Engelbert, Mveng (A)

1930-1995
Église Catholique (Jésuite)
Cameroun , Kenya , République Démocratique du Congo

Engelbert Mveng Le matin du 23 avril 1995 le P. E. Mveng fut trouvé mort. Etranglé, couché dans son lit face au plafond, une profonde blessure à la tête. Un meurtre inexplicable, puisque rien n’avait été emporté de sa chambre.

Le P. Mveng éait né le 9 mai 1930 à Enam-Nkal, paroisse de Miniaba, de Jean Amougou et Barbe Ntolo. Études secondai­res au Petit Séminaire de Yaoundé. Après une année au Grand Séminaire de Yaoundé, en 1951, il entra au noviciat de la Compagnie de Jésus à Djuma (Rep. Dém. du Congo). Le 22.09.1953 il fit sa première profession. Études philosophi­ques à Eigenhoven (Belgique) et théologiques à Lyon (France). Ordonné prêtre en 1963. Poète, peintre, écrivain, enseignant d’his­toire à l’Université de Yaoundé de 1965 à 1995.

“La riche personnalité du P. Mveng faisait de lui un jésuite aux qualités remarquables dont la réputation avait depuis longtemps franchi les frontières du Cameroun et même celles du continent africain”[1]. Engagé dans le mouvement culturel de la Négritude, le P. Mveng fut un promoteur convaincu de la nécessité et de la possibilité d’un christianisme inculturé. «L’inculturation est probable­ment le problème-clé ainsi que le plus grand défi de la théo­logie africaine…”[2].

“Le contexte socio-historique du processus de la conversion de l’Afrique à l’Église de Jésus Christ a connu maintes hypo­crisies et soulève bien des questions qu’il est inutile d’élu­der”[3].

L’atelier d’art religieux fondé par le P. Mveng à Yaoundé se proposait de concrétiser l’inculturation et de reproduire des modèles d’ornements liturgiques puisant leur inspiration dans l’art africain. Parmi les œuvres artistiques du P. Mveng: les mosaïques de Notre Dame d’Afrique (basilique de Nazareth, Israël) et de N. D. des Victoires (cathédrale de Yaoundé; les tableaux de la chapelle du Collège Hekima (Nairobi).

Pendant plusieurs années il fut le secrétaire de l’Association œcuménique des Théologiens Africains (EATWOT). En pré­sentant le livre des Actes de la Rencontre Panafricaine du Caire[4], il écrivait: “L’œcuménisme en Afrique doit aller au-delà de l’inventaire de nos traditions respectives, de la simple affirmation de nos vieilles identités. Nous sommes invités aujourd’hui à nous engager pour refaire l’unité visible de l’Église du Christ. Les églises d’Afrique, très dynamiques et efficientes dans les premiers siècles de la chrétienté, peuvent fournir encore une contribution irremplaçable dans l’édification de l’unité visible du Corps du Christ”. À propos du rôle libérateur de la théologie, il souligna la force libéra­trice des béatitudes. “La libération latino-américaine veut se libérer de l’impérialisme, du capitalisme du Nord… en Afri­que la théologie de la libération pose la question de Dieu”[5]. En 1977 il fonda une association religieuse, la “Famille des Béatitudes”, qui se heurta à plusieurs difficultés. Elle devait vivre le message des béatitudes, qui “proclament que les puissances et les agents de la mort qui nous assaillent tous les jours, la pauvreté, la faim, la soif, l’injustice, l’humiliation, le péché, la haine, la violence seront surmontés, vaincus et dé­passés par l’amour”[6]. “Une des choses qui me font pleurer, je le dis tout haut, c’est que l’Afrique sacrifie chaque jour les meilleurs de ses enfants sous prétexte qu’un tel a dit qu’il n’est pas d’accord avec tel chef d’État. Je ne peux pas comprendre qu’on condamne un homme à mort pour ses opinions”[7]. “Des voix coururent que l’assassinat du P. Mveng a été l’œu­vre de “groupes mystiques’, pratiquant des cultes exotériques et se disputant le contrôle de l’apparat de l’état. Ils procèdent à l’élimination des intellectuels, des gens qui dérangent”[viii].


Notes

  1. P. Peter-Hans Kolvenbach, Préposé Gén. de la Compagnie de Jésus. Lettre du 24.04.1995.

  2. E. Mveng, African theology: a methodological approach. In VOICES FROM THE THIRD WORLD, June 1995, p. 106-116.

  3. L’AFRIQUE DANS L’ÉGLISE: Paroles d’un croyant, Paris, Ed. L’Harmattan, 1985. Préface.

  4. 24-26.08.1985.

  5. Sango ya Kimwenza, Kinshasa, n° 19, 15.05.1995.

  6. Spiritualité et libération en Afrique, p. 22-23.

  7. E. Mveng - B.L. Lipawing, Théologie, Libération et Cultures africaines, Dialogue sur l’Anthropologie négro-africaine. Clé/Présence Africaine, Yaoundé/Paris, 1996, p. 114. Cf. Afrique d’Espérance, Spécial Mveng, Avril 2000, Kinshasa.

  8. J.M. Ela, in La Croix, Mondo e Missione, Milan, Oct. 1995.


Cet article est reproduit, avec permission, de Contran, P. Neno, et Abbé Gilbert Kadjemenje, Cibles: 240 prêtres africains tués, (Kinchasa: Afriquespoire, 2002): 56-58. Tous les droits sont réservés.