Nanga, Bernard

1934-1985
Église Catholique
Cameroun

Bernard Nanga Bernard Nanga est né le 3 mai 1934 à Mbakomo près d’Obala à une cinquantaine de kilomètres de Yaoundé, dans une région à mi-chemin entre la grande forêt équatoriale et la savane.

Il était le deuxième d’une famille de quatre garçons, son père est mort très tôt en 1940 et sa mère restée veuve encore jeune a éduqué ses enfants d’une main ferme et affectueuse. Bernard la peint ainsi: “Bien qu’illettrée, elle était pour moi le modèle de la femme et de la mère africaine, profondément croyante, courageuse et patiente. Elle nous interdisait de nous plaindre quand nous avions faim et d’aller à l’école avec des provisions, de peur que nous ne soyons distraits pendant les classes en pensant à ce que nous allions manger pendant la récréation. Et quand elle est morte en 1954, j’ai été profondément bouleversé au point que j’ai eu l’impression d’être mort une première fois.”

Bernard faisait ses études primaires à l’école de la mission d’Efok, mission fondée vers les années 1930 par un père alsacien, le P. Ritter, qui a marqué la région par sa foi intransigeante. En 1947, il entre au petit séminaire de Mvaa (près de Yaoundé) puis d’Akono en 1950. Depuis 1950 il est donc coupé de son milieu qu’il ne retrouve que pendant les grandes vacances.

De solides études classiques (latin et grec) doublées d’une vie austère où le silence, les mortifications et les dévotions occupent la première place font en quinze ans de Bernard un parfait humaniste, mais un homme “déraciné sur le plan culturel et sur le plan humain” comme il le dira lui-même plus tard. Après son baccalauréat en 1958, il fait des études de philosophie et de théologie pendant quatre ans au grand séminaire d’Otele dirigé par des pères bénédictins qui voient en eux de futurs moines. Ordonné prêtre, mais frappé par les contradictions et les injustices avec lesquelles le christianisme semble bien coexister, Bernard demande son retour à l’état laïc. Marié religieusement par la suite, il sera père de cinq enfants.

De 1962 à 1970 Bernard Nanga part en France où il poursuit ses études supérieures de philosophie et de sociologie à l’université de Strasbourg, il obtient une licence de philosophie en 1965, une licence de sociologie en 1968 et soutient en mars 1971 une thèse de doctorat de 3e cycle en philosophie sur l’empirisme logique ou l’école de Vienne.

Revenu au Cameroun il enseigne dans divers lycées, puis s’arrête deux années pour travailler comme cadre dans une société privée de Douala où il s’initie au fonctionnement de l’économie de son pays. En 1975, il est recruté au département de philosophie de l’université de Yaoundé où il enseigne tout en rédigeant sa thèse de doctorat d’Etat sur l’école de Vienne (“L’empirisme logique et l’unité de la science”), il meurt brutalement en mars 1985 laissant sa thèse presque achevée.

Parallèlement à la carrière universitaire Bernard laisse une carrière littéraire importante non par le volume, mais par la densité de ses oeuvres et la qualité de l’expression.

De nombreux poèmes sur la beauté, l’amour, la vie, la mort, les relations entre les cultures doivent faire l’objet d’une prochaine publication.

En 1982, son roman Les Chauves-Souris publié en 1980 à Paris aux éditions Présence africaine, reçoit le grand prix littéraire de l’Afrique noire. Cette oeuvre qui dénonce les tares de la société actuelle : corruption, soif de consommation, improduction et qui a remporté des lauriers sur le plan international, est censurée, à l’époque de sa parution, dans son propre pays et ce n’est que quelques années plus tard qu’elle sera mise en vente librement au Cameroun.

La Trahison de Marianne, en fait son premier roman, n’est publié qu’en 1984 à Dakar aux Nouvelles Editions africaines. Ce roman peint un jeune intellectuel africain déraciné en France et dénonce un certain racisme sournois qui existe en France et qui est en contradiction avec l’humanisme et l’amour que la France inculquait aux jeunes Africains sous la colonisation. Ce roman remporte le prix Noma 1985. Le jury avait fait son choix lorsqu’il apprit le décès de Bernard Nanga, survenu trois semaines auparavant. Le prix Noma, décerné à titre posthume à Bernard Nanga, a été remis à son épouse à Dakar le 9 décembre 1985 à l’ouverture de la foire international du livre et matériel didactique.

Une pièce de théâtre Vive la tribu, comédie en trois actes, a été jouée à Douala en 1973 par des élèves de l’enseignement secondaire, elle existe sous forme ronéotypée .

Des poèmes, des articles, un troisième roman, Le Temps des vampires, étaient en cours lorsque la mort l’a interrompu.

Comment définir Bernard et le situer, on ne peut le faire qu’en s’ appuyant sur ses écrits et sur les témoignages de ceux qui l’ont connu. Bernard s’est efforcé de “créer et de mettre un peu d’ âme dans un monde où l’on se satisfait si vite,” c’ était son souci premier, c’ est ce qui le différenciait des autres, le mettait à part. Pour ceux qui l’ont connu, côtoyé, aimé ou rejeté il faisait partie de cette catégorie d’hommes qui se posent des questions, se remettent en cause perpétuellement, il ne pouvait laisser indifférent et s’attirait donc amitié ou haine. Sa brutale disparition nous pose des problèmes, nous pose des questions et nous invite à faire la lumière sur cette personnalité à facettes, à le faire connaître et à rendre témoignage sur cet homme du XXe siècle qui fut avant tout “un humaniste” au sens plein du terme.

Thérèse Eno Belinga


Bibliographie

Vive la tribu. Comédie (ronéotypé).

Les Chauves-Souris. Paris, Présence africaine, 1980· (grand prix littéraire de l’Afrique noire en 1982).

La Trahison de Marianne. Roman. Dakar-Abidjan-Lomé, Nouvelles Editions africaines, 1984 (prix Noma 1985).


Cette biographie vient de: Belinga, Thérèse Eno. “Bernard Nanga (1934-1985),” in Hommes et Destin: Travaux et Mémoires, ed. Maghreb-Machrek, 339-40. Académie des Sciences d’Outre-Mer: Paris, 1986.