Traoré, Orokia

1972 - 2022
Église Évangélique Mennonite de Burkina Faso (EEMBF)
Burkina Faso

Traoré Orokia fut membre de l’Église évangélique mennonite de Orodara et pionnière de l’Église évangélique mennonite naissante du village de Tin. Elle naquit en 1972 à Tin, dans la province du Kénédougou, à l’ouest du Burkina Faso. Elle fut l’une de six enfants d’une famille musulmane. Son père s’appelait Traoré Konon Seydou et sa mère Traoré Sita.

Orokia n’eut pas la chance d’aller à l’école classique en son temps. Mais plus tard elle reçut quelques connaissances de base grâce à l’aide de son époux. Cet encadrement de son époux a contribué à faire d’elle une femme bien instruite dans son milieu et pour sa génération.

Le mariage d’Orokia fut planifié lorsqu’elle était encore très jeune. En 1979, suite à une assise des personnes âgées des familles d’Orokia et de Solo son futur mari, furent sélectionnés plusieurs filles adolescentes et jeunes garçons afin de les mettre ensemble pour le mariage comme il était coutume dans le village de Tin. C’est à cette occasion qu’Orokia qui, à l’âge de sept ans, était la plus jeune des filles du groupe, fut désignée comme fiancée et épouse de Traoré Solo dans un futur proche. Les deux fiancés ont donné leur accord pour leur union vu que c’est ainsi que les mariages se déroulaient dans leur contexte. Après cette cérémonie, Orokia resta dans sa belle-famille pendant sept ans. Au retour de son mari de son école de formation rurale, leur mariage eut lieu le 6 mars 1986.

Du mariage d’Orokia et Solo Traoré naquirent cinq enfants dont quatre filles et un garçon. Ils se nomment comme suit : Yé Fanta Clarisse, Oué Alimatou Elisabeth, Gnindé Sita Estelle, Sié Massa Souleymane et Fon Aïcha Noëlie. Avec le mariage de ses quatre filles, Orokia eut treize petits-enfants : Nafi, Richard, Dieudonné, Shalom, Papi, Calida, Nadir, Amira, Mari, Cédric, Grâce, David, et Jonathan qui à présent est le plus jeune.

Des missionnaires de la Africa Inter-Mennonite Mission arrivèrent à Tin en 1985. [1] Depuis quelques années, il y avait déjà une église mennonite à Orodara, une localité à 12 km de Tin. Solo s’intéressa vite à eux car ils voulaient apprendre à lire et écrire en langue siamou, langue parlée couramment à Orodara et à Tin. Au fur et à mesure qu’il collaborait avec les missionnaires, il fut marqué par leur témoignage qui l’incita à se convertir et à suivre Jésus. Une fois à la maison, Solo ne cessait de parler du bien des missionnaires. Cela influença également son épouse Orokia qui se convertit aussi. Entretemps la famille s’installa à Orodara. Orokia pouvait s’approcher des autres croyants pour plus de connaissances sur l’Évangile. Elle fut baptisée le même jour que son époux en 1993 à Orodara.

Dans sa marche avec le Seigneur, Orokia fut beaucoup encouragée et soutenue par maman Coulibaly Cécile, la femme du pasteur Coulibaly Abdias de l’Église mennonite d’Orodara. En effet, maman Cécile lui rendait souvent visite afin de lui expliquer beaucoup de choses sur la foi en Christ. Cette communion aida Orokia à grandir dans le Seigneur. Elle fut aussi beaucoup encouragée et édifiée par les enseignements qu’elle suivait dans les séminaires des femmes organisés par l’Église mennonite au niveau national.

Orokia trouva différentes occasions pour mettre en pratique les enseignements reçus lors des différents séminaires. Elle avait un esprit de service au sein de l’Église mennonite d’Orodara. Par exemple, elle partait de temps en temps aider maman Cécile Coulibaly, qui était parfois souffrante, à faire le ménage à la maison. Cela toucha beaucoup la famille du pasteur. Elle partait aussi nettoyer l’église avec les autres femmes et classer les bancs pour le culte de dimanche. Elle chantait également à la chorale des femmes. Elle fut très simple dans sa manière de prendre les choses et aimait beaucoup plaisanter avec tout le monde. Elle ne gardait pas de rancune envers qui que ce soit, peu importe ce qu’elle entendait comme paroles décourageantes à son encontre. Elle veillait à garder son cœur pur afin de tenir ferme dans sa marche avec le Seigneur. Même si son œuvre dans l’église ne sautait pas autant à l’œil que celle des diacres, des pasteurs, et des dirigeants de programmes, Orokia marqua l’église, sa famille, son époux, ses enfants et petits-enfants, et son entourage de sa manière.

Orokia ne manqua pas d’épreuves dans sa vie terrestre avec le Seigneur. Dans ses moments difficiles, elle échangeait avec des proches qui la soutinrent dans la prière et par des conseils. Cela lui permit de pouvoir surmonter et tenir ferme dans sa foi.

Depuis des années, l’Église mennonite d’Orodara avait eu le souhait de commencer une cellule à Tin, mais les différentes tentatives n’avaient pas réussi pour des raisons diverses. Entretemps, Solo avait fait une formation biblique avec l’espoir de commencer un jour une cellule à Tin. Après sa retraite, lorsqu’il devint plus difficile pour lui de se déplacer toujours à Orodara pour le culte, il y eut une nouvelle tentative en collaboration avec l’Église mennonite d’Orodara Une cellule fut mise en place suite à une campagne d’évangélisation en 2021, et Othniel Dakuo et sa famille, membres de l’Église d’Orodara, se rendirent régulièrement à Tin pour conduire les cultes.

Sur ce, Orokia et son mari s’engagèrent pour la bonne marche de cette église naissante. En effet, Solo était l’un des traducteurs engagés de la Bible dans la langue siamou depuis la venue des missionnaires dans son village. Le couple Traoré joua un grand rôle dans la gestion de l’église de Tin. Pour l’implantation et la bonne marche de cette assemblée, Orokia apprenait des chants aux quelques nouveaux convertis. Lorsqu’elle se retrouvait face à une situation qui pouvait la ralentir dans son œuvre de leader, elle répondait d’une manière douce et avec amour. Avec de telles qualités, Orokia a su petit à petit maintenir et attirer des membres dans la communauté naissante. C’est ainsi qu’elle apporta sa contribution pour l’avancée de l’œuvre du Seigneur à Tin, un village ancré dans l’Islam et les religions traditionnelles. D’une façon discrète, elle tira toujours son épingle du jeu, malgré son statut de femme.

Dans le domaine familial, Noëlie, cinquième enfant de maman Orokia, explique la vie familiale de leur mère en ces termes :

Maman nous a beaucoup aimée. Elle nous a très bien éduqués comme il le fallait. Éduquer un enfant c’est quelque chose de précieux, pour la mise en pratique de cette éducation par l’enfant est quelque chose d’autre. Avec l’amour que maman avait pour nous, elle ne s’est jamais empêchée de nous attirer l’attention sur notre comportement quand il était nécessaire. Avec elle, il n’y avait pas de demi-mesure. Lorsqu’elle te confiait une tache à faire, elle tenait non seulement à ce que tu ailles jusqu’au bout, mais aussi à ce que tout soit parfait. Maman était souvent découragée par le comportement de certains proches qui la blessait, mais ne se laissait pas abattre totalement. Elle faisait tout pour se ressaisir le plus vite possible, et je peux dire que c’est ce qui faisait sa force dans la foi. Notre maman fut vraiment courtoise et avec tout le monde, tous sans exception, et c’est cette courtoisie que je dirais qu’elle nous a laissée comme héritage principale en plus de l’éducation que nous avons reçue d’elle. Mon désir et mon souhait c’est de pouvoir faire comme elle en tant que sa fille et benjamine de la famille. Son « oui » a toujours été « oui » et son « non » toujours « non ». Je n’ai jamais vu notre maman dans une position « couchée ». Elle travaillait à tout moment pour le bien-être de son foyer et accomplissait également sa part dans l’œuvre de Dieu. [2]

Orokia décéda de façon brusque après avoir été foudroyée quand elle revenait du champ. À la veille de sa promotion céleste, elle et son époux Solo furent à Tin, lorsque les travailleurs dans leur champ ont demandé un peu d’argent pour la fête de la Tabaski (une fête musulmane) qui s’approchait. N’ayant pas le nécessaire sur lui, Solo proposa à sa femme de se rendre à Orodara afin de faire un retrait sur son compte bancaire. Comme ils avaient aussi un champ à Orodara et que les karitiers avaient produit assez de fruits, ils partirent donc ensemble pour qu’Orokia rassemble les noix de karités pendant que Solo fait ses opérations bancaires avant de rebrousser chemin pour Tin.

Une fois à Orodara, Solo partit pour ses courses et Orokia pour le champ. Après avoir terminé à la banque, Solo voulut rejoindre sa femme afin de ramener quelques sacs des noix du champ à la maison avec sa moto. Mais lorsqu’il arriva quelques temps après, il ne voyait toujours pas sa femme. Leur petite-fille qui était avec Orokia rentra du champ sans elle en disant que sa grand-mère était presque arrivée. Comme Solo voulait retourner le plus tôt possible à Tin, il renvoya leur fils Massa Souleymane derrière son épouse avec la moto pour la chercher. Mais avant son arrivée au champ, au milieu de la route, Souleymane aperçut sa maman couchée sans mouvement. Effrayé, il revint vers son papa. Ils se rendirent alors sur les lieux et après vérification Solo comprit que sa femme avait rendu l’âme. C’est dans cette circonstance qu’il perdit sa femme Orokia le 8 juillet 2022 à Orodara aux environs de 16h.

Il faut noter qu’Orokia avait fait un vœu à Dieu concernant la réussite à l’examen du Baccalauréat de leur unique fils Massa Souleymane. Pour tenir parole elle avait décidé de jeûner trois jours successifs pour rendre grâce à Dieu qui avait permis cette réussite. Elle fut à son troisième jour de jeûne d’action de grâce lorsque son époux et elle se rendirent à Orodara. Elle rendit l’âme dans cet état de jeûne d’action de grâce pour le succès de leur fils, sans pour autant rompre.

Les obsèques eurent lieux le même jour à Orodara. Les membres du comité national mennonite qui y étaient présents pour une réunion se retrouvèrent avec les membres de l’église d’Orodara pour prier et s’encourager dans le Seigneur dans cette douloureuse situation.

Le dimanche suivant les obsèques, les membres de l’Église mennonite d’Orodara se mobilisèrent après le culte et se rendirent à Tin, village natal d’Orokia, pour un culte de consolation dans sa famille biologique. Suite à un moment de louanges et de paroles de réconfort, la communauté mennonite de Tin entonna une de ses chansons préférées qu’Orokia les avait apprises de son vivant. La famille, très émue par le déplacement de toute cette foule, par leurs hommages à Orokia, et par la fraternité qu’ils avaient observé au sein de la cellule de Tin, prépara un repas pour tout le monde. De leur côté, l’église fit une collecte sur le champ pour soutenir la famille éplorée. La famille a témoigné que cette solidarité de l’église avec leur famille les a vraiment touchées.

Diarra T. Lucie


Notes :

[1] Jim Bertsche, CIM/AIMM : A Story of Vision, Commitment and Grace (Elkhart: Fairway Press, 1998), p. 617.

[2] Noelie Sourabie (née Traoré), fille d’Orokia Traoré, de l’Église évangélique mennonite de Ouagadougou, interview par Sanogo Lucie (née Diarra) le 16 octobre 2022 à Ouagadougou, au Burkina Faso.

Sources :

Bertsche, Jim. CIM/AIMM : A Story of Vision, Commitment and Grace. Elkhart: Fairway Press, 1998.

Bananzaro, Calixte, président national de l’Église évangélique mennonite du Burkina Faso (EEMBF) et pasteur de l’Église évangélique mennonite de Ouagadougou. Interview par l’auteur le 15 octobre 2022 à Ouagadougou au Burkina Faso.

Bananzaro, Noelie, ancien membre de l’Église évangélique mennonite de Orodara, responsable nationale des femmes mennonites, membre actuel de l’Église évangélique mennonite de Ouagadougou. Interview par l’auteur le 19 octobre 2022 à Ouagadougou au Burkina Faso.

Sourabie, Noelie (née Traoré), fille d’Orokia Traoré et membre de l’Église évangélique mennonite de Ouagadougou. Interview par l’auteur le 16 octobre 2022 à Ouagadougou au Burkina Faso.

Traoré, Solo, époux d’Orokia Traoré, membre de l’Église évangélique mennonite de Orodara et traducteur de la Bible en siamou. Interview par l’auteur le 16 octobre 2022 à Ouagadougou au Burkina Faso.


Cet article, reçu en 2023, est le produit des recherches de Sanogo (née Diarra) Lucie, étudiante à l’Institut missiologique de l’Afrique francophone à Ouagadougou au Burkina Faso, sous la direction de la Dre Anicka Fast.