Sagna, Augustin

1920-2012
Église Catholique
Sénégal

Ce prélat catholique est né le 23 octobre 1920 à Bignona dans le sud du Sénégal où son père était catéchiste. Après l’école primaire, ses parents l’envoyèrent à l’école secondaire à Ziguinchor puis au Séminaire de Ngasobil où il entre le 11 janvier 1937.[1] C’est d’ailleurs dans cet établissement qu’il entamera son cycle de philosophie en 1943 avant de rentrer au grand séminaire de Koumi, en Haute-Volta, où étaient envoyés à l’époque les candidats sénégalais à la prêtrise pour le cycle de théologie.[2] Il recevra l’ordination presbytérale le 17 mars 1950 à Ségou, au Soudan français.[3] De retour dans son pays, il est d’abord nommé vicaire à la paroisse de Oussouye où il exerce son ministère presbytéral pendant quelques années. Il sera par la suite affecté au petit séminaire Saint-Louis de Ziguinchor comme professeur. Il prendra la direction de l’établissement quelques années plus tard.

Évêque de Ziguinchor

Il était encore directeur du petit séminaire Saint-Louis lorsque, le 29 septembre 1966, il est nommé évêque de Ziguinchor, en remplacement de Monseigneur Prosper Dodds, transféré la même année au diocèse de Saint-Louis, au nord du Sénégal. Les débuts de son épiscopat n’ont pas été faciles, puisqu’au départ de son prédécesseur, des missionnaires européens, principalement membres de la congrégation du Saint-Esprit qui travaillaient dans le diocèse de Ziguinchor, ont décidé de le suivre à Saint-Louis. Ce départ inattendu a ainsi laissé certaines paroisses sans pasteur. Même après l’indépendance du Sénégal, il y avait encore des missionnaires européens qui acceptaient difficilement d’avoir pour supérieur un évêque noir africain. Cette épreuve a convaincu Augustin Sagna qu’il lui fallait accorder une attention toute particulière à la formation des agents pastoraux autochtones pour prendre en charge les services et paroisses de son diocèse sans devoir compter nécessairement sur les missionnaires venus d’ailleurs notamment de l’Europe.

Pasteur soucieux de l’éducation de la jeunesse

Augustin Sagna a été un grand bâtisseur, puisque pendant son épiscopat, il s’est beaucoup investi pour l’éducation de la jeunesse. Il a ainsi fait construire un grand nombre d’écoles privées catholiques là où l’État sénégalais n’avait pas encore ouvert de classes. Il insistait sur le fait que c’est par l’instruction et la formation de la population que l’on peut construire des hommes et des femmes pour en faire de bons citoyens qui seraient en mesure de servir leur pays un jour. Parmi ses œuvres dans le domaine de l’éducation de la jeunesse, on peut citer, entre autres, la fondation du Lycée Saint-Charles Lwanga et du Collège-séminaire Notre-Dame de Ziguinchor, du Collège Joseph Faye d’Oussouye, du Collège des filles de Djifanghor, du collège de Thionck-Essyl, du grand séminaire de Brin.

L’exemple le plus éloquent fut la construction, en 1968, dans la localité de Bindialoum, à deux kilomètres de la frontière guinéenne, d’un complexe et d’une école pour accueillir les milliers de ressortissants de la Guinée portugaise fuyant la guerre de libération qui sévissait dans leur pays.[4] Dans les années 1960 et 1970, jusqu’à 50 000 personnes venues de ce pays avaient trouvé refuge en Casamance. Cette école permettait aux enfants de ces réfugiés d’être scolarisés dans de bonnes conditions.[5] Beaucoup d’entre ces Bissau-guinéens sont rentrés chez eux pour se mettre au service de leur pays à l’indépendance alors que d’autres sont restés finalement au Sénégal. Ainsi, les premiers dirigeants de la Guinée-Bissau s’exprimaient couramment en français pour être allés à l’école au Sénégal et en portugais.

S’étant beaucoup investi pour l’éveil des vocations missionnaires dans son diocèse, il permettra ainsi au clergé local de connaître un bel essor durant son épiscopat. À son arrivée à l’évêché, il n’y avait que dix-neuf prêtres originaires de son diocèse. Aujourd’hui, grâce à son travail acharné, des agents originaires de Ziguinchor sont envoyés comme missionnaires vers d’autres églises du monde.

Pendant ses 29 ans à la tête de son diocèse, il a fondé plusieurs paroisses. C’est également lui qui a mis en place l’Association des Filles de la Résurrection, le 25 novembre 1984, pour fonder une nouvelle congrégation diocésaine de religieuses. Celle-ci naîtra officiellement le 22 août 1987 à l’occasion de la profession des deux premières filles, membres de cette congrégation. Aujourd’hui cette congrégation diocésaine comple plusieurs dizaines de femmes qui se sont engagées dans la vie religieuse.

Apôtre de la paix

Au début des années 1980, des troubles politiques sont survenus dans la région de la Casamance qui couvrait l’étendue du diocèse de Ziguinchor. Augustin Sagna s’est senti fortement interpellé et impliqué bien malgré lui puisque c’est un prêtre de son diocèse qui était à la tête de ce mouvement indépendantiste. Il n’a cessé de travailler à restaurer la paix en prêchant le pardon et la réconciliation entre le Gouvernement sénégalais et le Mouvement des forces démocratiques de la Casamance.[6] Il déléguera l’un de ses prêtres comme facilitateur du dialogue entre le mouvement indépendantiste et l’État sénégalais.

Augustin Sagna a gouverné le diocèse de Ziguinchor pendant près de trois décennies jusqu’en 1995, année de son départ à la retraite. Il s’est alors retiré à Cabrousse où il a fondé la nouvelle paroisse du Cap Skiring. Il en sera le curé pendant plusieurs années avant de cesser toutes activités pastorales en raison de son grand âge. Augustin Sagna est décédé le 12 décembre 2012 à l’âge de 92 ans et est inhumé à Ziguinchor.

Raphaël Lambal


Notes:

  1. Loppy, Joséphine et Niouky Ange-Marie. Monseigneur Augustin Sagna, évêque émérite de Ziguinchor, un si beau cœur. (Dakar/Paris : L’Harmattan, 2016). 15
  2. La Haute-Volta a changé de nom en 1984 pour devenir le Burkina Faso.
  3. Ce pays a pris le nom de Mali à son indépendance en 1960.
  4. Les mouvements indépendantistes de ce pays se battaient alors contre l’armée coloniale portugaise pour accéder à l’indépendance comme ce fut le cas dans les colonies portugaises d’Angola et du Mozambique. La Guinée-Bissau deviendra indépendante en 1973.
  5. Joseph Roger de Benoist. Histoire de l’Église catholique au Sénégal : du milieu du XVe siècle à l’aube du troisième millénaire. (Dakar/Paris : Karthala, 2008). 499.
  6. Ce mouvement est à l’origine des troubles politiques survenus dans la région sud du Sénégal depuis 1982.

Bibliographie

De Benoist, Joseph Roger. Histoire de l’Église catholique au Sénégal : du milieu du XVe siècle à l’aube du troisième millénaire. Dakar/Paris : Karthala, 2008.

Loppy, Joséphine et Niouky Ange-Marie. Monseigneur Augustin Sagna, évêque émérite de Ziguinchor, un si beau cœur. Dakar/Paris : L’Harmattan, 2016.

http://www.catholic-hierarchy.org/bishop/bsagnaa.html


Cet article est rédigé par Raphaël Lambal, coordonnateur à la gestion des études à l’Université TÉLUQ (teluq.ca) au Canada. Il est titulaire d’une licence en journalisme, d’une Maitrise et d’un DESS en sciences de l’information et de la communication obtenus à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar au Sénégal. Il a également obtenu une maîtrise en administration publique à l’École nationale d’administration publique de Québec (enap.ca), après avoir terminé sa scolarité doctorale en communication publique à l’Université Laval à Québec. Il a été récipiendaire de la bourse de la fondation FORD (2007-2010) pour les études universitaires.