Sylvestre, Hakizimana

19XX?-1996
Église Catholique
Burundi

Originaire de Rwisabi, diocèse de Ngozi. Ordonné prêtre en juillet 1981. Enseignant au Petit Séminaire jusqu’en 1986. Il était curé à Buraniro lorsqu’en 1992 il fut nommé économe du Grand Séminaire de Gitega, au moment de sa construction. Il logeait au Séminaire de Burasira, et c’est à partir de là qu’il desservait la paroisse Rwisabi, après l’assassinat du curé, l’abbé André Havyarimana. Il venait d’être nommé président de l’Union du Clergé du diocèse de Ngozi.

Le 1er mars 1996, son cadavre a été retrouvé sur la route, non loin du Séminaire. Il avait reçu une balle dans la tête, en plein front. Sa voiture portait des traces de coups, parce qu’on avait voulu délibérément l’abîmer.

Membre actif des Focolari, il écrivit:

“Le respect des Dix Commandements, de la vie, l’amour du prochain, enfin l’amour chrétien, ne sont pas entrés en profondeur dans nos gens. Au contraire, le lien ethnique, la recherche égoïste des richesses à travers l’exercice du pouvoir, le manque de respect du bien commun, sont à l’origine des souffrances du Burundi. Le démon de la haine fait rage dans les cœurs. Les conflits ethniques du 1972 m’avaient révélé, pour la première fois, la méchanceté et la cruauté humaines. Je ne croyais plus à la fraternité, ni à l’amour, ni à la vérité. Quand j’entrai au Grand Séminaire de Bujumbura en 1974, mon premier souci ne fut pas de devenir prêtre mais d’apprendre à mentir sans que la honte fût lisible sur mon visage. C’était la conséquence du traumatisme terrible que je portais avec moi… La découverte du Mouvement a exercé une grande influence sur mon ministère sacerdotal. Je compris que Dieu m’aime tel que je suis. Se sentir aimé de Dieu est une source de joie et de sérénité. Je sais que je peux mourir à tout instant, comme les prêtres qui ont été assassinés ces derniers mois”[1].

Le soir précédent sa mort, la radio avait donné la nouvelle d’un avion tombé quelque part en Asie. L’abbé Sylvestre avait commenté: “Vous voyez? Même les gens qui volent meurent. De toute façon, ce qui compte ce n’est pas de mourir vieux, mais en activité”.

On sait que l’abbé Sylvestre avait reçu une lettre de menaces. Certains disaient qu’on lui reprochait de s’entendre trop bien avec les militaires. Cependant d’autres, ayant examiné attentivement la façon dont son exécution a été opérée sur la route, y voient comme une signature! “Son courage et son humanité inspireront longtemps ceux qu’il a connus et aimés”[2].

Introduction historique : 1993…

Le 22 septembre 1993 la Conférence des Évêques du Burundi écrivait:

“Pendant les dix dernières années, le Burundi a vécu dans une atmosphère de tension, qui devient de plus en plus inquiétante. Les événements de Ntega et de Marangara demandent que nous y regardions avec une sérieuse attention. Des milliers de morts, des milliers de sans-logis, des milliers de personnes qui n’ont plus de pays et d’avenir. Et dans la plupart des cas, ceux qui ont planifié et commis ces massacres sont des Chrétiens. Ceux qui sont responsables pour les actes de répression les plus arbitraires sont des Chrétiens. Ceux qui ont continué à promouvoir, dans la clandestinité, une campagne de haine sont des Chrétiens. Ceux qui ont répandu la suspicion et les faux bruits et qui continuent de le faire sont des Chrétiens. Le cinquième commandement de Dieu ne peut être modifié ou changé: ‘Tu ne tueras pas’. C’est la condition fondamentale nécessaire pour pouvoir vivre en société. Il ne pourra jamais y avoir d’église, mais seulement une caricature d’église, tant que les Hutu et les Tutsi ne seront pas capables de chercher ensemble, sincèrement, les moyens pour une coexistence pacifique; tant que les prêtres hutu et tutsi, les Frères et les Religieuses ne seront pas capables d’avoir confiance les uns dans les autres en toute charité”[3].

La situation sembla s’améliorer. En 1993, pour la première fois dans l’histoire du pays, un homme politique hutu se trouvait à la tête de l’état. Mais le 21 octobre 1993, un coup d’état militaire était monté. Le Président, Melchior Ndadaye et quelques-uns de ses ministres furent emprisonnés, puis assassinés. “L’assassinat du premier président démocratiquement élu ne pouvait pas manquer de provoquer une situation de bouleversement ethnique et politique. Les vieux démons de la haine et de la vengeance se réveillaient en prenant avantage des circonstances, et la nation était frappée par un tourbillon de violence féroce” [4].

Les victimes de la violence à partir de 1993 ont été plus de 200.000. La Conférence Épiscopale Burundaise parlait de 100.000 morts[5]. Les réfugiés auraient été 1.000.000[6]. On dit qu’il y aurait eu autant d’hutu que de tutsi tués. Personne n’a été tenu responsable de ce massacre. Au cours des années suivantes la situation est demeurée toujours tendue. Des dizaines de milliers de personnes ont été tuées. La plupart des Évêques ont échappé à des attentats. Nombre de prêtres et de catéchistes ont été tués. Des églises et des succursales ont été attaquées et pillées, avec pour résultat la mort de nombreux paroissiens.

“La réponse de l’armée aux activités des groupes armés d’opposition à dominante hutu semble être principalement de tuer en représailles et sans discrimination la population qu’elle considère comme suspecte. Les tentatives visant à protéger les civils, quand elles existent, sont inefficaces ou entachées par la méfiance ou l’esprit de vengeance. Si la majorité du document d’Amnesty International est consacrée aux violations commises par, ou attribuées à, des membres des forces armées, ainsi qu’à la réaction, ou l’absence de réaction, du gouvernement et des autorités militaires, les exactions des groupes armés d’opposition sont également évoquées, de même que leur réponse face à ces violences. En effet, entre novembre 1998 et mars 1999, les groupes armés d’opposition se sont aussi rendus coupables d’un très grand nombre d’atteintes aux droits fondamentaux, surtout d’homicides de civils. Des soldats ont également été séquestrés et exécutés sommairement”[7]. Parmi les massacres les plus affreux, celui au Petit Séminaire de Buta, le matin du 30 avril 1997 avec 40 élèves tués et 26 gravement blessés. “Le commandant de la troupe, nommé Anicet, ancien séminariste du Petit Séminaire de Mureke dans le diocèse de Ngozi et déserteur de l’Institut Supérieur des Cadres Militaires (ISCAM) est bien connu comme commandant des troupes armées du Comité National de la Défense de la Démocratie (CNDD) dans les zones de Gitongo, Rutegama… Ils détruisent sauvagement les vies des faibles et innocents: enfants, vieilles personnes, femmes, malades… En guise d’illustration, voici des scènes horribles: La même matinée de l’agression du Séminaire de Buta, ils ont brûlé un centre de santé, violé et empalé par le sexe l’infirmière; à ce même endroit ils ont tué huit vieilles femmes et un Pasteur Pentecôtiste”[8]

P. Neno Contran et Abbé Gilbert Kadjemenje


Notes:

[1] Gen’s 2/’96.

[2] Vivons en Église, Bujumbura, n°. 1-2.

[3] Directives adressées au clergé pour une réflexion sur la situation du pays.

[4] Mgr Joseph Nduhirubusa, Ruyigi, Message de Noël et du Nouvel An 1994.

[5] Au Cœur de l’Afrique, 03.04.1994.

[6] Commission Internationale d’enquête. Rapport final, 05.07.1994.

[7] Amnesty International., 17.08.1999.

[8] Mgr Bernard Bududira, Bururi, Vivons en Eglise, n° 3-4,1997.


Cet article est reproduit, avec permission, de Contran, P. Neno, et Abbé Gilbert Kadjemenje, Cibles: 240 prêtres africains tués, (Kinchasa: Afriquespoire, 2002): 36, 40. Tous les droits sont réservés.