Collection DIBICA Classique
Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.Kizito
Kizito, le plus jeune des martyrs catholiques de l’Ouganda, avait quatorze ou quinze ans quand il est mort. Aucun nom de baptême n’a été enregistré à son égard, car il a été baptisé en hâte par Saint Charles Lwanga dans la nuit du 25 mai, 1886, avant d’être condamné à mort pour sa foi par le roi Mwanga le jour suivant. Le père biologique de Kizito s’appelait Lukomera, et il était du clan des poissons-poumon (Mamba). Sa mère s’appelait Wangabira, et elle était du clan des civettes (Fumbe). A cause d’un pacte de sang entre les clans Mamba et Léopard, et parce qu’un membre du clan Mamba est venu en aide à Kiggwe, du clan des Léopards, le fils de Kiggwe, Nyika, a adopté Kizito. Nyika avait été Kangawo, ou chef du compté de Bulemezi, et il est mentionné par l’explorateur John Hanning Speke dans [le récit de] sa visite à Buganda en 1862. Speke l’appelle “Congow.”
Cependant, en 1874, seulement quelques années après la naissance de Kizito, Nyika a perdu la faveur royale et a été relégué au chef-lieu insignifiant de Kajongolo. C’était vers cette époque que Nyika avait décidé d’adopter un des fils de Lukomera, et que Kizito lui avait été confié. Le roi Mutesa I a restauré Nyika, et son fils, le roi Mwanga, lors de son accession au trône en 1884, l’a nommé Gardien du Cordon Ombilical Royal. Ce poste très important était considéré inférieur seulement au poste de Chancelier (Katikiro), car selon la croyance traditionnelle Ganda, le cordon ombilic était le double d’une personne, et était le sujet de nombreux rituels. Kizito a été fait page dans les appartements privés du roi. Quoique relativement petit pour son âge, c’était un beau garçon, de caractère vif et animé.
Nyika était bien disposé vis-à-vis du christianisme, et les membres de sa famille ont été parmi les premiers ougandais à être baptisés par les missionnaires catholiques. Kizito, à son tour, est devenu catéchumène enthousiaste et fervent. Suite au martyre de Joseph Mukasa, il était de plus en plus conscient du danger qu’il courait, et demandait constamment aux missionnaires de recevoir le baptême. Une fois, lorsqu’il a passé la nuit à la station missionnaire, il a refusé de partir jusqu’à ce que la date de son baptême soit fixée. Une autre fois, le missionnaire Siméon Lourdel l’avait pris dans ses bras et l’avait fait sortir par la fenêtre du rez-de-chaussée, juste pour se débarrasser de lui, parce que les missionnaires considéraient qu’il était encore trop jeune et n’avait pas encore reçu la préparation nécessaire au baptême. Finalement, Lourdel avait enfin promis de le baptiser dans l’espace d’un mois. Avant que ce mois ne puisse s’écouler, il avait reçu le baptême et le martyre.
Kizito était donc employé comme garçon de courses du roi. Le matin du jour décisif, le 25 mai, 1886, il avait été envoyé chercher des canoés pour la chasse aux hippopotames de Mwanga. On l’envoyait aussi souvent mener le bétail aux bouchers, qui les abattaient pour la table royale. Kizito, qui était jeune et beau, était parfois l’objet du désir homosexuel du roi, mais il était mûr pour comprendre le mal qui le menaçait. Fortifié par les conseils de Charles Lwanga, il résistait, avec péril, aux avances importunes du roi. Le meurtre de Denis Sssebuggwawo, son camarade page dans les appartements royaux, ainsi que la castration d’Honorat Nyonyintono, le majordome, avait déconcerté le jeune Kizito. Charles Lwanga l’a rassuré le soir du 25 mai: “Si nous devons mourir pour Jésus, nous le ferons ensemble, la main dans la main.” Accompagné de quatre autre catéchumènes, Kizito a été baptisé par Charles Lwanga cette nuit même dans la salle d’audiences de Munyonyo.
Le jour suivant, dans la cour de la salle d’audiences, le roi les a tous condamnés à mort au bûcher à Namugongo. Les pages et les serviteurs du roi ont été liés en deux groupes de garçons, les petits et les grands. Lourdel, qui attendait une audience avec le roi en vain à l’extérieur, les a vus partir. Il a remarqué que le petit Kizito riait à cause de cette situation bizarre, et qu’il avait l’air heureux, comme s’il jouait avec ses camarades. Arrivés à Namugongo, il a fallu que les jeunes martyres attendent une semaine. Quoique liés ou entravés par des cordes, des anneaux de fer et des jougs d’esclave, ils ont passé le temps dans la prière et les chants. Les catholiques récitaient les prières du matin et du soir, les prières d’avant et d’après le repas, l’angélus et le rosaire. Les bourreaux étaient étonnés par le calme, la résignation et la joie de leurs charges.
Le 3 juin, 1886, à Namugongo, les trente et un jeunes hommes et garçons, dont Kizito, ont été liés de lanières en fibre et enveloppés de nattes. On a ensuite mis ces fagots humains sur le bûcher. Alors que les flammes montaient, on pouvait entendre leurs voix, car ils priaient et s’encourageaient les uns les autres. Les derniers mots de Kizito étaient: “Au revoir mes amis, nous sommes en route.” Kizito était parmi les vingt-deux martyres catholiques de l’Ouganda qui ont été béatifiés par le Pape Bénédicte XV en 1920. Ils ont été canonisés par le Pape Paul VI en 1964.
Aylward Shorter M. Afr.
Bibliographie
J.F. Faupel, African Holocaust [Holocauste africain] (Nairobi, St. Paul’s Publications Africa, 1984 [1962]).
J.P. Thoonen, Black Martyrs [Martyres noirs] (London: Sheed and Ward, 1941).
Cet article, soumis en 2003, a été recherché et rédigé par le dr. Aylward Shorter M. Afr., directeur émerite de Tangaza College Nairobi, université catholique de l’ Afrique de l’Est.