sourcilla, on hésita encore, mais l’idée d’une «Mission Vaudoise» finit par dominer. On décida que Paul Berthoud se préparerait pour l’Afrique en allant apprendre l’anglais et en suivant des cours de médecine. II débuterait, comme Ernest Creux, chez les amis de la Mission de Paris, au Lesotho. Pour ce qui concerne le champ de la Mission Vaudoise, on aviserait selon les circonstances.

En 1872, il épouse Eugénie Exchaquet et part pour le Lesotho, où il arrive au début de 1873. La même année encore, avec Adolphe Mabille, il fait un voyage d’exploration au nord du Transvaal, chez les Pédis. Nos missionnaires furent mal reçus. Mais, en vue de la chaîne du Zoutpansberg, ils rendent visite à un collègue hollandais, M. Hofmeyr. Ce dernier et ses aides parlèrent des «Makoapa», «nègres voleurs et menteurs parlant une langue très difficile». Ils peuplent le pays des «Spelonken». Mabille et Berthoud prirent contact avec le chef de cette tribu, un certain Djiouaoua, de son vrai nom João Albasini, mulâtre d’origine italienne. Sans hésiter, Albasini engagea les missionnaires à se fixer chez ses Makoapa. Ainsi semblait s’ouvrir la porte d’un nouveau champ de Missions. Deux ou trois des chrétiens Sothos, qui accompagnaient les missionnaires, s’établirent sans délai chez les Makoapa. Quant aux missionnaires, leur siège est fait, ils reviendront avec l’autorisation des directeurs d’Europe.

C’est en 1875 seulement que les amis Creux et Berthoud, leurs familles et quelques africains, quittent le Lesotho et émigrent vers les bas-pays du Nord: les Spelonken (on dit aussi: district du Zoutpansberg), pour y fonder la Mission Vaudoise. Le 9 juillet, ils détellent sur le domaine de Klipfontein, qui deviendra la station missionnaire de Valdézia.

En 1876, l’administration boere prétend que Creux et Berthoud sont des missionnaires anglais non autorisés et les enferme, pendant cinq semaines, à Marabastad. Trois ans plus tard, les malheurs fondent sur les familles missionnaires. Paul Berthoud, souvent malade du paludisme, perd successivement sa femme et ses trois enfants, épuisés par les fièvres et vaincus par une épidémie de diphtérie.

Il était temps que Paul Berthoud, accablé, rentre au pays. Sa carrière missionnaire était-elle terminée? Non, en 1884, accompagné de sa nouvelle épouse, Mme Ruth Berthoud-Junod, il revient à Valdézia au moment où se discute la possibilité de l’expansion de la Mission vers les possessions portugaises, à l’Est.

Informée par les voyages d’Henri Berthoud et de ses collègues, la direction de la Mission autorise Paul Berthoud, sa femme et quelques accompagnants, à se rendre à Lourenço-Marques. Ainsi, du 29 avril au 9 juillet, la petite compagnie fait un voyage en wagon à bœufs par les plateaux et les gorges du Transvaal et sur les pistes au sable profond du littoral portugais.

Ils s’établissent d’abord à Rikatla, à 25 km de Lourenço-Marques, et sont bientôt secondés par les collègues Grandjean, Dr G. Liengme, H.-A. Junod et quelques demoiselles. Au cours des années, Paul Berthoud préside–malgré les guerres tribales et coloniales–à l’installation de nouvelles stations missionnaires. On organise l’évangélisation du pays, on ouvre de nombreuses petites écoles, des hôpitaux, on écrit la langue, on publie les premiers livres en ronga et thonga.

Ainsi Paul Berthoud qui, de vieille date, s’était fait une réputation de médecin, qui est aussi le météorologue du gouvernement, est surtout l’aïeul des Rongas et des Thongas.

En 1901, Mme Ruth Berthoud-Junod meurt à Durban. Un livre de ses lettres, écrites d’une main alerte, a été publié en 1904 (v. bibliographie).

En 1910, Paul Berthoud épouse Mlle Emma Schlub, une éducatrice missionnaire de valeur. Ils s’établiront, pour vingt années de retraite, à Lourenço-Marques. Il donnera le plus clair de son temps et de sa force, en collaboration, à la traduction de la Bible en ronga et à l’organisation de l’Eglise africaine.

Paul Berthoud s’est éteint le 26 février 1930. Avec sa mort se tourne une page héroïque de la Mission aux Spelonken et au sud du Mozambique.

André Clerc


** Notes:**

  1. H. A. Junod. «Ernest Creux et Paul Berthoud» Ed. Mission suisse dans l’Afrique du Sud. Lausanne.

Bibliographie:

PAUL BERTHOUD: La Mission romande à la Baie de Delagoa. Imprimerie G. Bridel Lausanne 1888. 33 p.

PAUL BERTHOUD: Bulletin de la Sté Neuchâteloise de Géographie. Lourenço Marques. Tome VIII. Imprimerie Attinger. Neuchâtel 1894 - 95 11 p.

PAUL BERTHOUD: Les nègres Gouamba ou les vingt premières années de la Mission Romande G. Bridel et Cie. Lausanne 1898, 222 p.

PAUL ET RUTH BERTHOUD: Lettres missionaires. G. Bridel et Cie. Lausanne 1900, 525 p.

R. BERTHOUD-JUNOD: Du Transvaal à Lourenço Marques. G. Bridel et Cie. Lausanne, 1904, 308 p. et 1 carte.

PAUL BERTHOUD: Les Noirs de l’Afrique australe, 1906, 11 p.

P. BERTHOUD: Considérations sur la Constitution des Eglises indigènes dans la Mission romande. Delachaux et Niestlé. Neuchâtel, 1912, 47 p.

JEAN RAMBERT: Deux ministères de cinquante années en Mission. 1872-1922. Commission des Missions de l’Eglise Libre du Canton de Vaud.

PAUL BERTHOUD: Eléments de Grammaire Ronga. Imprimeries Réunies S.A. Lausanne, 1920, 56 p.

PAUL BERTHOUD: Système SOL-F,A de notation musicale. Imprimeries Réunies S.A. Lausanne 1927, 15 p.

HENRI-A. JUNOD: Ernest Creux et Paul Berthoud. Mission suisse dans l’Afrique du Sud. Lausanne, 1933, 250 p.


Cet article, réimprîmé ici avec permission, est tiré d’Hommes et Destins : Dictionnaire biographique d’Outre-Mer, tome 2, volume 1, publié en 1977 par l’Académie des Sciences d’Outre-Mer (15, rue la Pérouse, 75116 Paris, France). Tous droits réservés.