Monica (B)

331-2-387
Église Chrétienne Antique
Algérie

La mère d’Augustin (13 novembre 354 - 28 août 430) (q.v. ; cf. Q 4.342-462), évêque d’Hippone, reste l’une des rares femmes non impériales du IVe siècle sur laquelle on dispose d’une documentation presque suffisante pour établir une perspective biographique complète. En outre, elle se révèle être une personnalité dominante, presque dominatrice, ce qui est tout à fait contraire à son statut supposé au sein de l’Église chrétienne ou de la société romaine de son époque. Elle peut être comparée et opposée à la mère, Nonna, et à la sœur, Gorgonia, du grand théologien grec Grégoire de Nazianze, ou à la grand-mère, Macrina, à la mère, Emmelia, et à la sœur, Macrina la Jeune, des théologiens grecs comparables Basile de Césarée et son frère Grégoire de Nysse, ou encore aux correspondantes féminines, Paula et l’un de ses cinq enfants, Eutochium, du contemporain d’Augustin, Jérôme (cf. Alexandre 1994:409-444 ; van der Meer 1961:217-225).

Monique est née de parents berbères à Thagaste, dans la province romaine d’Afrique (du Nord), après la christianisation du gouvernement impérial, sous l’administration de Constantin le Grand [17 février 274 - 22 mai 337, règne en tant que co-Auguste à partir du printemps 307 et seul à partir de 324]. Tout porte à croire qu’elle a été chrétienne dès sa jeunesse. Il n’existe aucune trace de son ascendance. Comme le note Aline Rousselle, “le droit romain fixe l’âge auquel une fille donnée à un époux par son père devient officiellement une matrone, une épouse reconnue avec tous les privilèges prévus par le droit du mariage. Cet âge était de douze ans” (1994:302) – âge auquel Macrina la Jeune fut fiancée à un fiancé, qui mourut avant que le mariage ne soit consommé, de sorte qu’elle resta vierge. On peut calculer un âge comparable pour Monique, puisque Augustin précise qu’elle est morte à l’âge de cinquante-six ans alors qu’il en avait trente-trois (Confessions IX.11).

Encore une fois, comme cela était courant en droit romain, le mariage impliquait que “la mariée quittait la maison de son père pour s’installer chez son mari” où elle était également “accueillie par son père et sa mère” (Zaidman 1994 : 360, 364), ce qui est précisément le récit d’Augustin, avec l’affirmation que Monique s’était bien intégrée, de sorte qu’en dépit du “mari colérique avec lequel ma mère devait composer”, rien n’indiquait “qu’il y ait eu un désaccord domestique entre eux, ne serait-ce qu’un jour” ; et en outre, alors que “sa belle-mère avait d’abord eu des préjugés à son égard à cause des récits de serviteurs malveillants”, Monique “a conquis la femme plus âgée par ses attentions dévouées, sa patience et sa douceur constantes” (Confessions IX. 9 ). La coutume gréco-romaine définit la différence d’âge entre les hommes et les femmes au moment du mariage - lui étant plus âgé de quinze à vingt ans (Zaidman:365) ; et les années de décès respectives de Monique et de son mari confirmeraient ce lieu commun.

Nous n’apprenons les noms d’aucun des grands-parents d’Augustin, ni de ses deux sœurs, ni de ses maîtresses, mais seulement qu’il avait au moins un frère, Navigius (q.v.), et un fils, Adeodatus (q.v.) ; le mari de Monique, son père, s’appelait Patricius (q.v.), mais il mourut deux ans avant qu’Augustin n’ait dix-neuf ans (371 ; Confessions III.4), et Monique ne se remaria pas (Frend 1988:135-151 ; van der Meer 1961 : passim). ), et Monique ne s’est pas remariée (Frend 1988:135-151 ; van der Meer 1961 : passim). C’est au sein de ce foyer qu’Augustin nous dit avoir appris le latin “ sans y être contraint par des menaces de punition […], ni par des maîtres d’école […]. ce qui contrastait fortement avec la façon dont il avait été “ forcé d’étudier Homère “ et donc d’apprendre avec un grand dégoût la langue grecque et sa littérature (Confessions I.14).

À l’âge de seize ans (370), Augustin étudia également à Madaura (Confessions II.3) sous la tutelle du “ païen “ Maximus, avec lequel, dans une correspondance échangée à une date beaucoup plus tardive (390), il fut fait référence au fait qu’ils étaient tous deux des Africains ayant un héritage commun et une éducation dans la langue punique de l’Afrique du Nord-Ouest ancestrale [Lettres n° 16-17 = NPNF ser.1 1.233-235]. Mais comme l’a fait remarquer William Hugh Clifford Frend, “ Augustin était avant tout un Africain, et il a été influencé tout au long de sa vie par le contexte berbère (distinct du contexte punique) de son éducation “, bien que l’on puisse dire de ses derniers sermons qu’ils étaient “ dans un latin impeccable sans trace de barbarie “ (1952 : 230, 57-58, 327). Il est clair que la situation familiale sous la direction de Monica était multilingue. De plus, comme l’observe Rousselle, “le partage des responsabilités entre mari et femme se poursuivra tout au long de l’éducation de l’enfant, qui est laissée à la charge des femmes jusqu’à ce que l’enfant atteigne l’âge où son sexe et ses besoins sociaux déterminent l’orientation à donner à son éducation” (1994:368).

Monique joua un rôle déterminant dans la conversion de son mari au christianisme peu de temps avant sa mort (Confessions IX.9), et dans l’inculcation à son fils des germes d’une telle possibilité, malgré le report de son baptême, bien avant qu’ils ne prennent racine et ne se développent jusqu’à son rôle d’homme d’État (Confessions I.11). La carrière d’Augustin le conduisit de l’enseignement supérieur à Carthage, comme l’avait décidé son père, où il étudia la philosophie et la rhétorique (Confessions III), d’où il devint professeur de rhétorique d’abord à Thagaste (375 ; Confessions IV) puis à Carthage (376-383), avant de passer par Rome pour occuper un poste comparable à Milan (384) où il rencontra non seulement Ambroise (Q 4.144-180) mais fut rejoint par Monique (385) jusqu’à la fin de ses jours. En ce qui concerne les capacités intellectuelles de Monique, au-delà de son intérêt pour la Bible et le culte des martyrs, Frend a noté que “tout en manquant d’éducation littéraire formelle, (elle) était capable de tenir son rang dans une discussion philosophique” (1988:143).

Elle mourut dans le port romain d’Ostie alors qu’ils retournaient en Afrique, mais pas avant d’avoir assisté au baptême dans l’Église “catholique” (Confessions IX.6) d’Augustin et de son fils Adeodatus, ainsi que de l’ami et collègue d’Augustin, Alypius (q.v. ; Confessions VI.7-12), le Samedi saint 24 avril 387. L’influence ultime qu’elle a exercée sur son fils incomparable est l’autre facette de l’autobiographie “confessionnelle” de ce dernier. Son propre culte s’est développé à la fin du Moyen Âge ; ses restes supposés ont été transférés d’Ostie à Rome en 1430 par Martin V (pape du 11 novembre 1417 au 20 février 1431 ; ODP 239-240).

Clyde Curry Smith


Bibliographie

ODCC 915; PDS 246-247; NIDCC 672 (DFWright): OEEC 568 (ATrape); ODCC3 1104. Suivez le lien en bas de page pour lire les significations des acronymes.

Bibliographie supplémentaire

Alexandre 1994

“Early Christian Women,” by Monique Alexandre, en A History of Women in the West, volume I: From Ancient Goddesses to Christian Saints, edité by Pauline Schmitt Pantel, traduit par Arthur Goldhammer. Cambridge, MA: Belknap Press of Harvard University Press. Pp.409-444.

Confessions

Saint Augustine Confessions, traduit et introduit par R. S. Pine-Coffin. Harmondsworth: Penguin Books Ltd., 1961.

Frend 1952 The Donatist Church: A Movement of Protest in Roman North Africa, par William Hugh Clifford Frend. Oxford: At the Clarendon Press.

Frend 1988

“The Family of Augustine: A Microcosm of Religious Change in North Africa,” par William Hugh Clifford Frend, en Atti del Congresso internazionale su S. Agostino nel XVI centenario della conversione (Roma, 15-20 settembre 1986), I (Studia Ephemeridis “Augustinianum,” 24). Rome, 1987: 135-151; reprimé en Archaeology and History in the Study of Early Christianity, par William Hugh Clifford Frend. London: Variorum Reprints, #VIII.

Rousselle 1994

“Body Politics in Ancient Rome,” by Aline Rousselle, in A History of Women in the West, volume I: From Ancient Goddesses to Christian Saints, edité by Pauline Schmitt Pantel, traduit by Arthur Goldhammer. Cambridge, MA: Belknap Press of Harvard University Press. Pp.296-336.

van der Meer 1961

Augustine the Bishop: Church and Society at the Dawn of the Middle Ages, par F. van der Meer, traduit par Brian Battershaw et G. R. Lamb. London: Sheed and Ward Ltd.

Zaidman 1994

“Pandora’s Daughters and Rituals in Grecian Cities,” par Louise Bruit Zaidman, en A History of Women in the West, volume I: From Ancient Goddesses to Christian Saints, edité by Pauline Schmitt Pantel, traduit by Arthur Goldhammer. Cambridge, MA: The Belknap Press of Harvard University Press, pp.338-376.


Cet article, reçu en 2004, a été recherché et rédigé par le Dr Clyde Curry Smith, professeur émérite d’histoire ancienne et de religion à l’université du Wisconsin, à River Falls. Traduction de Luke B. Donner, assistant de recherche du DACB et doctorant à l’Université de Boston au Center for Global Christianity and Mission.


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