Collection DIBICA Classique

Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.

Mbock, Pierre

1917-1928
Église Évangélique du Cameroun
Cameroun

Mbock Pierre a exercé la première partie de son ministère d’évangélisation comme catéchiste à Moya, un des villages de la tribu Bakwa dans l’actuel département du Nkam dont le chef lieu est Yabassi. Pendant la colonisation allemande, Yabassi était la troisième ville importante du Cameroun à cause de son port fluvial desservi par des remorqueurs provenant de Douala, le port principal. C’était un grand centre commercial avec des entrepôts de marchandises à destination de et en provenance de l’ouest et du nord. Les commerçants Haoussa musulmans y étaient très influents et leur présence inquiétait les missionnaires à cause de l’avancée croissante de l’Islam vers le sud dans les zones où ils évangélisaient. Cette avancée de l’Islam était facilitée par la présence de l’administration coloniale et le commerce. C’est l’avènement de la première guerre mondiale en 1914 qui ralentira ce développement.

Moya est à trois jours de marche au nord des tribus Bassa de Yabassi. Le territoire est limitrophe au nord avec les chefferies Bamiléké de Bazou, Bangoulap, et Bangangte dans le département du Nde, à l’est avec les tribus Nyokon et Banen, au sud par les Bandem, et à l’ouest avec les Mbang et les Diboum. Aujourd’hui, cette région est connue sous le nom de nord Makombe, et reste toujours enclavée, c’est à dire sans route d’accès.

Moya, à l’époque, n’était que le deuxième village en importance parmi le peuple Bakwa. Quelques six cents personnes y vivaient, perchées sur l’éperon montagneux qui se rattache à la grande chaîne qui traverse ce pays et le départage en plateau et plaine. A cette époque, le peuple Bakwa était la plus opprîmée des tribus de la région parce qu’elle n’avait pas d’organisation politique solide avec des chefs énergiques dans la région Batongtou pour rendre celle-ci autonome et prospère. Les Allemands les avaient rattachés au commandement du grand chef Fotchanda reconnu comme seul intermédiaire entre eux et les peuples de la région qu’il opprimait, abusant de sa primauté. Il leur imposait de lourds tributs et des travaux forcés et laissait ses serviteurs (les tchindas) et les sociétés secrètes (les njou-njou) les piller. En 1919 les Bakwa, usés par la misère, eurent l’occasion d’entrer en contact avec l’administrateur colonial français qui alla vers les chefs, reconnut leur autorité, et les libéra de l’asservissement de Fotchanda.

Mours et coûtumes des Bakwa

Avant l’arrivée de l’Evangile au Batongtou, le chef avait le pouvoir absolu. Il possèdait tout : la terre, les eaux, les forêts, les personnes et leurs biens, ainsi que les médecines et les sortilèges. Personne n’avait le droit de s’opposer d’une façon quelconque à sa volonté. C’était la coûtume de saluer le chef en frappant deux fois dans les mains, se couvrant la bouche d’un poing fermé, l’autre poing étant placé au dessus et en disant en Bakwa : “A njyou.yamou,” ce qui se traduit par: “Me voici, mon enfant.” La désignation du chef comme enfant commence dès son accession au trône où il doit être servi comme un enfant. Il ne doit faire aucun effort pour faire quoi que ce soit et tout doit lui être apporté comme les parents servent un enfant. Le chef jouissait ainsi d’une grande notoriété et d’une grande liberté. Il avait un gros sac garni de clochettes où l’on gardait sa calebasse à boire. Lorsqu’il sortait, ce sac le précédait, porté par un serviteur, et faisait un bruit de tintement de clochettes. Tous ceux qui entendaient ce bruit devaient se sauver en brousse, sinon l’on était puni de mort. Le contrevenant était exécuté car on le soupçonnait de vouloir empoisonner le chef. Les épouses du chef recevaient aussi ce même honneur. Personne ne devait partager le siège avec elles en l’occurrence. Si quelqu’un osait contredire une parole de peu d’importance du chef, il fallait lui donner une chèvre pour se racheter sinon l’on était mis à mort.

Toute parole venant du chef est approuvée par l’assistance qui bat des mains en disant “Très, très bien, notre enfant,” même si c’est la condamnation à mort. Il n’y a pas d’appel. On peut protester seulement en prenant un petit caillou qu’on lance sur le chef pour signifier d’une manière solennelle qu’on jure qu’on est innocent. On peut aussi lui verser de la poussière sur les pieds ou lui lécher la main. Le chef faisait prêter serment aux gens au tjeb-ndou, la fosse aux offrandes sous laquelle est enfoui un crâne. Il y fait des libations chaque fois qu’il boit et y verse du sang chaque fois qu’il tue une bête. Pour s’assurer que les serviteurs qu’il envoie comme messagers vont exécuter ses ordres et respecter ses interdits, il leur fait jurer par la vérité en buvant du vin de palme mélangé avec un peu de boue de cet endroit.

Nous avons fait remarqué ci-dessus que tout appartient au chef–y compris les produits champêtres : régimes de bananes, légumes, arbres fruitiers, gibier, serpents, et vin de palme. Le propriétaire se contente des parties maigres et tout ce qui est gras appartient au chef. Le Koub était ainsi la pratique selon laquelle on donnait cette proportion de la récolte des produits au chef et à sa famille.

Les populations sont divisées en hommes libres et en tchindas qui sont les serviteurs du chef. Les princes ne vivent pas dans leur village d’origine de peur d’être accusés de vouloir tuer le chef pour s’emparer du pouvoir. Ils vivent dans leurs familles maternelles ou deviennent les serviteurs des autres chefs dans d’autres villages. Les tchindas sont des hommes libres qui ont abandonné leurs villages à cause des persécutions des chefs pour vivre en liberté dans un autre village. De ce fait, ce qu’un tchinda décidait était définitif. Un homme libre ne pouvait l’attaquer parce que cela serait porter atteinte à la personne du chef même. Le tchinda menait une vie de liberté par rapport aux autres hommes et n’était pas soumis aux corvées administratives. C’est parmi eux que le chef recrutait sa police secrète, les njou-njou, qu’il envoyait punir, attaquer, piller ou jeter en prison ceux qui l’avaient offensé. Les njou-njou portaient une cagoule pour masquer leur identité. Il y avait différentes sortes de njou-njou et l’autorité des chefs reposait sur eux. Un chef pouvait posséder une dizaine d’“escouades” ou groupes de quatre. La terreur de cette police poussait les hommes libres à émigrer pour s’asservir aux chefs des autres villages.

Evangéliste à Moya

Sous l’administration coloniale, les chefs se rendirent compte que ceux d’entre eux qui avaient des secrétaires avaient renforcé leur pouvoir sur leur village. Certains avaient écrit des lettres accusant leurs sujets ou sous chefs, régnant ainsi par la crainte et les exactions. Ces secrétaires abusaient aussi des populations au point où l’administrateur demanda aux chefs d’utiliser plutôt les catéchistes désormais.

Fotchanda, chef supérieur du Batongtou, envoya un messager chez le missionnaire Scheibler à Yabassi pour lui demander un catéchiste pour son village de Bandondang. Scheibler répondit qu’il ne le ferait qu’après avoir lui-même visité la région. En avril 1922, il fit la tournée accompagné de l’évangéliste Manga David, de Georges Oman, et de Mbock Pierre. Scheibler approuva alors la demande du chef Fotchanda et, de ce fait, Georges Oman et Mbock Pierre y furent envoyés en mai de cette même année. Les catéchistes devaient aussi servir d’autres chefs de village, ce que Fotchanda ne voulut pas accepter. Cette divergence d’opinion créa le début des difficultés qui devaient les faire partir peu après.

En avril de 1923, un an après sa première tournée, Scheibler fit une autre tournée à Moya où Mombwe était le chef. Celui-ci lui demanda un catéchiste et offrit même cent francs pour prouver sa bonne volonté. Le missionnaire lui laissa un mot d’approbation écrite disant qu’il lui enverrait quelqu’un. Arrivé à Bandondang, il constata que la situation n’y était pas favorable. Il retira donc les deux catéchistes et envoya Georges Oman à Bakwa chez le chef Kemsi et Mbock Pierre à Moya chez le chef Mombwe. Mbock arriva à Moya le 21 avril 1923, accompagné de son frère Luc et de son neveu Nicolas Ngando.

Moya est un village perché sur le flanc d’une montagne, composé de quelques maisons au milieu de la forêt qui s’étend à perte de vue. Après trois semaines, le chef confia à Mbock quelques garçons pour commencer une école. Les enfants prirent l’habitude de fréquenter l’école et Mombwe fit construire une case qui servait de salle de classe. Mbock Pierre informa le chef qu’il n’était pas là seulement pour enseigner aux enfants à lire et écrire, mais qu’il y avait un jour spécial de repos pendant lequel il devait annoncer aux adultes, hommes et femmes, la Bonne Nouvelle. Ceci n’était pas seulement l’affaire des enfants. “Dis donc à tes gens qu’ils commencent à fréquenter le culte ici tous les dimanches,” dit-il au chef. Les gens étaient dispersés dans la forêt et ne pouvaient pas venir rapidement donc Mombwe répondit, “Je suis là, moi, mes femmes et mes tchindas. Nous viendrons au culte.” Bientôt les gens prirent l’habitude de venir au culte. Le chef inscrivit sa fille Dora Bayong à l’école avec onze autres filles. La première année s’écoula pleine d’optimisme et Mbock avait l’espoir que l’ouvre à Moya serait féconde. Mais soudainement l’annonce de l’Evangile suscita des oppositions et des réactions qui allaient empêcher la croissance.

L’Evangile transforme les traditions Bakwa

Au début de la deuxième année quelques enfants commencèrent à suivre le catéchisme pour les instruire à la foi en Jésus-Christ et les préparer au baptême. L’intendant du chef à qui celui-ci avait donné sa fille Martha en mariage vint aussi s’inscrire au catéchisme. Mais l’intendant, qui s’appelait Ngandhu Joseph, était le messager du chef et connaissait tous ses secrets. Il obéissait aveuglément aux ordres du chef pour piller et exécuter les gens. Quelques mois plus tard, son ami Misongudu Martin, apparenté à Martha du côté de sa mère, devint aussi catéchumène. Il était esclave du chef et dirigeait les affaires de sa maison. En voyant leur engagement, Mombwe devint très irrité et demanda au catéchiste Mbock Pierre de rayer leurs noms de sa liste de catéchumènes. Il préférerait que ses femmes soient inscrites au catéchisme et non ces deux-là.

Mbock Pierre lui répondit : “Quand le filet est lancé au fond de l’eau, que retire-t-il?” “Des poissons,” dit Mombwe. “De quelles espèces ?” dit Mbock. “De toutes sortes d’espèces,” répondit le chef. “Tu as bien répondu,” dit le catéchiste Mbock. “La parole de Dieu ne fait pas acception de personnes, elle appelle tous les hommes.” Le chef était fâché. De plus, sa nièce Singang, une petite écolière appartenant à son frère et portant le titre royal de Mamfe commença aussi à suivre le catéchisme. Mombwe vint s’opposer et demanda au catéchiste de rayer le nom de sa nièce parce que Mamfe était chef comme lui. Il insista qu’elle puisse fréquenter l’école et non le catéchisme.

Le lendemain, Mombwe convoqua les élèves et les catéchumènes à la cérémonie de l’Esa qui est un rite par lequel on recherche les coupables et on conjure les malheurs qui frappent la famille ou le village. Les enfants refusèrent en disant, “Nous sommes des catéchumènes et nous ne pouvons pas faire ces choses-là.” Mombwe, étonné devant un tel refus, frappa les enfants jusqu’à ce que certains cédent, mais d’autres s’enfuirent et allèrent chercher le catéchiste. Mbock arriva et trouva Mombwe en colère, hurlant et rouant de coups encore un des enfants. Le catéchiste lui dit, “Quand quelqu’un ne veut plus manger de quelque chose, est-ce qu’on le force ? Et quand un habit est vieux, est-ce qu’on ne le jette pas ? Ne force pas ceux-ci à adorer ce qu’ils ne veulent pas adorer ; les vieilles coûtumes sont en train de passer. Laisse-les suivre le Maître qui les appelle.” “Qui est le maître ici hors de moi ?” répondit Mombwe. “Veux-tu être le maître ?” “Non, chef, “ répondit Mbock. “Le Maître, ce n’est pas moi, c’est celui qui nous a crées, toi et moi et ces enfants aussi.” “Si c’est ainsi,” s’écria Mombwe, “Les femmes de ma maison ne doivent plus aller au catéchisme.”

Dès ce moment, Mombwe utilisa tous les moyens pour empêcher les enfants de fréquenter l’école et les catéchumènes de suivre la doctrine. Il travailla en secret pour disperser et chasser les élèves, tracassant les parents des enfants qui s’obstinaient à ne pas obéir à ses ordres. Il emmena le catéchiste “au circuit rond”–c’est à dire que lorsque Mbock allait vers les gens pour réclamer les écoliers et les catéchumènes, ils lui disaient d’aller voir le chef, et quand Mbock rencontrait le chef, celui-ci lui disait d’aller voir les parents. Bientôt il ne restait que trois garçons et quelques filles à l’école. Les tchindas conseillèrent au chef de prendre garde aux filles qu’il inscrivait à l’école, disant elles finiraient par ne pas lui obéir et par refuser de se marier. Aussi, disaient-ils, elles écriraient au blanc pour l’accuser de toutes sortes de mal et l’attaqueraient au tribunal. Mombwe donna alors l’ordre ferme que les filles ne mettent plus le pied à l’école et insista que leurs noms soient rayés de la liste. Mais Mbock résista.

Mombwe soumit Mbagob Jacques et Bedumkwe, qui étaient écoliers et catéchumènes, à la boisson d’épreuve Ngou à la place de deux notables qui avaient un différend. Ces enfants refusèrent de prendre la boisson du fait qu’ils étaient catéchumènes. Mombwe les battit sévèrement au point où le dernier céda. Mbagob tint ferme et fut jeté dans la prison du chef où il ne mangea ni ne but pendant toute une journée. Ngombangolo, une des femmes du chef, cousine du prisonnier, le fit échapper discrètement en forêt et prit soin de lui même avant que le catéchiste Mbock n’arrive pour lui demander son aide. Dès ce moment, Mombwe décida qu’il allait abolir l’autorité du catéchiste. Il continua à persécuter les catéchumènes, surtout ses femmes. Il fermait les portes de celles-ci à cadenas quand elles étaient au catéchisme et les laissait dormir dehors. Plus tard, il accrocha les insignes de la société secrète Mungi à leurs portes afin qu’elles ne puissent plus entrer dans leurs maisons. Elles dormaient dehors parfois pendant toute une semaine. Pour revenir, elle devait lui apporter des cadeaux pour obtenir son pardon.

Persécutions

Le missionnaire Pierre Galland remplaça Scheibler à Yabassi. Peu après, il s’engagea à faire la tournée dans le pays Batongtou. A Mbang il tomba malade suite à une attaque de paludisme et manqua de force pour continuer son voyage jusqu’à Moya. Il écrivit au catéchiste Mbock Pierre de venir le rencontrer avec les écoliers et les catéchumènes. Mbock lut la lettre au chef Mombwe qui permit que même ses femmes partent et soient baptisées. Mais ceci n’était qu’une tromperie car, en fait, il n’était pas d’accord avec ce plan. Après que le départ du catéchiste, il défendit formellement à ses femmes de bouger. Mais sa fille Martha Sandjong, aidée par les écoliers pour porter son bébé, était déjà partie avec deux épouses de son père car elles avaient, toutes trois, entendu Mombwe donner son accord au catéchiste. A leur retour, le chef les chassa du village à coups de bâton. Le catéchiste alla les chercher et les ramena de l’autre côté de la rivière Makombe. A leur arrivée, Mombwe menaça le catéchiste et lui ordonna de partir. En juillet 1926 il emprisonna les catéchumènes, fit enlever sa fille Martha, et bannit son mari Ngandhu Joseph du village. Le couple séparé dut vivre de jour en forêt et dormir la nuit dans la cour de leur maison (cadenassée). Plus tard il ordonna à ses tchindas de brûler leur maison et de les tuer. Ce n’est que par crainte d’être condamnés par l’administrateur colonial que les tchindas renoncèrent à leur propos belliqueux.

Mombwe essaya de faire jurer les gens par la tortue, le totem de la tribu, afin qu’ils renoncent à suivre le catéchisme, mais en vain. Le temps des persécutions étaient dur pour tout le monde puisqu’il était interdit de parler aux catéchumènes ou de s’asseoir avec eux, de manger ou d’échanger avec eux sous peine d’être chassé du village. Il suffisait qu’un tchinda rapporte une parole–même non fondée–au chef disant qu’il avait vu un tel à une réunion parler à un catéchumène ou un écolier ou allant chez le catéchiste, et cette personne payait une amende en argent ou une chèvre. Beaucoup de gens compatissaient aux souffrances du catéchiste Mbock Pierre et des catéchumènes mais le chef Mombwe refusait de faire la paix. Le pasteur Njoky vint lui parler et il refusa d’écouter. Il en fut de même de l’évangéliste Manga David. Quand le missionnaire Martin remplaça Pierre Galland, en congé en Europe, il fit une tournée en novembre 1926 et trouva la communauté de Moya en pleine tribulation. Il essaya de convaincre Mombwe, qui lui demanda plutôt de rayer les noms de ses habitants de leurs livres et exigea que le catéchiste soit remplacé. Quand le missionnaire ne l’écouta pas, il se mit à l’injurier. Plus tard Mombwe profita de l’absence du catéchiste qui était en réunion de consistoire à Kinding en avril 1927 pour renforcer ses mesures de brutalité contre les élèves, les catéchumènes, et Martha, sa fille, en octobre cette même année.

L’impact de l’Evangile à Moya

Le 27 novembre 1927, le missionnaire Dieterle quitta Yabassi pour faire la tournée au Batongtou. C’est alors qu’il célébra le premier baptême du village Moya en baptisant Martha, la fille du chef, son mari Ngandhu Joseph, et leur ami Misongudu Martin. Le baptême s’est fait devant une foule d’hommes, de femmes, d’enfants–et même des femmes du chef qui avaient envie de voir l’événement. La cérémonie était une grande joie pour le village. Dieterle donna des conseils aux villageois et les réconforta en leur disant de ne pas avoir peur car Dieu est plus fort que les hommes. Tout s’est passé en l’absence de Mombwe qui s’était éclipsé de peur de rencontrer le missionnaire. Il attaqua le catéchiste chez l’administrateur mais il n’eut pas gain de cause.

Dès le début de l’année 1928, suivant l’exemple des trois chrétiens et des six garçons de l’école, quarante autres personnes s’inscrivirent comme catéchumènes, acceptant de mourir pour le Christ s’il le fallait. En avril 1928, le missionnaire Galland, revenu de congé, passa par Moya et vit que l’ouvre qu’il avait laissée en pleine difficulté s’était développée malgré la colère persistante de Mombwe.

Pour préserver le catéchiste Mbock Pierre de toute surprise indésirable, le missionnaire l’affecta chez le chef Njabi à Kinding, un village distant de trente à quarante kilomètres de Moya et le remplaça par Mbambock Joseph. C’était le 25 avril 1928.

Un jour, pendant que Mbambock était absent du village, un événement se produisit qui frappa les esprits dans le village. Une femme malade entra dans le coma de sorte qu’on la crut morte. Mais elle revint ensuite à la vie et parla des révélations qu’elle avait eues. Elle raconta qu’elle était morte et était allée dans un très beau pays où elle avait vu beaucoup de catéchistes qui priaient et chantaient. Les gens du ciel lui avaient parlé et Lazaro, un catéchiste mort quelques semaines avant, lui traduisit leurs paroles : “Nous t’aurions tout de suite donné un nom nouveau, si ce n’était pour tes trois enfants qui pleurent,” disaient-ils. “Retourne auprès d’eux pour les nourrir et appelle le catéchiste, les chrétiens, et les catéchumènes afin qu’ils viennent chanter le cantique. Que votre chant monte jusqu’au ciel.”

Elle transmit bien d’autres exhortations : au chef de ne plus persécuter les chrétiens, aux femmes d’être fidèles à leurs maris, à tous de respecter le jour du repos, de ne pas se faire d’incisions pour guérir les malades ni de se lamenter pour les morts, aux sorciers et aux notables de ne pas s’opposer aux catéchumènes. Elle demanda que personne ne danse à l’occasion de sa mort, disant, “Je faisais partie du Njakbolo. Que l’on donne de l’huile et du sel à tous ceux qui viendront selon la coûtume, car moi aussi, j’ai reçu l’huile et le sel, mais que personne ne danse.” Elle confessa sa foi en Jésus-Christ qui avait envoyé son Saint-Esprit pour purifier son âme. Tous prièrent ensemble. Ensuite elle mourut et fut enterrée comme une chrétienne.

En novembre de cette même année, le missionnaire fit sa troisième tournée dans la région et baptisa huit autres personnes qui s’ajoutèrent à l’église de Moya. Ce fut une grande fête. Les catéchumènes donnèrent des témoignages émouvants, montrant comment Dieu ouvrait dans leur vie. La persécution dura encore un an et au cours d’une dernière palabre l’administrateur somma Mombwe de ne plus persécuter les chrétiens. Celui accepta et alla jusqu’à rendre Martha à son mari Ngandhu Joseph. Leur mariage fut le premier enregistré par l’administration à Moya.[1]

Robert Adamou Pindzié


Note de l’auteur:1. Nous n’avons pas eu accès à des sources qui puissent nous donner des informations sur la vie personnelle de Mbock Pierre qui devint pasteur plus tard. Une recherche approfondie fournira de tels renseignements. Nous avons adapté l’article dans le livre cité en bibliographie pour sa richesse d’éléments pertinents à la foi et au ministère dans la vie d’un tel grand témoin de Jésus-Christ.

Bibliographie

Grob Francis, Témoins Camerounais de l’Evangile (Les origines de l’église évangélique), (Yaoundé : Editions CLE, 1967).


Cet article, reçu en 2008, est le produit des recherches du Révérend Robert Adamou Pindzié. Celui-ci est professeur à la Faculté de Théologie Evangélique du Cameroun à Yaoundé et récipiendaire de la bourse du Projet Luc en 2007-2008.