Collection DIBICA Classique

Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.

Joubert, Léopold Louis

1842-1927
Église Catholique
République Démocratique du Congo

Le capitaine Léopold Louis Joubert, soldat et auxiliaire de mission, est né en France, à Saint Herblon, enfant de Jean et de Rose-Marie Joubert. En 1860, à l’âge de dix-huit ans, le jeune Joubert a quitté l’école pour s’engager dans l’armée que le pape Pie IX était en train de créer pour la défense des Etats pontificaux. Il a servi pendant onze ans dans le bataillon franco-belge du pape. Blessé lors de la bataille de Castelfidardo en 1860, il a passé du temps dans un hôpital piémontais, mais il est rentré à Rome en 1861. Il était en garnison jusqu’en 1865, et a choisi de rester à Rome comme Zouave pontifical quand les français ont quitté l’Italie l’année suivante. Il a combattu à la Porta Salaria quand les piémontais ont marché sur Rome en 1870. Quand les Zouaves ont été dispersés, Joubert est parti pour Alger en 1880, pour offrir ses services au cardinal Lavigerie, fondateur des Missionnaires d’Afrique (Pères Blancs).

Lavigerie avait besoin d’auxiliaires armés pour accompagner ses caravanes missionnaires en Afrique équatoriale, et pour organiser la défense des stations missionnaires qui s’y trouvaient. Le Sultan du Zanzibar exerçait une hégémonie nébuleuse sur le territoire central de l’Afrique de l’est, donnant ainsi pratiquement la permission aux aventuriers africano-arabes de Zanzibar d’y opérer la traite d’ivoire et d’esclaves, notamment Tippu Tip et Rumaliza. Joubert a rejoint la troisième caravane des Missionnaires d’Afrique en novembre 1880, une caravane qui a enfin réussi à rejoindre Tabora en décembre de l’année suivante. Il est arrivé à Ujiji au lac Tanganyika en février 1882. Il a traversé le lac, et a fortifié la station missionnaire de Mulwewa avec des palissades et des douves. Il a aussi donné une formation aux armes à la milice indigène, et a aidé à fonder des stations missionnaires aux extrémités sud et nord du lac. Joubert a aussi supervisé la construction de la mission forteresse à Kibanga (Lavigerieville), qui a été assiégée par des négriers pendant plusieurs semaines. Tippu Tip et Rumaliza se sont livrés à des massacres dans la région du Congo supérieur, et trois stations missionnaires ont été abandonnées.

Aveuglé par le vénin d’un cobra crachant, Joubert est rentré en France pour se faire traiter en 1885. A son retour en Afrique l’année suivante, Joubert a eu le choc de trouver que le Congo supérieur faisait maintenant partie de l’Etat Libre du Congo de Léopold II, et que Tippu Tip était gouverneur ! En 1887, Joubert était à Karema et à Mpala, sur les bords est et ouest du lac Tanganyika, deux anciennes stations de l’Association Internationale Africaine de Léopold, qui avaient été cédées aux Missionnaires d’Afrique comme missions. A Mpala, Joubert a fortifié la mission et a formé une force élite de défense. Il a aussi exercé un pouvoir civil dans la région, au point que Lavigerie voulait faire de Mpala la capitale d’un “royaume chrétien.” Joubert n’avait pas l’intention de devenir roi, et de toute manière, il était trop occupé à repousser les attaques des négriers dans des batailles rangées contre eux, sur terre ainsi que sur les eaux du lac.

En 1888, Joubert a épousé Agnès Atakao, fille de Kalembe, un indigène de Mpala. Ils ont eu dix enfants, dont deux - Jean et Albert - sont devenus prêtres catholiques. De 1889 à 1890, les batailles avec les marchands d’esclaves Mruturutu et Katele, alliés de Rumaliza, ont recommencé. Après avoir fondé une nouvelle mission, Saint Louis de Mrumbi, Joubert est rentré organiser la défense de Mpala contre une attaque massive montée par Rajabu et Rumaliza, à partir du lac. En 1891, l’ensemble du littoral ouest du lac Tanganyika, à part Mpala et la plaine de Mrumbi, était entre les mains des négriers. En 1892, Joubert a été rejoint par les officiers belges Jacques, Vrithoff, Delcommune, Diederich et Cassart. Après une autre bataille rangée, la forteresse d’Albertville a été établie, mais elle a été assiégée seulement quelques mois plus tard par Rumaliza. Joubert et Jacques ont riposté, mais ils ont été repoussés.

Même si Joubert n’avait pas créé la situation, il a reçu mauvaise presse en France pour ces exploits. Le journal parisien Le Soir a critiqué les “aventures militaires du cardinal Lavigerie” en juillet 1892. Joubert a demandé le soutien des comités anti-esclavage en Europe, et il a finalement été rejoint par Descamps, qui est venu par le sud et le centre de l’Afrique avec plus d’officiers belges, des canons, des fusils et des munitions. Par conséquent, les négriers ont souffert leur défaite finale en 1893. En 1896, Joubert a été décoré par l’état belge, et plus tard, par le pape. Cependant, en 1896 une nouvelle situation urgente s’est développée : une mutinerie massive de la Force Publique congolaise. Deux mille rebelles armés, dirigés par Mulamba, ont menacé la région, mais ils se sont retirés éventuellement au lac Kivu, vers le nord. En 1910, Joubert a fondé la station missionnaire de Sainte Marie de Momba, près de Baudouinville (Kasongo). C’est là qu’il a survécu à un accident de construction, mais il est devenu aveugle avant d’y mourir en mai 1927. Il a été enterré dans le caveau de la cathédrale de Baudouinville.

Aylward Shorter M.Afr.


Bibliographie

T. L. Houdebine et Marcel Boumier, Capitaine Joubert (Namur, Grands Lacs, sans date). Archives du Capitaine Joubert, (005119 92 TAN JOU), Archives des Missionaires d’Afrique, WA 644.


Cet article, soumis en 2003, a été recherché et écrit par Aylward Shorter M.Afr., président émerite de Tangaza College Nairobi, université catholique de l’Afrique de l’est.