Collection DIBICA Classique

Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.

Bucking, Hermann

Noms alternatifs: Hermann Bücking
1863-1931
Église Catholique
Togo

Hermann Bucking S.V.D. naquit à Borbeck dans l’archidiocèse de Cologne le 7 novembre 1863. Jusqu’à l’âge de 17 ans il s’occupa dans la forgerie de son père. C’est alors qu’il se décida à se faire prêtre et missionnaire. Vocation tardive, il fit ses humanités à Steyl (Pays-Bas) et fut ordonné prêtre le 11 mai 1890. Après quelques années passées à Saint-Gabriel (Wien-Mödling) et à Steyl comme enseignant et éducateur, il fut envoyé au Togo en 1894, où il fut missionnaire jusqu’au moment de son expulsion le 27 novembre 1907. Après son retour au pays natal on lui confia plusieurs postes de responsabilité surtout dans l’éducation et l’administration de la Société. Il mourut à Münster le 10 juin 1931 et fut enterré au cimetière du couvent de Steyl.

Dès son arrivée au Togo il prit en charge la paroisse de Lomé tout en étant le supérieur régulier de tous les missionnaires de Steyl travaillant au Togo. Avec le P. Matthias Dier, le supérieur ecclésiastique de ce temps, il réussit à nouer et entretenir des relations harmonieuses. En juillet 1896 il fut nommé le premier Préfet Apostolique de la mission de Togo. Sans s’épargner il se lança dans le travail si bien que le P. Arnold Janssen, fondateur et supérieur général de la Congrégation à Steyl, se vit obligé de le rappeler à la raison: “Je dois absolument vous défendre de travailler inconsidérément et sans mesure jusque tard dans la nuit.” De Steyl il y eut du renfort. Les premières Religieuses firent leur entrée. Bien sûr, il y eut aussi des décès.

Un des problèmes les plus sérieux que le jeune Ordinaire du lieu eut à affronter était la question de la polygamie et par conséquent l’admission au baptême de polygames. Ce n’est qu’après son retour du troisième Chapitre Général, tenu à Steyl (1898), que le Préfet Apostolique, rétabli physiquement et spirituellement, put entreprendre un travail méthodique et constructif.

Aux différents postes de mission il fit construire des maisons indispensables pour la santé des missionnaires. Lors de ses voyages dans l’intérieur du pays il établit des écoles de brousse. En mai 1900 Atakpamé, le premier poste de mission à l’intérieur fut fondé; deux ans après Agomé-Palimé, une autre fondation. Le 22 avril 1901 un premier coup de pelle marqua le début de la construction de la Cathédrale à Lomé.

Dix ans après l’arrivée des premiers missionnaires S.V.D. au Togo (1902) on compta 1 854 chrétiens en vie, 897 catéchumènes et 1 728 élèves dans les écoles primaires catholiques. Le poste de mission de Kpandu fut érigé en 1904, celui de Gbi Bla en 1906.

Mgr Bücking ne réussit pas à établir de bonnes relations avec le gouvernement colonial. Doté d’un sens aigu des responsabilités il jugea inacceptable la conduite des Blancs au point de vue moral et religieux. Dans un rapport de 12 pages réédité en octobre 1899 sur une affaire particulière il écrit, “Dans toutes les rues on rencontre maintenant des prostituées et des concubines et la descendance des mariages interraciaux est en croissance comme les mauvaises herbes.”

Ce fut un défi. Plusieurs nouveaux cas se produisirent accompagnés d’accusations réciproques acerbes.

En 1903 le conflit devint public. Plusieurs débats et procès au tribunal n’apportèrent pas de solution aux points litigieux et les choses arrivèrent à Cologne et à Berlin. Le Département des Colonies au Ministère des Affaires Etrangères s’efforça de trouver un compromis. Mais Mgr Bücking appuya ses missionnaires sans réserve voulant éviter à tout prix qu’un missionnaire innocent fut renvoyé au pays natal. Le 3 décembre 1906 il y eut des débats violents au Reichstag et le confit prit la tournure d’une affaire politique de première classe. Sans consulter les supérieurs à Steyl ni au Togo, le gouvernement allemand négocia avec Rome directement et Rome décréta la démission de Mgr Bücking et l’expulsion du Togo de plusieurs missionnaires qualifiés pour sauvegarder la paix. Le supérieur général fut indigné et protesta énergiquement auprès des Autorités romaines. Aux confrères concernés il écrit: “Je témoigne ma sympathie aux chers confrères frappés de ce coup dur et je les exhorte amicalement de ne pas se décourager mais de porter leur regard sur Dieu qui a permis cette épreuve.”

Mgr Bücking obéit bien que profondément attristé et convaincu d’avoir agi selon son principe: “Paix et concorde, si possible, mais pas à n’importe quel prix.” Au reçu de la demande de démission le Cardinal-Préfet lui écrit: “En acceptant votre résignation qui a rendu nécessaire cette mesure de la Congrégation n’est pas une faute de votre part ni incompétence ou négligence, mais uniquement le bien de la mission imposé d’ailleurs par d’autres instances.”

En même temps il lui promit de conserver toute la correspondance relative dans les archives de la Congrégation afin que “les vraies raisons de l’affaire soient connues par les générations à venir.”

Pendant la durée du mandat de Mgr Bücking le nombre de catholiques monta de 795 à 4 813. Au moment de son abdication on compta 3 858 catéchumènes et 5 281 élèves.

Tandis qu’au moment de son entrée en fonction l’activité missionnaire se bornait aux régions côtières de Anecho-Lomé, il faut lui attribuer le mérite d’avoir organisé le réseau missionnaire dans l’intérieur du pays jusqu’à la ligne Atakpamé-Palimé-Kpandu. Les chrétiens togolais se souviennent de Mgr Bücking comme d’un “rocher,” ce qui met en vedette son caractère solide, marquant et inébranlable. Les missionnaires se rallièrent en bloc autour de lui surtout pendant le conflit avec le gouvernement. Sa droiture, sa fermeté et détermination ont porté la mission à la prospérité et ces mêmes traits de droiture et de fidélité aux principes chrétiens ont finalement causé son départ forcé du Togo.

R. P. Karl Müller


Littérature:

Informations et rapports dans plusieurs années du Kleiner Herz-Jesu-Bote (Steyler Herz-Jesu-Bote/Steyler Missionsbote resp.), surtout dans les volumes 26 à 35 (1898/99-1907/08).

H. auf der Heide, Die Missionsgenossenschaft von Steyl (1900), p. 377-419.

H. Fischer, Arnold Janssen, ein Lebensbild (1919), p. 319-331.

J. Thauren, Die Missionen der Gesellschaft III 1 Togo (1931), 37 pp.

Une présentation sommaire: Karl Muller, Geschichte der katholischen Kirche in Togo (Steyl, 1958), 573 pp., dont il y a une version française en abrégé: Histoire de l’Église catholique au Togo (Lomé, 1968); 251 p.


Cet article, réimprîmé ici avec permission, est tiré d’Hommes et Destins: Dictionnaire biographique d’Outre-Mer, tome 9, publié en 1977 par l’Académie des Sciences d’Outre-Mer (15, rue la Pérouse, 75116 Paris, France). Tous droits réservés.