Collection DIBICA Classique
Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.Mgijima, Enoch Josiah (A)
Mgijima était le leader des Israélites, un groupe dont le massacre en 1921 avait provoqué une vague de soucis sur l’ensemble du territoire sud africain. Selon Edgar, “Pratiquement tous les foyers en Afrique du Sud sont conscients du massacre des gens qui a eu lieu à Bulhoek, au district de Queenstown.” (Edgar 1988, 38)
Enoch Mgijima est né à Bulhoek en 1858. C’était le troisième des quatre fils de Josiah Mgijima, un paysan Mfengu. Il y avait aussi cinq filles dans la famille. La famille Mgijima faisait partie d’un des groupes Hlubi qui a été obligé de quitter Natal. Le groupe a éventuellement pu s’installer parmi les Gcaleka Xhosa de Hintsa. Selon la coutûme africaine, on les a aidés à reconstituer leurs troupeaux et ils sont redevenus un groupe indépendant. Josiah et sa famille ont suivi le pasteur méthodiste John Ayliff, et se sont installés près de Peddle, et ensuite à Fort Beaufort, probablement vers 1848. Josiah était un des convertis d’Ayliff, et lui et sa famille sont devenus membres de l’église méthodiste.
Lorsque Josiah Mgijima a décidé d’aller s’installer à Ntabelanga, près de Queenstown, il avait beaucoup de moutons, de bétail, de chèvres et de chevaux. A l’époque, il n’avait eu que des filles et désirait avoir un fils. Il est monté jusqu’au sommet du mont Ntabelanga et a prié ainsi: “Dieu, tu m’as donné ces moutons, ce bétail, ces chèvres et ces chevaux, mais je n’ai pas de fils parmi mes enfants.” Sa prière a été exaucée, car ses quatre enfants suivants étaient des garçons: Josuah, Timothy, Enoch et Charles.
Bulhoek et Ntabelanga faisaient partie de Kamastone, un township (commune) surpeuplé où la plupart des gens avaient du mal à gagner leur vie. Les écoles allaient jusqu’à Standard 3 et ceux qui voulaient aller plus loin dans leurs études, comme les fils de Mgijima, étaient obligés d’aller ailleurs. Tous les garçons sauf Enoch sont allés à Lovedale et ensuite à Zonnebloem College à Cape Town. Timothy et Josiah sont devenus interprètes, et Charles, avant de rejoindre les Israélites, était interprète de tribunal et instituteur. Enoch est le seul à ne pas avoir dépassé Standard 3, parce qu’il avait mal à la tête chaque fois qu’il allait à Lovedale. Il est devenu paysan et chasseur, mais aussi prédicateur laïc et évangéliste dans l’église méthodiste. Il n’a jamais pu être pasteur ordonné parce que l’éducation lui manquait.
Quand Enoch Mgijima a commencé à avoir des visions, il pensait que Dieu l’appelait à être leader.C’était impossible dans l’église méthodiste parce qu’il ne pouvait pas faire les études amenant à l’ordination. En plus, ses visions millénaires n’étaient pas conformes à l’enseignement méthodiste.
Il a eu sa première vision en 1907, alors qu’il chassait le gibier. Il a vu trois montagnes de hauteurs différentes, et a pensé que ce signe voulait dire que certains l’accepteraient immédiatement, d’autres avec réticence, et d’autres encore avec difficulté. Il a vu un ange qui lui a parlé d’une guerre prochaine pendant laquelle seuls les fidèles seraient épargnés (Edgar 1977, 26). Mgijima pensait qu’il n’était pas digne d’être prophète, disant qu’il était soûlard et pêcheur. Trois ans plus tard, il a vu la comète de Haley, et a pensé que c’était un signe qui confirmait son appel comme prophète. Il pensait qu’il avait besoin de retourner à l’ancienne religion des Israélites. De nombreuses personnes ont commencé à suivre Mgijima, et les missionnaires moraves à Shiloh lui ont demandé de prêcher chez eux. En 1912, quand leurs adeptes ont commencé à suivre Mgijima, ils lui ont demandé de ne pas revenir.
Ensuite, Mgijima est devenu membre de l’église de Dieu et des saints de Christ, qui avait été fondée aux Etats-Unis par un américain/africain, William Crowdy. Selon lui, le peuple noir serait les descendants des tribus perdues d’Israël. Cette idée plaisait à Mgijima, et il est devenu membre de la branche locale, dont le siège était à Uitenhage. Son contact était John Msikinya, qui avait aussi été autrefois prédicateur méthodiste local. Cependant, les visions de Mgijima ont continué, et cette église aussi, finalement, lui a demandé de partir. Il a donc fondé une nouvelle église qui s’appelait “les Israélites.”
Les deux visions qui avaient amené à ce qu’on demande à Mgijima de quitter l’église de Dieu et des saints de Christ avaient des implications politiques. Dans la première, il a vu deux chèvres qui se battaient avec un babouin mâle. Le babouin a saisi les deux chèvres et a commencé à gagner. Mgijima a expliqué que les noirs (le babouin) allaient lutter contre les blancs (les chèvres) et gagner.
En 1920 il a eu une vision dans laquelle des enfants étaient couchés par terre, les pieds en l’air. Plus tard, il a interprété cette vision: c’était la tragédie de Bulhoek. Plus tard dans la même année, il a eu un “appel” alors qu’il était assis en haut du mont Ntabelanga.
De plus en plus d’Israélites se sont installés à Ntabelange pour être près de Mgijima. Comme la terre qui était disponible pour bâtir des maisons était marécageuse, il a fallu que les autorités permettent que quelques maisons soient bâties sur des terres de pâturage commun qui appartenaient à la couronne ou au gouvernement. La maison de Mgijima était en fait sur un terrain qui appartenait à la couronne. De plus en plus de gens sont venus dans cette région, et ils ont bâti des huttes provisoires là où ils pouvaient. Les gens d’Oxkraal se sont plaints quand leur pâturage n’était plus disponible. Les fermiers se sont plaints parce qu’ils disaient que les Israélites empêchaient leurs ouvriers de travailler. Puis, en 1921, les Israélites ont refusé de donner leurs noms au recensement, expliquant que Dieu savait qui ils étaient (Bulhoek 1921, 6).
Le conflit a enfin abouti à cause de “l’affaire Mattushek.” On a tiré sur deux Israélites qui disaient qu’ils étaient en train d’acheter du fourrage, pensant qu’ils étaient des intrus. L’un d’entre eux, Charles Dondole, est mort de ses blessures. Charles Mgijima, le bras droit de son frère, a été assigné à comparaître devant la cour, mais il a refusé. Les autorités se sont fâchées parce que les Israélites refusaient de leur parler. S’ils tentaient de s’approcher de Ntabelanga, un gardien armé leur faisait faire demi-tour, et ils avaient l’impression d’être arrivés à une impasse.
Une force massive de policiers a été convoquée à Queenstown, sous le colonel Truter. Les deux côtés se sont préparés à se battre, et il était clair que ni l’un ni l’autre n’allait laisser tomber. Au moment de la confrontation, les deux côtés se sont mis en formation militaire. La police et l’armée avaient des armes à feu, tandis que les Israélites avaient seulement “des assegais à grande lame, des massues et des couteaux,” bien que, plus tard, on a trouvé que quelques uns d’entre eux avaient aussi des armes à feu. On a donné aux Israélites la possibilité de rentrer chez eux, mais ils ont répondu: “Nous lutterons, et Jéhovah luttera avec nous” (Bulhoek 1921, 23). Mgijima leur a promis que les balles deviendraient de l’eau et qu’ils n’avaient rien à craindre.
Les israélites se sont battus très courageusement, mais comme ils n’avaient pas les mêmes armes que la police, le résultat était inévitable. Après la bataille, on a découvert que Mgijima s’était caché quand il avait vu que les choses allaient mal. Il a été fait prisonnier avec son frère Charles. Il y a eu 163 morts, 129 blessés, et 95 personnes ont été faits prisonniers. (Bulhoek 1921, 28). The Times de Londres a décrit comment Mgijima était resté impassible alors qu’on emmenait tous les prisonniers.
La tragédie a provoqué des réactions très répandues, ainsi qu’un débat parlementaire. La réaction des leaders des églises blanches était intéressante: ils ont montré peu de sympathie pour les Israélites. L’évêque Carter de l’église anglicane pensait que le massacre avait été le résultat inévitable d’un comportement menaçant envers le gouvernement. (Cochrane 1987, 128). Selon le rév. Allen Lea de l’église méthodiste, les Israélites étaient “un groupe politico-religieux fanatique des Etats-Unis” qui avaient provoqué un incident. L’événement a amené à la création d’une commission qui était chargée d’enquêter les églises indépendantes. La question demeure néanmoins - pourquoi donc est-ce que la position [du gouvernement] a pu se dégrader au point où il a fallu que tant de personnes perdent leurs vies?
J.A. Millard
Bibliographie
The Bulhoek Tragedy: The Full Story of the Israelite Settlement at Ntabelanga [La tragédie de Bulhoek: l’histoire complète de la colonie des israélites à Ntabelanga]. East London: Daily Dispatch, 1921.
Cochrane, J. Servants of Power: The Role of the English Speaking Churches 1903-1930 [Serviteurs du pouvoir: le rôle des églises anglophones 1903-1930]. Johannesburg: Ravan Press, 1987.
Edgar, R. “The Fifth Seal: Enoch Mgijima, the Israelites and the Bulhoek Massacre 1921.” [Le cinquième sceau: Enoch Mgijima, les Israélites et le massacre de Bulhoek 1921]. Thèse de Doctorat, University of California, 1977.
Edgar, R. Because They Chose the Plan of God [Parce qu’ils ont choisi le plan de Dieu]. Johannesburg: Ravan, 1988.
Lea, A. The Native Separatist Church Movement in South Africa [Le mouvement séparatiste indigène en Afrique du Sud]. Cape Town: Juta, 1925.
The Times. 30 mai, 1921.
Cet article est reproduit, avec permission, de Malihambe - Let the Word Spread, copyright © 1999, par J.A. Millard, Unisa Press, Pretoria, South Africa, Tous droits réservés.