Traoré, Tiéba
Tiéba Traoré est né en 1958 à Kotoura dans la province du Kénédougou à l’ouest du Burkina Faso. Son père, dénommé Kunandi, était le chef du village de Kotoura. Il avait deux femmes et quatorze enfants. Tiéba est le sixième des dix enfants de la seconde femme du chef. Tiéba est né dans une famille à religion mixte. Son père était musulman et sa mère était animiste (elle adorait les esprits). Dans les enseignements de l’Islam, Tiéba avait seulement compris que Jésus était un des prophètes envoyés par Dieu. Il n’y avait aucun chrétien protestant dans la zone. Seulement une poignée de chrétiens catholiques y étaient.
Tiéba Traoré aussi était polygame. Il épousa Mariam Traoré et eut comme enfants Abibata, Amidou, Daniel, et Rachelle. Il prit aussi une seconde femme du nom de Karidja. Il eut avec elle aussi quatre enfants : Arouna, Louis, Emmanuel, et Noelie.
En 1982, deux missionnaires de la Africa Inter-Mennonite Mission (AIMM) sont arrivées dans le village de Traoré. Elles s’appelaient Anne Garber et Gail Wiebe. Le chef du village, le père de Traoré, leur a donné l’hospitalité. Comme Traoré avait fait l’école jusqu’à la classe de CE2, il lui a demandé d’être à leurs côtés et d’être leur traducteur du senoufo en français et du français en senoufo. Traoré était très curieux de savoir beaucoup de choses sur Dieu. À peine une semaine après l’arrivée des missionnaires, elles ont fait savoir à Traoré qu’elles apportaient la bonne nouvelle du salut. Il fut très content de l’apprendre et vite il a proposé aux missionnaires de lui dire la parole de Dieu pour qu’il la traduise à ses frères sénoufo. Ce qui plut beaucoup aux missionnaires. Traoré n’hésitait pas de poser toutes les questions qui lui venaient en tête sur Dieu.
Après des mois de questionnements et de réflexion sur la foi, le 15 octobre 1983 les missionnaires l’ont invité à une campagne d’évangélisation à Orodara. Lorsque Tiéba Traoré a entendu l’évangéliste venu de la Côte d’Ivoire donner son témoignage de conversion de la croyance musulmane à Jésus Christ, il fut le premier à aller devant pour donner sa vie à Jésus. De retour dans son village, Traoré n’a pas eu honte de dire rapidement à ses deux femmes qu’il était devenu chrétien. Sa première femme Mariam décida de se convertir aussi. Mais sa deuxième femme refusa. En effet, les rumeurs étaient dans tout le village que ceux qui se convertissaient au christianisme n’honoraient pas leurs morts. La deuxième a donc dit qu’elle n’allait pas se convertir afin de pouvoir faire les funérailles de ses parents. Traoré n’a pas hésité de partager sa foi avec ses amis. En deux semaines déjà après sa conversion, sept hommes se retrouvaient chez les missionnaires pour apprendre à lire la Bible. Le 19 mai 1985, Traoré et quatre autres personnes furent les premiers chrétiens à être baptisés parmi le peuple sénoufo.
Après son baptême, Traoré vivait une vie pieuse à l’image de la parole de Dieu. Il annonçait la parole de Dieu et vivait la parole. Un jour, un renommé voleur est venu voler son mil. Quand Traoré a appris cela, il alla donner encore plus de mil à ce voleur au lieu de lui faire du mal. Le voleur a été vivement touché par cet acte posé et le témoignage fut repandu dans tout le village. Traoré était un motivateur et un rassembleur. Il réussissait à organiser les jeunes du village en groupements de travail contractuel dans les champs. Pendant ces travaux champêtres, il prêchait la bonne nouvelle du salut en Jésus à ses amis. Il était à l’origine de beaucoup d’initiatives d’activités à l’église. En tant que pionnier, il se donnait la peine de rendre visite à tous les fidèles dans leur maison et à les encourager dans leur marche dans la foi.
En 1985-1986, quand les missionnaires sont rentrées chez eux en Amérique du Nord pour des vacances, Traoré et ses compagnons ont été persécutés dans le village. On les a empêchés de se réunir, et les deux frères Mamadou et Seriba, qui venaient de se convertir, étaient bannis de leur famille. Ce fut un temps où Traoré a senti le découragement. Mais il a continué d’encourager et de maintenir l’église en vie. Dieu étendit sa main. Un homme aveugle du nom de Babali se convertit en ce moment même et décida de permettre que les chrétiens fassent les rencontres chez lui à la maison.
Traoré entreprit des initiatives d’évangélisation dans les autres villages environnants comme Kankala et Sayaga. Il a demandé l’aide des missionnaires pour l’évangélisation en projetant le film de Jésus, mais les missionnaires n’étaient pas d’accord avec cette idée. Mais lorsqu’un préfet chrétien fut affecté dans le village, il a pu aider Traoré pour faire venir l’équipe d’évangélisation qui a présenté le film de Jésus. Même s’il y eut peu de conversions suite à cette campagne d’évangélisation, Traoré ne s’est pas découragé, car il était convaincu que c’est ce que le village de Kotoura devait voir. Des centaines de personnes ont vu le film de Jésus.
En 1986, la missionnaire Gail s’est mariée et est retournée aux États-Unis. Anne Garber fit la rencontre de Daniel Kampaoré, traducteur de la Bible et Pasteur de l’Église Apostolique. Elle se maria avec lui plus tard. Traoré fut très inquiet de l’avenir de l’église après le départ des missionnaires pionnières. Il demanda à leur mission, l’AIMM, de trouver de nouveaux missionnaires pour continuer l’œuvre à Kotoura, mais ils n’en trouvèrent aucun.
En 1993, pendant que Anne déménageait complétement ses effets chez son mari à Ouagadougou, Joël Traoré est arrivé de la Côte d’Ivoire à Kagala. Il était déjà converti. La même année, Larito est aussi rentré de la Côte d’Ivoire dans son village à Sayaga. Lui aussi était chrétien. Rapidement Larito a rassemblé les nouveaux fidèles de Sayaga et a commencé à les encadrer. Traoré s’est senti encouragé avec la venue des deux frères. Les chrétiens des trois villages – Kotoura, Kangala et Sayaga – se sont mis ensemble pour aller évangéliser à Sokouraba. Traoré et Joel allaient régulièrement pour visiter les nouveaux convertis de Sokouraba. En mars 1993, les Assemblées de Dieu ont implanté une église à Koloko. Traoré et ses compagnons ont vite compris qu’il fallait collaborer avec d’autres dénominations pour gagner la zone senoufo pour le Seigneur. Ainsi ils s’invitaient dans les campagnes d’évangélisation comme à celles de Maon et de Sokouraba.
En décembre 1993, Traoré et ses compagnons ont été confrontés avec un grand défi qui était l’enterrement de Babali. Les obsèques ont été conduites par Traoré. Il a continué avec ses projets d’affermissement des âmes et la conquête de nouvelles âmes pour le Seigneur. Il organisa une campagne d’évangélisation et demanda l’appui de Jeunesse en Mission. Traoré et ses frères chrétiens décidèrent de tuer un mouton pour la sauce des invités et c’est Traoré qui égorgea le mouton. Dans la même semaine, pendant qu’il enseignait, il sentit un malaise et il partit à l’hôpital pour trouver un calmant. Le malaise continua quelques jours. Pendant qu’on cherchait un remède adéquat, le héros de la foi de la zone sénoufo rendit l’âme le 22 février 1994 à l’âge de 36 ans. Les non-chrétiens dirent que son père avait attiré son âme dans le séjour des morts, puisque Traoré n’avait pas offert de sacrifice de mouton à son père défunt. Les chrétiens qui ne crurent pas du tout en cela étaient dans le grand deuil d’avoir perdu leur exemple dans la foi. Les infirmiers, quant à eux, attestent que Traoré est mort de la méningite. La foi des chrétiens a refroidi suite à sa mort. Certains abandonnèrent même la foi. Mais Dieu veilla sur son église pour qu’elle ne meure pas.
Coulibaly Josué
Sources :
Traoré Moussa, pétit frère de Tieba Traoré. Interview par Coulibaly Josué le 29 Avril 2021 à Kotoura, Kénédougou, Burkina Faso.
Traoré Mariam, première femme de Tieba Traoré. Interview par Coulibaly Josué le 29 Avril 2021 à Kotoura, Kénédougou, Burkina Faso.
Traoré Seydou dit Ariel, ami de Tieba Traoré. Interview par Coulibaly Josué le 29 Avril 2021 à Kotoura, Kénédougou, Burkina Faso.
Traoré Abibata, fille ainée de Tieba Traoré. Interview par Coulibaly Josué le 29 Avril 2021 à Samogohiri, Kénédougou, Burkina Faso.
Anne Garber Kompaoré, une des deux premières missionnaires à Kotoura auprès de qui Tieba Traoré s’est converti. Information recueillie par email.
Cet article, reçu en 2021, est le produit des recherches de Coulibaly Josué, étudiant en licence à l’Université chrétienne LOGOS de Ouagadougou au Burkina Faso, sous la direction de la Dre Anicka Fast.
Galérie de photos
[1] Tiéba Traoré, entouré de sa famille, vers 1985 (au moment de son baptême ou peu avant), à Kotoura. Photographe : Anne Garber Kompaoré. Utilisée avec permission.
De gauche à droite : Karidja (deuxième femme de Traoré) avec ses fils Emmanuel (dans ses bras) et Arouna (debout devant), Tiéba Traoré (assis), Mariam (première femme de Traoré) avec son fils Daniel (dans ses bras), son fils Amidou (chemise jaune) et sa fille Abibata.
Photographe: Anne Garber Kompaoré.