Marcel Lefebvre, Cssp

1905-1991
Église Catholique (Spiritan)
Gabon , Sénégal

Marcel Lefebvre est né le 29 novembre 1905 à Tourcoing dans le nord de la France. Ayant manifesté le désir de devenir prêtre, ses parents qui étaient des industriels l’ont envoyé au Séminaire français de Rome en 1923 pour des études sanctionnées par un doctorat en philosophie et un autre en théologie. Après sa formation, il est ordonné prêtre en 1929. Il a travaillé un temps comme vicaire dans sa région d’origine avant d’entrer au noviciat de la congrégation du Saint-Esprit et il fit sa profession religieuse au mois de septembre 1932 et est aussitôt désigné pour la mission au Gabon en Afrique équatoriale où il arrive en novembre de la même année.

Missionnaire broussard au Gabon.[1]

Dès son arrivée au Gabon, il est affecté au séminaire pour s’occuper de la formation du clergé local. Il devait donc prendre en charge l’enseignement des petits et des grands séminaristes. À l’éclatement de la Seconde Guerre mondiale, en 1939, il est encore mobilisable et est affecté comme aumônier à la 1ere compagnie du bataillon de tirailleurs du Gabon. Par la suite, il s’y implique dans d’autres postes. Il est alors qualifié de missionnaire broussard. Il sera affecté à Ndjolé, à Sainte-Marie de Libreville, à Donguila et enfin à Lambaréné son dernier poste avant son rappel en France. Dans chaque poste où il est affecté, il se distingue par son sens élevé de l’organisation administrative et de la gestion de la mission. Après un séjour de 13 ans dans ce pays, il est rappelé en France en octobre 1945 pour assumer la charge de supérieur du scolasticat des spiritains à Mortain en Normandie.

Missionnaire au Sénégal

Marcel Lefebvre restera un peu moins de deux ans seulement en France avant d’apprendre, le 25 juin 1947, qu’il doit retourner à nouveau en mission, mais cette fois en Afrique de l’Ouest. En effet, il est nommé à cette date vicaire apostolique de Dakar alors capitale de l’Afrique occidentale française où il prend ses fonctions le 16 novembre 1947.[2] Dès son arrivée, il se met à la tâche, fort de son expérience missionnaire acquise précédemment au Gabon. Lorsque le Vatican instaure la hiérarchie ecclésiastique en Afrique française, il sera élevé au rang de premier archevêque de Dakar le 14 septembre 1955.

À son arrivée à Dakar, il se montre soucieux de l’extension de la mission et du progrès de l’éducation. C’est alors qu’il fonde en 1949 le Collège Sainte-Marie de Hann à Dakar, établissement privé qui ambitionne d’accueillir des élèves venus de toute l’Afrique occidentale française. Aujourd’hui c’est l’un des meilleurs établissements d’enseignement au Sénégal. En quinze ans d’apostolat missionnaire au Sénégal, il a multiplié les églises, les missions, les écoles et les postes de santé. En 1947, il n’avait trouvé que deux paroisses et trois églises à Dakar. Il laissera à son successeur à son départ en 1962, neuf paroisses et treize églises.[3]

Délégué apostolique

Marcel Lefebvre était vicaire apostolique de Dakar depuis un an lorsque, le 22 septembre 1948, le pape Pie XII décide de créer une délégation apostolique à Dakar. Il s’agissait pour le Saint-Siège de se rapprocher de la communauté chrétienne de l’Afrique française d’autant plus que dès 1930 des délégations apostoliques avaient été créées pour les colonies anglaises d’Afrique à Mombasa au Kenya et à Léopoldville pour les territoires sous administration belge.[4]

Dans sa décision, le Souverain Pontife fit remarquer que

maintenant que, dans les régions de l’Afrique continentale et insulaire soumise à l’autorité civile de la France et au pouvoir religieux de la Sacrée Congrégation de la Propagation de la Foi, le nombre des fidèles, surtout ces dernières années, a augmenté, et que, dans ces mêmes lieux, les missions ont atteint un très haut degré d’accroissement et de progrès et font preuve d’aptitude au pouvoir (…), opportune a paru la décision de constituer une nouvelle délégation apostolique pour la partie de l’Afrique susmentionnée, comme cela a déjà été décidé pour d’autres territoires de l’Afrique.[5]

Par cette décision pontificale, l’Église catholique de l’Afrique française serait administrée à partir de Dakar.

En annonçant l’érection de la délégation apostolique de Dakar, le pape Pie XII rend publique aussi sa décision de désigner Marcel Lefebvre pour occuper le poste de délégué apostolique. Son champ d’action s’étendait au Maroc, au Sahara algérien, à l’Afrique Occidentale Française, au Togo, au Cameroun, à l’Afrique Équatoriale Française, à Djibouti et aux Iles françaises de l’océan Indien. Il appartenait donc au délégué apostolique, entre autres, « de faire ou de faciliter certaines interventions ecclésiastiques auprès du Ministre de la France d’outre-mer ».[6]

Il occupera ce poste pendant onze années au lieu des six réglementaires au cours desquelles il va fonder partout de nouveaux diocèses, des séminaires en vue de la formation du clergé africain, des écoles pour l’éducation de la jeunesse et des postes de santé pour prodiguer les soins aux populations locales. Ses fonctions de délégué apostolique l’obligent à se rendre à Rome au moins une fois par année pour rendre compte au Pape de son action sur le terrain en Afrique et recevoir ses directives, dont celles entre autres d’africaniser l’Église. C’est lui qui obtiendra l’instauration de la hiérarchie catholique dans ces territoires sous administration française, le 14 septembre 1955 et la création de onze provinces ecclésiastiques en Afrique française.

À la vielle des indépendances des anciennes colonies françaises d’Afrique, Marcel Lefebvre est relevé de sa charge de délégué apostolique le 9 juillet 1959, tout en gardant sa fonction d’archevêque de Dakar. Il sera élu président de la Conférence épiscopale de l’Ouest africain et est appelé à ce titre à siéger à la Commission centrale préparatoire du Concile en préparation.

Entre temps, en 1960, le Sénégal a accédé à l’indépendance et très vite la forte personnalité de Lefebvre se heurte à celle du président de la République, Léopold Sédar Senghor, avec lequel les relations n’étaient pas des plus cordiales. Celui-ci finit par obtenir son départ de Dakar en janvier 1962.[7] Il est alors remplacé par un fils du pays, Hyacinthe Thiandoum, qu’il avait lui-même ordonné prêtre en avril 1949. À son départ de Dakar, il retourne en France où il est nommé évêque de Tulle en Corrèze. Il doit vite renoncer au diocèse de Tulle au bout six mois seulement puisqu’il est élu Supérieur général de la congrégation du Saint-Esprit, le 26 juillet 1962. Sa prise de fonction de supérieur général coïncide avec l’ouverture du Concile œcuménique Vatican II le 11 octobre 1962.

Dans la tourmente conciliaire

Il participe à toutes les sessions du Concile en prenant une part active aux débats dans lesquels il s’oppose aux participants qui souhaitaient l’instauration de réformes au sein de l’Église catholique. Malgré tout, les réformes seront adoptées et mises en œuvre. Comme il estime ne pas se retrouver dans celles-ci, il donne sa démission de Supérieur général, le 8 septembre 1968, pour ne pas les appliquer au sein de sa congrégation. S’ouvre alors pour lui une période de conflit ouvert avec les autorités de l’Église catholique qui aboutira à une rupture en 1988. Il deviendra, par la force des choses, le chef de file de ceux que l’on a appelé les « catholiques traditionalistes ». Toutes les tentatives pour le réconcilier avec le Saint-Siège auront été vaines. Marcel Lefebvre est mort le 25 mars 1991 en Suisse et a été inhumé le 2 avril 1991 à Écône.

Raphaël Lambal


Notes :

  1. Bernard, Tissier de Mallerais. Marcel Lefebvre, une vie, (Étampes : Clovis, 2002). 107.
  2. Dakar était alors la capitale de l’Afrique occidentale Française (AOF) qui regroupe huit territoires encore colonies de la France : Sénégal, Guinée, Niger, Côte d’Ivoire, Haute-Volta (actuel Burkina Faso), Togo, Dahomey (actuel Bénin) et Soudan français (actuel Mali).
  3. Mensuel Horizons Africains, mars 1962.
  4. Ancien nom de Kinshasa, capitale de l’actuelle République Démocratique du Congo.
  5. Annuaire des missions catholiques d’Afrique, édition de 1959.
  6. Bernard, Tissier de Mallerais. Marcel Lefebvre, une vie, (Étampes : Clovis, 2002), 223
  7. Bernard, Tissier de Mallerais. Marcel Lefebvre, une vie, (Étampes : Clovis, 2002), 264

Bibliographie

De Benoist, Joseph Roger. Histoire de l’Église catholique au Sénégal : du milieu du XVe siècle à l’aube du troisième millénaire. Dakar/Paris : Karthala, 2008.

Tissier de Mallerais, Bernard. Marcel Lefebvre, une vie. Étampes : Clovis, 2002.

https://www.catholic-hierarchy.org/bishop/blefebvre.html


Cet article est rédigé par Raphaël Lambal, coordonnateur à la gestion des études à l’Université TÉLUQ (teluq.ca) au Canada. Il est titulaire d’une licence en journalisme, d’une Maitrise et d’un DESS en sciences de l’information et de la communication obtenus à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar au Sénégal. Il a également obtenu une Maîtrise en administration publique à l’École nationale d’administration publique de Québec (enap.ca), après avoir terminé sa scolarité doctorale en communication publique à l’Université Laval à Québec. Il a été récipiendaire de la bourse de la fondation FORD (2007-2010) pour les études universitaires.