Collection DIBICA Classique

Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.

Crawford, Daniel (A)

1870-1926
Frères Ouverts (Missions Chrétiennes Dans de Nombreuses Terres)
République Démocratique du Congo

Daniel (Dan) Crawford faisait partie de ce groupe de jeunes hommes et de femmes enthousiaste qui ont accompagné F. S. Arnot en Afrique centrale lors de son retour au continent en 1889, après son premier voyage missionnaire. Lors de ce voyage, il n’était qu’un jeune homme de dix-huit ans. Il est né dans la ville de Greenock, près de Glasgow en Ecosse, et c’est aussi là qu’il a grandi. Son père était maître d’un schooner “Clyde” qui était dans le commerce côtier. Pendant que Daniel était encore enfant, son père est mort de la tuberculose, et lui aussi a souffert de la même maladie peu après avoir commencé un travail de comptable. On lui a donné un an à vivre, mais il a été complètement guerri, et il était en assez bonne santé pour entreprendre les difficultés du travail missionnaire en Afrique centrale. Il a reçu peu d’éducation formelle, ayant quitté l’école à l’âge de quatorze ans, mais il s’est néanmoins montré linguiste doué : il a maîtrisé les langues africaines locales, il a appris tout seul le grec et l’hébreu, et il a traduit la Bible en Lunda. Cependant, c’était un individualiste de nature très indépendante. Il n’aimait pas qu’on essaie de lui dire ce qu’il avait à faire, et ses rapports avec les autres missionnaires étaient souvent tendus. Il était fermement convaincu de certaines choses, et tôt dans sa carrière il croyait, par exemple, qu’un missionnaire ne devait pas se marier. Il a déclaré une fois : “missionnaire marié fait missionnaire gâché,” mais il a modéré cette opinion par la suite, et il s’est marié lui-même en 1896.

Crawford a eu l’expérience d’une conversion évangélique à l’âge de seize ans et il a commencé à penser au service missionnaire en Chine. Cependant, peu après sa conversion, il a entendu F. S. Arnot parler d’un défi : c’était celui d’amener l’évangile chrétien aux tribus africaines qui vivaient au delà de la rivière Lualaba, les tribus que Livingstone lui-même avait rêvé d’atteindre même quand il était presque mort, lors de son dernier voyage. Le jeune Crawford a été très inspiré par les paroles d’Arnot, et il a répondu à son “appel” à l’Afrique. Il a rejoint le groupe d’Arnot qui s’embarquait pour l’Angola en mars 1889, pour arriver éventuellement à Bunkeya, la capitale du royaume de Msidi, Garenganze, qui est le Katanga actuel, en novembre 1890, après avoir rencontré bien des difficultés lors du voyage. Par un concours malheureux de circonstances, il est arrivé à Bunkeya en même temps que les premières expéditions rivales belges et anglaises. La première expédition à atteindre Bunkeya était anglaise, et était largement dirigée par le bâtisseur d’empires, Cecil Rhodes, qui voulait annexer la région du Katanga et ses richesses minérales pour sa société privilégiée. Le leader de cette expédition était un chasseur de gros gibier qui s’appelait Alfred Sharpe. Il a été reçu avec peu de respect par Msidi, et il a fini par partir les mains vides. Certains croient que si Crawford avait servi de liaison, les résultats auraient été bien différents parce qu’il avait une meilleure compréhension du caractère de Msidi que le missionnaire aîné Charles Swan [1], qui était un des deux hommes qu’Arnot avait laissé à Bunkeya lors de son retour en Angleterre en 1888. Crawford était vraiment le cadet, puisqu’il venait d’arriver. Il y aura toujours un certain doute sur les circonstances exactes, mais il semblerait que la majorité sont d’accord sur ceci : Swan avait persuadé Msidi de ne pas signer de documents sans les avoir fait traduire et lire. Quand la nature du “traité” a été révélée, Msidi est devenu fou-furieux. Ainsi, le traité qui aurait cédé le pouvoir et qui aurait fait de Katanga un protectorat britannique, n’a jamais été signé, et Sharpe est parti en colère, n’ayant rien obtenu [2].

La crise politique s’est aggravée quand les belges, sous l’étendard de l’Etat Indépendant du Congo, ont pénétré la région, et quand les tribus locales ont pris l’occasion de se rebeller contre le régime despotique de Msidi. Crawford et les autres missionnaires ont quitté Bunkeya vers cette époque et sont restés à, ou près de Lofoi sur le Loufira, un poste de l’Etat Libre. Ce poste était à plusieurs kilomètres de là, vers l’est, et ceux qui y étaient n’ont pas participé aux événements qui ont amené à l’assassinat de Msidi et à la chute finale de son empire. C’est une expédition belge qui a causé cet épisode, et elle était dirigée par un anglais, W. E. Stairs [3]. On pourrait dire, en fait, que les missionnaires Frères en général ont refusé de se laisser embrouiller en quelque manière que ce soit dans les affaires politiques, et qu’ils ont gardé une position strictement neutre. Cette attitude est toujours la même pour la plupart des missionnaires Frères jusqu’à nos jours.

La mort de Msidi à la fin de 1891, ainsi que l’instabilité et la désintégration de la région qu’il avait contrôlée qui ont suivi, ont joué entre les mains du nouveau pouvoir colonial, mais ont aussi eu un effet direct sur Crawford et les autres missionnaires, les mettant souvent en un danger personnel considérable. Crawford, s’étant brouillé avec les collègues qu’il avait encore, à cause de son individualisme marqué et de son caractère difficile, les a quittés pour s’installer sur les rives du lac Mweru. La rivière Luapula se vide dans ce lac à l’extrémité sud, et donne naissance à la rivière Luvua au nord. Ainsi, elle forme une partie de la frontière entre la république présente du Congo et la Zambie, et elle démarquait aussi les territoires tribaux des Luba-Sanga et des Bemba. Crawford a établi une mission près du lac à Chipungu en 1893, et cette station est devenue un refuge pour un nombre toujours croissant de personnes locales à cette époque mouvementée et incertaine. Eventuellement, le nombre de personnes qui sont venues rejoindre Crawford est devenu si important que les terres du voisinage ne pouvaient plus pourvoir aux besoins de tous, et Crawford a décidé une fois de plus de déménager. Il a choisi un site fertile près de la rivière Luanza, juste au-dessus de l’endroit où elle se vide dans le lac Mweru.

Crawford resta à Luanza le reste de sa vie, mais passa beaucoup de temps à entreprendre des longues randonnées dans la région environnante pour faire de l’évangélisation. Malgré son caractère difficile, plusieurs autres missionaires l’ont rejoint au fil des années, y compris Grace Tilsley, une jeune femme anglaise de Bath, qui est devenue sa femme. Il a été à sa rencontre lorsqu’elle voyageait avec un groupe vers l’intérieur aprtir de la côte est, et ils ont été mariés par le consul local à Blantyre (le Malawi présent) le 14 septembre 1896. Crawford a continué ses itinérations importantes après son mariage, et s’est engagé dans un travail de traduction de plusieurs langues tribales locales. C’était un penseur original qui était très cultivé. De bien des manières, il était très en avance sur son temps, comme ses livres en témoignent (“Thinking Black” [Penser Noir] et “Back to the Long Grass” [De retour à la savane]). Son approche envers autrui peut se résumer en ses propres paroles : “Je suis dénationalisé - frère de tous les hommes ; arabes, africains, mongols, aryens, juifs ; je vois dans l’incarnation un lien qui nous unit à toute l’humanité.”[4] Cette attitude l’a amené à s’identifier aux africains et à leur culture d’une manière qui était généralement mal acceptée par ses associés européens à l’époque, et quand on ajoute cela aux difficultés causées par son caractère, il n’est pas difficile de comprendre pourquoi si peu de gens aimaient travailler avec lui, et pourquoi si peu de travailleurs sont restés à la mission de Luanza pendant qu’il était toujours vivant. Luanza, néanmoins, est devenu par la suite un centre chrétien important avec un grand hôpital. Ce sont seulement les événements des conflits civils qui ont suivi plus tard qui auront pu mener à sa fermeture. Crawford est mort le 3 juin 1926, à l’âge de cinquante-cinq ans seulement, suite à une infection causée par une blessure banale. Au cours des trente-sept ans qu’il a passé en Afrique, il n’est rentré en Grande-Bretagne qu’une fois, de 1911 en 1915, et il a aussi visité les Etats-Unis et l’Australie dans un effort de recrutement pour l’entreprise missionnaire en Afrique Centrale.

J. Keir Howard


Notes:

  1. Thomas Pakenham, The Scramble for Africa [La ruée vers l’Afrique] (London : George Weidenfeld and Nicolson, 1991), pp.404-405.

  2. Le document original du “traité” été donné à la Société Géographique Royale, après la mort de Charles Swan en 1934, qui la détient dans ses archives à Londres.

  3. La série des événements de caractère plutôt sordide qui ont donné lieu à l’annexion du Katanga à l’Etat Indépendant du Congo, ont été détaillés ailleurs et n’ont pas besoin d’être répétés ici (voir par exemple, Pakenham, pp. 404-411, Tony Lawman, From the Hands of the Wicked [D’entre les mains des méchants] (London : Robert Hale, 1960), pp. 125-149 et Robert Rotberg, “Plymouth Brethren and the Occupation of Katanga”[Les Frères Plymouth et l’occupation du Katanga] dans le Journal of African History [Journal de l’histoire d’Afrique] Vol. 2 (1964), pp. 285-297).

  4. Cité dans G. E. Tilsley,* Dan Crawford: Missionary and Pioneer in Central Africa [Dan Crawford: missionnaire et pionnier en Afrique centrale]* (London: Oliphants, 1929), p. 431.


Bibliographie

D. Crawford, Thinking Black: 22 Years without a Break in the Long Grass of Central Africa [Penser Noir : 22 ans sans relâche dans la savane de l’Afrique centrale](London : Morgan and Scott, 1914).

——–, Back to the Long Grass: My Link with Livingstone [Retour à la savane: mon lien à Livingstone](London : Hodder and Stoughton, n.d. [vers 1918-1922]).

G. E. Tilsley, Dan Crawford : Missionary and Pioneer in Central Africa [Dan Crawford : missionnaire et pionnier en Afrique centrale] (London : Oliphants, 1929).

Thomas Pakenham, The Scramble for Africa [La ruée vers l’Afrique] (London : George Weidenfeld and Nicolson, 1991), pp. 404-406, 408-409.

R. I. Rotberg, “Plymouth Brethren and the Occupation of Katanga” [“Les Frères Plymouth et l’occupation du Katanga”] dans le Journal of African History [Journal de l’histoire d’Afrique] Vol. 2 (1964), pp. 285-297.

W. T. Stunt, G. P. Simmons, A. Pulleng, D. K. Boak, A. Pickering, and S. F. Warren, Turning the World Upside Down: A Century of Missionary Endeavor [Le Monde mis à l’envers: un siècle de travail missionnaire] (Eastbourne: Upperton Press and Bath: Echoes of Service, 1972), pp. 389-392, 404,566.

F. A. Tatford, That the World May Know, Vol. 6: The Dark Continent [Que le monde puisse le savoir, vol. 6: Le continent sombre] (Bath: Echoes of Service, 1984), pp. 340-342, 363-364, 444-445.


Cet article, reçu en 2005, a été recherché et rédigé par J. Keir Howard, médecin consultant et prêtre anglican retraité, qui détient un doctorat en médecine et un doctorat en théologie. De 1961 jusqu’en 1966, il a fait un service missionnaire médical en Zambie.