Collection DIBICA Classique
Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.Kalemba, Matthias Mulumba
Kalemba était membre de la tribu Soga, et il est né dans le compté de Bunya, dans l’est de l’Ouganda. Il a été capturé, avec sa mère, par un groupe de Ganda du clan des loutres, qui faisaient un raid. Ses ravisseurs l’ont vendu comme esclave à Magatto, l’oncle du chancelier Mukasa, et membre du clan des rats comestibles. Kalemba a grandi dans cette famille, étant traité comme membre du clan et homme libre. Suite à la mort de son père adoptif, il est resté un certain temps chez le frère de Magatto, Buzibwa. Quand il a atteint la maturité, il s’est engagé chez Ddumba, le chef du compté de Ssingo. C’est là qu’il est devenu chef de la maison de son maître, et superviseur de tous les autres serviteurs. Quand Ddumba est mort, son frère a reconnu la position de Kalemba de manière officielle en lui créant un poste en mémoire de Ddumba. A partir de ce moment là, Kalemba était connu comme le Mulumba.
Kalemba était un homme plutôt grand, de teint clair. Il avait une petite barbe, chose rare chez un Ganda. Physiquement parlant, il était extrêmement fort, de caractère joyeux, et c’était quelqu’un qui cherchait la vérité. Cette passion l’a d’abord amené à l’Islam, mais ensuite - suite à l’arrivée des missionnaires anglicans, - vers leur instruction chrétienne. C’était le devoir du chef de Ssingo d’entreprendre la construction au palais royal. Quand le roi Mutesa I a décidé de bâtir des maisons pour les missionnaires catholiques, c’est à Kalemba que la tâche est revenue. Il a donc rencontré des catholiques pour la première fois, et a découvert que les préjudices protestants à leur égard n’étaient pas vrais. Le 31 mai 1880, il s’est inscrit comme catéchumène catholique, mais a parfois continué à aller aux cours bibliques anglicans.
Kalemba a pris son allégiance chrétienne au sérieux. Malgré le fait qu’il possédait un grand nombre de femmes, il a fait d’autres provisions pour toutes celles-ci sauf une, appelée Kikuvwa, qu’il a gardé comme femme. Il a été baptisé par le Père Ludovic Girault le 28 mai, 1882. Kalemba s’est auto inscrit dans l’école de l’humilité en acceptant de faire des tâches serviles, en travaillant dans son jardin, en portant des fardeaux, et même en acceptant des coups qu’il ne méritait pas de la part des soldats du roi. Il déclarait fièrement qu’il était esclave - “l’esclave de Jésus-Christ.” On dit qu’il a chassé un buffle sauvage à l’aide d’un bâton. Il prenait part aux raids de guerre organisés par son chef, mais refusait de participer au pillage, qui était le vrai but des raids. Il refusait aussi d’accepter les pots-de-vin quand il administrait la justice de la part de son maître.
Dans sa maison à Mityana, à une soixantaine de kilomètres de la capitale, Kalemba vivait une vie humble et pratiquait comme métiers la poterie et le tannage. Pendant l’absence des missionnaires catholiques en Ouganda, de 1882 à 1885, Kalemba a organisé une communauté chrétienne à Mityana. C’est là qu’il a fait de l’instruction chrétienne avec les futurs martyrs Noe Mawaggali et Luc Banabakintu. Quand la persécution a éclaté en 1886, il y avait à peu près deux cent croyants dans cette communauté de chrétiens et de catéchumènes.
Quand l’orage a commencé, Kalemba se trouvait dans la capitale, où il était occupé à rebâtir le palais du roi qui avait brûlé en février 1886. Bien qu’il se trouvait en danger imminent, il n’a pas quitté son poste. Le maître de Kalemba, qui était chef de Ssingo, a pensé qu’il vaudrait mieux l’arrêter lui-même, ainsi que son compagnon, Luc Banabakintu. Ils ont passé la nuit du 26 mai en ville à la résidence du chef, leurs pieds dans les fers et le cou dans un joug d’esclave. Le jour suivant, on les a amenés au palais, où le chancelier les a condamnés à une mort terrible simplement parce qu’ils avaient reconnu qu’ils étaient chrétiens. Alors qu’ils étaient en route pour Namugongo, l’endroit traditionnel des exécutions, Kalemba s’est arrêté et a demandé qu’on le mette à mort tout de suite, là où il était encore, dans l’ancienne partie de la ville de Kampala. Les bourreaux se sont attaqués à lui sur l’endroit même, lui coupant les bras et les jambes, et lui arrachant des lambeaux de chair pour les brûler devant lui. Son courage et sa résistance ont été extraordinaires, et les seules paroles à lui échapper aux lèvres ont été, “Mon Dieu! Mon Dieu!” Les bourreaux lui ont ensuite ligoté les artères et l’ont laissé sur place pour qu’il meure lentement.
La passion de Matthias Kalemba a commencé à midi le jeudi 27 mai, et ne s’était toujours pas terminée le Samedi. Quelques hommes qui venaient couper des roseaux dans le marais ont entendu une voix qui criait, “De l’eau! De l’eau!” Ils ont été tellement terrifiés par ce qu’ils ont vu qu’ils ont pris la fuite. On suppose qu’il est mort le Dimanche, le 30 mai. Dieu seul peut savoir à quel point il aura souffert l’agonie. Luc est mort avec Charles Lwanga et ses compagnons à Namugongo le 27 mai. Matthias Kalemba, le Mulumba, a été déclaré “Béni” par le Pape Bénédicte XV en 1920, avec les vingt-et-un autres martyrs. Ils ont été proclamés saints canonisés en 1964 par le Pape Paul VI.
Aylward Shorter M. Afr.
Bibliographie
J.F. Faupel, African Holocaust [Holocauste africain] (Nairobi, St. Paul’s Publications Africa, 1984 [1962]).
J.P. Thoonen, Black Martyrs [Martyres noirs] (London: Sheed and Ward, 1941).
Cet article, soumis en 2003, a été recherché et rédigé par le dr. Aylward Shorter M. Afr., directeur émérite de Tangaza College Nairobi, université catholique de l’ Afrique de l’Est.