Collection DIBICA Classique

Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.

Kambeke Modeangbamo, Joseph Doko

1922-1999
Eglise du Christ au Congo (Cecu)
République Démocratique du Congo

Doko Kambeke Modeangbamo Joseph était un des premiers pasteurs autochtones de l’Eglise du Christ en Ubangi à former d’autres pasteurs et le premier Congolais à diriger cette église durant sa période de transition entre la mission américaine et l’église congolaise.

Doko naquit en 1922 à Bokandu dans le territoire de Gemena, dans la province de l’Equateur, au Congo Belge (l’actuelle République Démocratique du Congo). Ses parents Zamea et Ndoale avaient dix enfants. Doko était le sixième enfant et le seul à bénéficier d’une bonne formation scolaire. Après ses études primaires faites dans son propre village et sanctionnées par un certificat en 1937, Doko donna sa vie à Jésus la même année, grâce au ministère de l’évangéliste Mbembo. Cet évangéliste local était un des catéchistes formés par les missionnaires pour participer à l’évangélisation de leurs contrées respectives. 1937 était une année très importante dans la vie de Doko, étant non seulement l’année où il reçut son certificat d’études primaires et où il fut baptisé, mais aussi l’année où les missionnaires de Evangelical Covenant Church s’installèrent pour la première fois au Congo, non loin de son village, à Karawa.

La vie de Doko suivit un parcours assez étonnant. Bien que doté d’une intelligence remarquable, Doko connut beaucoup de difficultés et d’imprévus dans sa vie. Par conséquent, il ne cessa de parler de la grâce de Dieu pendant son ministère. D’une condition physique faible, Doko avait un caractère conciliable et un penchant pour la non-violence. Il fut un des rares pasteurs congolais de sa région à recevoir une formation diversifiée et il servit honorablement à un niveau élevé de responsabilité.

Après ses études primaires, il eut fut sélectionné en 1938 pour l’Ecole d’Apprentissage Pédagogique (EAP) qu’on appelait “l’école de colonie.” Cette école avait pour l’objectif de former les Congolais à un niveau post-primaire, leur donnant ainsi les compétences essentielles pour enseigner à l’école primaire. Malheureusement, par manque de soutien, Doko dut quitter ce programme à la fin de la première année. Cependant il put reprendre ses études deux ans plus tard, après avoir été soumis au rite de la circoncision appelé gaza.

Chez les Ngbaka, en ce temps et même dans certaines contrées aujourd’hui, on considérait que tout garçon qui ne passait pas par le rite de la circoncision n’était pas bien préparé pour assumer les responsabilités d’un homme. Au cours de ce rite d’initiation qui durait de six à douze mois, les participants apprenaient tout sur les différents métiers, sur la construction des cases, sur la gestion d’une famille et d’une épouse (ou de plusieurs épouses), sur les relations interpersonnelles, et sur comment maîtriser les moments durs de la vie, entre autres choses. Suite à l’extrême rigueur de cette formation de caractère ponctuée par les flagellations et par les exercices d’endurance à outrance, certains enfants y trouvaient facilement la mort. Doko en sortit pourtant sain et sauf. Comme par enchantement, cette période de gaza fut immédiatement suivie par sa réadmission à l’école de colonie dont il sortit en 1942.

La formation de l’EAP lui permit d’assurer les fonctions d’enseignant dans une des écoles de la mission en 1943. Selon la stratégie missionnaire de ce temps, les enseignants bénéficiaient d’une formation biblique tout en exerçant leur profession. Doko faisait partie d’un groupe d’enseignants qui prenaient des cours bibliques sous la supervision des missionnaires de Covenant Church et d’autres laïcs comme Sakofio Way et Ngila Noa. Ces cours bibliques ont sûrement inspiré la vocation pastorale de Doko. Après son mariage en 1948 avec Twakunda Kwangatemo, Doko fut admis à l’institut biblique de Tandala pour une formation pastorale de cinq ans qui comprenait une année entière de stage pratique (1950-1955).

A l’issue de sa formation pastorale, Doko fut affecté dans la région de Gbado pour évangéliser et encadrer les Mbanza. Cela veut dire que Doko, de la tribu Ngbaka, oeuvra comme missionnaire parmi les gens d’un autre groupe ethnique. Ce ministère transculturel ouvrit les horizons de Doko. Cette ouverture et un malentendu qu’il eut avec les missionnaires le conduisirent à suivre une formation de magasinier. Malheureusement, la demarche n’aboutit pas mais il décida tout de même de rompre avec les missionnaires.

Après quelques années de chômage, sa mère et d’autres amis conseillèrent à Doko de reprendre le ministère pastoral. Le manuscrit de son témoignage contient les phrases suivantes attribuées à sa mère: “Mon fils, si tu oses t’investir dans le commerce au lieu de servir Dieu, tu n’en tireras aucun profit.” Cette parole de mise en garde le poussa à renouer avec les missionnaires qui l’engagèrent comme enseignant à l’école primaire de Gbado.

Cette reprise d’activités avec les missionnaires permit à Doko d’oeuvrer à plein temps pour l’église-jusqu’à sa retraite précipitée-en rendant des services dans le domaine de la formation des serviteurs de Dieu, dans la pastorale des églises locales et dans l’administration ecclésiastique. Dans l’exercice de ces fonctions, il faisait des voyages dans d’autres provinces du Congo où il représenta à plusieurs reprises l’église de l’Ubangi aux assises nationales de l’Eglise du Christ au Congo. Après ses voyages, pour palier aux lacunes de son niveau d’études, il obtint une bourse de trois ans pour l’Institut Biblique Belge, à Bruxelles (1964-1967).

Lorsque les missionnaires furent obligés de remettre aux Congolais le leadership de l’Eglise du Christ en Ubangi en 1960, Doko fut désigné pour assumer cette responsabilité. Cependant, en raison de son état de santé, la charge fut aussitôt remise à quelqu’un d’autre.

Son voyage aux Etats-Unis en 1975 lors de la grande célébration du quatre-vingt-dixième anniversaire de Evangelical Covenant Church fit de Doko à la fois un leader et un réformateur. Pendant qu’il participait à la célébration aux Etats-Unis, l’assemblée générale de sa dénomination, la Communauté Evangélique de l’Ubangi-Mongala (CEUM), lui confia la responsabilité de président et représentant légal-un poste qu’il assuma pendant huit ans. Dans son programme d’action, Doko insistait sur la promotion du rôle des laïcs et s’efforçait d’éliminer le légalisme dans l’église. Pour lui, sans la participation des laïcs, les églises de l’Occident, et plus particulièrement Evangelical Covenant Church, ne seraient pas parvenues à leur état actuel. Doko était si peu enclin au conflit qu’il hésitait à prononcer des sentences contre ceux qui titubaient dans leur foi. Ce tempérament donna malheureusement lieu à un certain laissez-aller dans son leadership. Vers la fin de son deuxième mandat de quatre ans, il préfera résider dans son village et laisser la gestion des affaires courantes au directeur de son bureau. Avec ses problèmes de santé, Doko continua de s’affaiblir et fut mis à la retraite jusqu’à sa mort en 1999.

Après la mort de son épouse Twakunda qui lui donna huit enfants, Doko épousa Futu Yange qui mit au monde quatre enfants. A sa mort, Doko laissa vingt-neuf petits enfants.

Doko fut un faible serviteur entre les mains du Dieu Tout-Puissant. Cependant, son ministère a produit des ouvriers de la moisson qui se comptent par centaines, avec des fruits qui ont germé non seulement dans la région du nordouest du Congo, mais aussi ailleurs dans le pays et dans d’autres parties du monde où Dieu le conduisit de son vivant. Dans son testament, Sigurd Westberg, ancien missionnaire de Evangelical Covenant Church, a consacré un paragraphe au ministère du pasteur Doko, directeur de l’institut biblique où Sigurd enseignait: “Parler avec Doko, c’était comme s’asseoir au pied de l’apôtre Paul. J’ai eu la conviction que l’église avait besoin de ce genre de dirigeants pour grandir et s’affermir.”

Fohle Lygunda li-M


Bibliographie

Fohle Lygunda li-M, Chemin de la responsabilisation, histoire de l’Eglise en Ubangi et Mongala, 1922-1997, inédit, 1997.

Sigurd Westberg, “Memoirs,” inédit, s.d.

Wagbala Nalenge, réponse au questionnaire, mars 2005. Rév Wagbala est le gendre de Doko.


Cet article, reçu en 2005, est le produit des recherches du Révérend Fohle Lygunda li-M. Récipiendaire de la bourse du Projet Luc en 2004–2005, directeur exécutif du Centre Missionnaire au Coeur d’Afrique (www.cemica.org) à Kinshasa (Rép. Dém. du Congo) et coordinateur régional du DIBICA pour l’Afrique francophone.