Collection DIBICA Classique

Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.

Achte, Auguste-Amand-Aimé (A)

1861-1905
Église Catholique
Ouganda

Auguste-Amand-Aimé Achte, un des grands apôtres missionnaires catholiques de l’Ouganda, est né à Warhem, près de Dunkerque, dans la Flandre française, dans une famille qui avait quinze enfants. Son père, Lievin Achte, et sa mère, Sophie Vandaele, étaient des paysans humbles. Dès un jeune âge, Achte a exprimé son désir d’être missionnaire, et il a été envoyé au séminaire théologique junior, à Hazebrouck. En 1881, il a soumis sa demande d’inscription auprès de la Société des Missionnaires d’Afrique (les pères blancs), a été admis, et a complété le programme d’études à Algers et à Carthage (Tunisie), où il a été ordonné prêtre en 1885. Deux de ses frères sont aussi devenus missionnaires : Stanislaus a rejoint l’ordre de Cîteaux (les cisterciens) et a été envoyé à Beijing, tandis que Jérémie est devenu frère adjoint des Missionnaires d’Afrique. Auguste Achte a d’abord été affecté à Jérusalem comme enseignant dans la faculté théologique pour prêtres melchites de Ste. Anne, un établissement géré par les Missionnaires d’Afrique pour les étudiants syriens. Il a été très utile, car il avait appris l’arabe en Afrique du Nord.

En 1889, Achte a demandé d’être affecté dans l’Afrique Équatoriale, et il a été nommé à la procure des Missionnaires d’Afrique sur l’île de Zanzibar. Il a commencé l’étude du swahili dès qu’il était à bord du bateau qui prenait la mer à partir de Port Saïd, et on retient ses capacités linguistiques remarquables. En plus du flamand, du français, de l’arabe et du swahili, il a par la suite appris le luganda, le runyoro-rutoro et le kiziba, et a réalisé des traductions d’évangiles, de catéchismes, de recueils de chants et d’ouvrages sur la spiritualité dans ces langues. En outre, Achte s’est aussi appris l’anglais pour qu’il puisse communiquer avec les autorités britanniques de l’Afrique de l’Est. A Zanzibar, il a enseigné une classe de préparation au baptême à des enfants rachetés de l’esclavage. Il s’est aussi rendu sur le continent, à Bagamoyo, pour rencontrer les missionnaires qui avaient accompagnés H.M.Stanley et Emin Pasha dans les dernières étapes de l’expédition de secours d’Emin. En 1890, au mois d’Avril, avec le missionnaire allemand Schynse, il a reçu la permission de rejoindre la caravane d’Emin vers l’intérieur, et il a fait les 1.200 km (environ) pour rejoindre la rive sud du lac Victoria, à pied.

Pendant plusieurs mois Achte est resté à Nyegezi, où il s’est remis du voyage, a rebâti la station missionnaire, et a enseigné des élèves Sukuma et Ganda en swahili et en luganda. En 1891, au mois de janvier, il était prêt à traverser le lac avec l’évêque Hirth, pour atteindre l’Ouganda. Ce voyage, qui a été fait en canoé, est retenu dans la mémoire parce qu’ils ont été obligés de se délester d’un précieux harmonium pour alléger le vaisseau lors d’une tempête. Arrivé en Ouganda, Achte a d’abord aidé à fonder une station missionnaire à l’est de la capitale, à Kyagwe (qui a été de courte durée), et s’est ensuite rendu aux îles Sese du lac Victoria, pour réclamer la région qui y avait été assignée aux catholiques. Il était à Sese lors des événements dramatiques qui ont eu lieu dans la capitale en janvier 1892.

L’arrivée du capitaine F.D.Lugard, représentant de la Imperial British East Africa Company [société impériale britannique de l’Afrique de l’Est], qui est arrivé avec l’ordre de prendre l’Ouganda comme annexe, a empiré les mauvais sentiments qui existaient entre la minorité anglicane et la majorité loyaliste catholique. Quand les hostilités ont éclaté, Lugard a soutenu et a armé ses confrères religieux, craignant qu’ils seraient anéantis s’il n’agissait pas de la sorte. Les armes plus puissantes de Lugard ont provoqué la déroute inattendue des loyalistes, la fuite du roi Ganda et de l’évêque catholique sur le lac, et le pillage des stations missionnaires et des chapelles catholiques. Par la suite, le gouvernement britannique a versé des indemnités à l’église catholique à cet égard.

Achte était à Sese quand son évêque est arrivé et lui a donné l’ordre de s’occuper des réfugiés catholiques qui se regroupaient à Buddu et au-delà de la frontière de l’Afrique de l’est allemande. Achte, un homme de nature douce, muni d’une patience infinie, semblait avoir été né homme de paix. Pendant ses quatorze ans passés comme missionnaire en Ouganda, il a fait des pactes de sang avec des chefs africains au moins huit fois. Maintenant, il s’est chargé de la tâche d’écrire à Lugard pour lui demander qu’il divise le pays et qu’il pourvoie des conditions plus justes aux catholiques vaincus. Cette lettre a éventuellement servi à obtenir le retour du roi, ainsi que des accords successifs qui ont donné de meilleures garanties aux catholiques. Achte, qui marchait partout avec son grand rosaire de Jérusalem, vivait en grande pauvreté parmi les réfugiés du continent et les exils Sese, et se réjouissait de partager de manière aussi littérale à leurs conditions de vie. Dans ces conditions tourmentées il est tout de même arrivé à fonder la mission de Bikira, à faire bâtir une église élégante, à continuer son travail linguistique, et à faire la catéchèse, le baptême et la confirmation de 1.200 personnes en 1893. Son expérience missionnaire était un mélange paradoxal de bouleversement violent et de conversions en masse. En dépit du fait que la polémique entre catholiques et protestants en Ouganda ait provoqué des conséquences tragiques et violentes, elle a aussi porté fruit dans le domaine des convictions chrétiennes aux racines profondes.

Lorsqu’on a permis aux catholiques de faire l’évangélisation de Mawokota, dans le sud-est du royaume Ganda, c’est Achte qui a été envoyé pour fonder une station missionnaire à Koki, où une communauté florissante a été établie. Au cours d’une retraite spirituelle d’une semaine à Koki, Achte et deux autres prêtres ont écouté les confessions de 3.286 personnes. Ensuite, en 1894, quand les autorités britanniques ont lancé des expéditions punitives contre les Nyoro de l’Ouganda de l’ouest, on a demandé à Achte d’établir une mission catholique à la frontière Nyoro, sous Kikukule, un chef local de loyauté douteuse. En dépit de la position extrêmement fragile des catholiques, Achte a su pallier l’hostilité latente du chef et bâtir la mission de Bukumi. Cette mission a survécu malgré le passage des vagues successives de rebelles Nyoro.

En 1895, on a demandé à Achte d’aller au royaume de Toro, ausii dans l’ouest de l’Ouganda, pour fonder la mission de Virika près de Fort Portal, au pied des monts Ruwenzori. Achte était le premier missionnaire étranger parmi les Toro, mais le roi Toro et sa cour s’étaient déjà engagés à devenir anglicans. Achte a posé les fondements en dépit d’une grande pénurie et d’une hostilité constante de la part des autorités autochtones. Les bâtiments de la mission ont été érigés, trois écoles ont démarré, et en 1897 il y avait déjà plus de 3.000 catéchumènes. Achte a continué son travail linguistique, tout en donnant des soins médicaux et en donnant des cours de religion. Avant tout, Achte enseignait à ses chrétiens comment prier et comment vivre moralement. Il a même trouvé le temps de grimper les monts Ruwenzori et d’y planter une croix au sommet. La version Toro du nom Achte était “Ati”, mais ses confrères missionnaires l’appelaient “Père Act-ivité” pour blaguer, parce qu’il avait tellement d’énergie.

Vers le début de 1897, Achte a exploré la région sud du lac Albert, visant à créer une fondation à Katwe et à prendre le contact avec les autorités belges de l’État Libre du Congo sur la rive opposée du Semliki. C’est là que pendant un de ses voyages, lui et le petit groupe qui l’accompagnait sont tombés entre les mains du redoutable Mulamba, le leader d’une armée de mutinés de la Force Publique Belge qui était de connivence avec les Manyema, qui étaient également à craindre à cause de leurs tendances cannibales bien connues. Achte a été mis à nu, et sa vie a été menacée. Après trois jours sans avoir mangé, et suite à plusieurs entrevues avec Mulamba qui ont mis ses capacités réconciliatrices à l’épreuve ultime, il a réussi à convaincre ses capteurs qu’il était un homme de Dieu, français et non belge, qu’il n’était pas armé, et qu’il n’avait jamais frappé un africain. Suite à cela, lui et ses compagnons ont été relâchés.

Toujours en 1897, on a demandé à Achte de rentrer à la capitale et de prendre en main la paroisse de la cathédrale de Rubaga, pensant que c’est là que ses dons de réconciliation et de bien s’entendre avec les anglais serait le plus utile. Pendant ce temps, le roi Ganda, Mwanga, qui était désormais protestant nominal, s’était allié aux Nyoro et avait dirigé une rébellion contre les britanniques. Mwanga comptait sur le soutien catholique et certains chefs catholiques l’avaient bêtement rejoint. Une fois de plus, le pays était agité et le pillage et les troubles étaient partout. Mwanga a été capturé en 1898 et envoyé en exil dans les îles Seychelles, où il est mort en 1903. Son fils Daudi Chwa, qui était encore enfant, a été mis sur le trône. En plus de son travail pastoral considérable à Rubaga, et dans tout ce bouleversement, Achte est aussi devenu “ Pro Vicaire du Nyanza du Nord, “ c’est-à-dire, administrateur du diocèse pendant un an lors de l’absence de l’évêque. Il a traversé le pays en long et en large, a rendu visite à toutes les stations missionnaires, a calmé et a réconcilié tout le monde, et a aidé à accomplir l’œuvre de la restauration. Dans son temps libre, il a écrit une Histoire de l’Ouganda.

A la fin de 1899, Achte a été élu membre du chapitre général de sa société, qui devait se réunir à Alger en 1900. Il a fait un voyage de retour à la côte, s’est arrêté à sa Jérusalem bien-aimée, est passé voir sa famille en France, à fait un pèlerinage à Rome, où il a servi lors de la canonisation de St. Jean Baptiste de la Salle, et s’est rendu en Écosse pour mettre son anglais au point lors d’un séjour chez les frères maristes à Glasgow. C’était à Glasgow qu’il a appris du danger que courait son frère Stanislaus à Beijing à cause des rebelles Boxer. Heureusement, Stanislaus n’a rien souffert.

Après s’être rendu au chapitre général à Alger, Achte est rentré en Ouganda et une fois de plus a été assigné à Rubaga de 1901 à 1902. A la fin de cette période, il a demandé à être affecté une fois de plus à Virika et au Toro, où il a passé deux années finales très actives. C’est à Virika qu’il est mort, suite à une maladie brève, le 2 février, 1905, à l’âge de 44 ans, et c’est là qu’il a été enterré le jour suivant. On a dit que la mort d’Achte a marqué la fin d’une ère missionnaire en Ouganda. Lorsqu’il est arrivé en 1891, il y avait neuf missionnaires catholiques, trois stations missionnaires, et un grand total de 12.000 personnes baptisées et catéchumènes. Quand il est mort, quatorze ans plus tard, l’église catholique en Ouganda comptait soixante-douze missionnaires mâles, seize sœurs missionnaires, 965 catéchistes, plus de vingt stations missionnaires, un séminaire junior et majeur, 92.182 chrétiens baptisés et plus de 100.000 catéchumènes. Un ami missionnaire anglican, l’archidiacre Walker, a écrit que le père Achte avait consacré sa vie à la gloire de Dieu. Rien ne pourrait être plus vrai que cet hommage émouvant.

Aylward Shorter M. Afr.


Bibliographie

G. Leblond, Le Père Auguste Achte (Alger: Missionnaires d’Afrique, 1912).

Élizabeth Mary Matheson, African Apostles [Apôtres africains] (New York: St. Paul Publications, 1963).


Ce récit, soumis en 2003, a été recherché et rédigé par le dr. Aylward Shorter M. Afr., directeur émérite de Tangaza College Nairobi, université catholique de l’Afrique de l’Est.