Collection DIBICA Classique
Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.Otunnu, Yusto
Yusto Otunnu est le fondateur du mouvement du Renouveau Évangélique des Choisis du nord de l’Ouganda.
Otunnu est né le 22 mars, 1922, à Namokora, au Compté de Chua, dans le district de Kitgum, qui est dans le nord de l’Ouganda. Le père d’Otunnu s’appelait Yona Lucuba Olango du clan des Kadwong, un des clans qui faisait partie d’un groupe ethnique plus répandu qui occupe les districts présents de Kitgum, Pader, Gulu et Amuru. La mère d’Otunnu s’appelait Aol. La famille était chrétienne mais n’était pas riche.
Dans ses années formatives, Otunnu a rejoint la classe de catéchisme et a été baptisé, recevant le nom de Yusto. Il a ensuite été élève dans une des écoles dans la brousse, mais n’a pas continué ses études d’école primaire. C’était un garçon plein d’énergie et enthousiaste, qui faisait preuve de grandes compétences et de capacités artistiques dans les activités traditionnelles et culturelles des Acholi.
Yusto Otunnu a été recruté par les K.A.R. (King African Rifles) [Fusiliers (du) Roi Africain] en 1940, et a servi en Éthiopie, en Inde et au Sri-Lanka pendant la deuxième guerre mondiale. Cette expérience lui a permis de mieux apprendre le swahili et d’ajouter cette langue au Lwo, sa langue ethnique. Il a quitté les K.A.R. en 1945.
Yusto Otunnu a épousé Amato Joséphine en 1948 et ils ont eu treize enfants. Leur fils Olara-Otunnu est devenu politicien proéminent par la suite, le premier ougandais a servir au Secrétariat des Nations Unies pour les Affaires des Enfants dans les années 1980. En dépit du fait que Yusto n’était pas bien éduqué, il a travaillé très fort pour l’éducation de tous ses enfants.
La vraie vocation chrétienne de Yusto Otunnu a commencé après un sermon qu’il a entendu le 29 septembre, 1947, un sermon préché par un évangéliste et médecin Muganda, le dr. Elia Lubulwa. Lubulwa était un des premiers convertis du mouvement du renouveau est africain des années 1940. Malgré le fait qu’Otunnu avait été baptisé et confirmé dans l’église anglicane de l’Ouganda, il reconnaissait la froideur spirituelle qui existait dans l’église de l’Ouganda. Il est devenu membre du nouveau mouvement connu par le terme Luganda, balokole, (“les sauvés”). Après sa conversion, Otunnu était toujours animé du Saint-Esprit et voulait provoquer un changement dans la vie de l’église dans ce domaine parce que beaucoup de personnes qui se disaient chrétiens étaient toujours engagés dans leurs pratiques religieuses traditionnelles, vivaient dans la polygamie, fumaient et se soûlaient.
Le zèle de l’évangélisation a rempli son cœur et l’impact de son message a été renforcé par son élocution excellente en swahili et en lwo. Le 6 janvier, 1948, il a préché un sermon qui a incité Janani Luwum à se convertir au mouvement balokole (renouveau est africain). A l’époque, Janani Luwum avait une formation d’enseignant en école primaire.
Yusto Otunnu, Janani Luwum et d’autres sont devenus de grands prédicateurs charismatiques dans le nord de l’Ouganda et dans le pays entier. Les premiers convertis qui avaient une passion pour prêcher l’évangile ont souvent été arrêtés par les leaders locaux et les leaders d’église dont les pratiques et les traditions ont souvent été mises à l’épreuve par ce nouveau message étrange. En 1949, Otunnu a ouvertement parlé à l’évêque Usher Wilson du diocèse du nil supérieur lors d’une visite pastorale qu’il faisait à All Saints Church à Kitgum, à propos de la vie spirituelle froide et sèche de l’église anglicane de l’Ouganda.
Plus tard, Janani Luwum, qui accompagnait souvent Otunnu, a rejoint un collège Théologique à Buwalasi, à Mbale, dans l’est de l’Ouganda, et a servi comme pasteur ordonné dans l’église anglicane de l’Ouganda. Pour sa part, Otunnu est resté évangéliste laïc charismatique, et a fait figure de proue au sein du mouvement de renouveau est africain dans l’Ouganda du nord.
La prédication d’Otunnu a attiré beaucoup de gens Acholi au nouveau mouvement. Un grand nombre de membres du clergé dans l’église anglicane de l’Ouganda dans cette époque turbulente ont été convertis grâce au ministère d’Otunnu. Le mouvement balokole était en fait la source principale de l’évangélisation et de l’implantation d’églises parmi les croyants traditionnels dans le nord de l’Ouganda et dans le sud du Soudan.
Vers les années 1950, le mouvement balokole avait déjà grandi énormément. Dans le contexte de cette croissance, une nouvelle organisation appelée the Chosen Evangelical Revival (C.E.R.) [le renouveau évangélique des choisis] a été formée le 28 août, 1958, à Anaka. Yusto Otunnu (qui était Acholi) était le directeur, et d’autres membres comprenaient Obuku Yowaci (qui était Iteso), Owino Lajaro (qui était Mudama), et Dronyi Sosthenes (qui était Lugbara). Cependant, dans l’espace d’une décennie, le mouvement du C.E.R. s’était divisé une fois de plus. Un des groupes séparatistes, dirigé par Lajaro Owino, a accusé Otunnu d’adultère parce qu’il avait recruté beaucoup de femmes pour des postes élevés au sein de son groupe. Il choisissait aussi souvent des jeunes filles pour le servir. Le groupe d’Otunnu a été appelé Morokole abor, un terme Acholi qui veut dire “les sauvés adultères.” En attendant, le groupe qui s’opposait à lui et qui refusait de pardonner l’immoralité dans l’église, s’appelait Morokole adelawang, qui veut dire “les sauvés qui ont les yeux grand ouvert.” Le fossé qui se creusait entre ces deux groupes avait commencé dès les années 1960, mais la séparation effective a eu lieu dans les années 1970. Les fidèles d’Otunnu lui ont donné un nouveau titre, Baba, qui veut dire “père.” A partir de l’époque de la division, les nouveaux convertis ont commencé à s’identifier aux leaders du mouvement de renouveau plutôt qu’avec le Christ, mais les deux groupes sont tout de même restés dans l’église anglicane de l’Ouganda.
En 1977, suite au meurtre de l’archevêque Janani Luwum par Idi Amin, Yusto Otunnu s’est réfugié au Kenya. Au Kenya, Otunnu est devenu un évangéliste actif et a sévèrement critiqué le régime militaire du président Idi Amin. A cette époque, il a été très reconnu comme évangéliste international, un peu comme l’évêque Festo Kivengere.
Yusto Otunnu était aussi très connu à cause de ses capacités d’entrepreneur. Quand il est rentré en Ouganda après son exil, il a fondé une société de transport en autobus qui s’appelait “La société d’autobus du Saint-Esprit,” une innovation qui a permis à son groupe d’être en meilleure situation financière. Cette position leur a aussi permis de se séparer de l’église anglicane de l’Ouganda, ce que les autres membres du renouveau est africain n’ont pas fait. La séparation du groupe d’Otunnu s’est en fait déroulée lentement, en dépit des nombreuses tentatives de réconciliation avec l’église.
Le 9 mars, 1984, l’évêque du diocèse de l’Ouganda du nord, Benoni Ogwal-Abwang, a tenté une dernière fois de travailler avec le groupe d’Otunnu, qui faisait de l’évangélisation dans la région, mais cette tentative a échoué. Il en a résulté qu’en septembre 1985, Otunnu a inscrit son mouvement, qui avait été permis par le gouvernement du général Tito Okello, quelqu’un à qui il était apparenté. De plus, son fils Olara-Otunnu était ministre dans ce gouvernement.
Quand le gouvernement du général Tito Okello a été renversé par Yoweri Museveni le 26 janvier, 1986, Otunnu a une fois de plus pris la fuite, ce réfugiant cette fois-ci à Oxford, en Royaume-Uni. Agé de soixante-huit ans, il s’est inscrit comme étudiant de l’anglais. Plus tard, l’université de Taiwan lui a conféré le doctorat en théologie honoris causa parce qu’il était évangéliste éloquent et en reconnaissance de son œuvre missionnaire.
Yusto Otunnu est mort le 12 avril, 1998, à l’âge de soixante-seize ans, et a été enterré à Oxford, en Angleterre, selon les rites funéraires traditionnels Acholi, comme il l’avait indiqué dans son testament.
Wilson Atine
Sources:
“A Centenary Pictorial magazine: Gospel Centenary in Acholi 1904-2004,” [Un illustré centenaire: le centenaire de l’évangile Acholi 1994-2004] page 16, non-publié.
Rapport sur la séparation du CER du diocèse de l’Ouganda du nord en 1984.
Dissertation du rév. James Okoyo à Uganda Christian University pour l’obtention du diplôme en théologie, 2006, non-publié.
Cet article, reçu en 2008, a été rédigé par le rév. Wilson Atine, coordinateur de liaison du DIBICA au collège théologique archevêque Janani Luwum, Gulu, Ouganda, une institution affiliée du DIBICA. Le rév. Atine a participé au stage DIBICA sur l’histoire orale qui a eu lieu à Uganda Christian University à Mukono, du 27 au 31 octobre, 2008, et qui avait été sponsorisé avec l’aide du Global South Institute.