Mbombo wa Tshipongo, Esther
Fille de Tshipongo David et de Ntumba Anne, Mbombo wa Tshipongo Esther vient d’une famille dont le père était un ancien de l’Église presbytérienne (APCM) de Konyi, au Kasaï Occidental. C’est à l’APCM qu’elle a appris à fréquenter l’église de son père dans laquelle elle est devenue chantre dès sa tendre enfance.
Devenue majeure, Mbombo wa Tshipongo s’est mariée avec Tshiamala Pierre avec qui elle a eu neuf enfants, six garçons et trois filles. Elle s’est installée à Munkamba, village de Pierre, qu’ils quittèrent peu après leur union pour aller à Bujumbura (Burundi) après un court séjour à Goma au Kivu (RD Congo).
En 1962, ils quittèrent Bujumbura et s’établirent à Bakwanga (actuel Mbuji Mayi) où ils retrouvèrent Tshimbalanga Théodore et Mbuyi, couple ami qu’ils avaient connu à Munkamba. Par la grâce du Seigneur, à cette date, le foyer de Mbombo wa Tshipongo était déjà enrichi de cinq enfants, tous nés sur le sol burundais.
À Bakwanga, Mbombo wa Tshipongo a continué à fréquenter l’église APCM jusqu’en 1967. A cette date, ayant acheté leur propre parcelle, Esther, son mari et ses enfants déménagèrent et habitèrent dans leur maison, située à Diulu 2, à proximité de la concession de la toute première église de l’Association Évangélique Mennonite du Sud Kasaï (AEMSK, l’actuelle Communauté Évangélique Mennonite; CEM). Elle était très intéressée par le programme de cultes scolaires organisés chaque matin à l’école secondaire de l’AEMSK où elle avait réussi à placer ses enfants.
Elle était intéressée aussi par la valeur des enseignements bibliques donnés par Kazadi Matthieu, Pasteur de l’Église Sangilayi où elle allait parfois prier à cause de la distance qui séparait son ancienne église et sa nouvelle résidence. Un jour, Mbombo wa Tshipongo a décidé de devenir membre de Sangilayi de l’AEMSK.
Son désir s’est matérialisé lorsqu’un jour elle est allée voir Kazadi Matthieu à qui elle a communiqué sa décision et son désir de se faire baptiser selon les rites des Anabaptistes. Ensuite, Mbombo wa Tshipongo a été accueillie et présentée à l’assemblée. Dès lors, elle en est devenue une membre influente. Elle a été baptisée quelque temps plus tard, avec ses enfants qui avaient déjà atteint l’âge de la raison.
Sans attendre, Mbombo wa Tshipongo, qui s’était facilement intégrée dans sa nouvelle église, s’est mise à servir Dieu sans réserve. En 1967 déjà, grâce à son don de chanter pour le Seigneur, elle est devenue membre de la chorale de la paroisse où elle a émerveillé les gens, non seulement par ses prouesses de bon chantre, mais aussi par sa générosité et son service. Femme de condition modeste, elle a accepté et réalisé la prise en charge des hôtes de son église en offrant, seule, tout un poulet pour leur réception. Et vite, les autorités de l’église l’ont chargée du protocole de la paroisse. Pendant plusieurs années, elle s’est soigneusement occupée de la réception, de l’installation des fidèles dans le temple, de la propreté du temple et de la surveillance des enfants pendant le culte.
Quelques années plus tard, Mbombo wa Tshipongo a fondé la chorale des Mamans (Chorale wa ba Mamu, CHOBAMU) dont elle a elle-même assurée la direction et la conduite des cantiques, car elle savait très bien battre la mesure. Cette œuvre existe encore, cinq ans après sa mort.
C’était une servante inconditionnelle du Seigneur et très attachée à Dieu. Encore toute jeune, Mbombo wa Tshipongo est devenue présidente des Mamans de la paroisse Sangilayi d’abord, et présidente des mamans de toute la province du Kasaï Oriental ensuite. Femme d’une foi inébranlable, elle s’est vouée à la cause des mamans à qui elle a sans cesse apporté du secours en cas de problèmes dans les foyers, et de l’assistance en cas de nécessité. Lorsque survenaient des circonstances heureuses ou malheureuses parmi ses administrées, c’est elle qui était souvent la première à apporter contribution et soutien. Avec ou sans moyens, en tant que responsable, Mbombo wa Tshipongo était toujours présente à toutes les rencontres qu’elles tenaient, dans la ville ou loin de la ville.
Grande évangéliste et grande propagandiste de l’anabaptisme, Mbombo wa Tshipongo a gagné de nombreuses âmes à Christ pour le compte de sa paroisse, lesquelles y demeurent à ce jour encore. C’est le cas de Tshimbalanga Mbuyi, Bibomba Anne et bien d’autres mamans qui chacune, bien que d’origine presbytérienne, reconnaissent être des Anabaptistes mennonites et servantes de Dieu avec leurs biens, grâce aux enseignements reçus et aux leçons tirées de Mbombo wa Tshipongo. Elle a encouragé et soutenu la foi de ses pairs et suscité leurs services à travers ses exhortations: “Je vous exhorte, mes enfants, vous qui avez étudié plus que moi, à vous adonner au service du Seigneur car, on ne sait jamais, il peut m’arriver de quitter ce milieu ou laisser ce monde.”
La fermeté de sa foi en Dieu lui a causé de sérieux problèmes dans son foyer avec Pierre son mari, ceux de sa famille et avec d’autres femmes, ses administrées. Les uns et les autres, à cause du temps énorme qu’elle consacrait au service du Seigneur, de ses absences et arrivées tardives à la maison, la traitaient d’infidèle et d’idiote. Pourtant, Mbombo wa Tshipongo n’a jamais désarmé. Elle disait sans cesse: “Dieu est tout pour moi.”
Mbombo wa Tshipongo a prouvé sa bravoure et son attachement à Dieu lorsqu’un jour, ayant été retenue par le service, elle fut obligée de rentrer tard de nuit à la maison. Pour la protéger de l’énervement de Pierre, certaines de ses administrées, dont Kaseka Véronique, ont décidé de l’accompagner à la maison. Après qu’elles ont vainement supplié Pierre, qui n’a pas voulu parler ni ouvrir la porte, Mbombo wa Tshipongo a gentiment renvoyé ses défenseuses, disant: “Si Pierre n’ouvre pas la porte de la maison, je passerai la nuit devant la porte.”
Quelles que soient les tracasseries, les calomnies, les fausses accusations et les insultes dont elle était l’objet de la part de son mari, des membres de la famille de Pierre et de tiers, Mbombo wa Tshipongo restait ferme et persuasive. Sa foi rayonnait réellement partout dans le quartier, dans l’église et dans son foyer. Pour justifier ses allées et venues, elle rétorquait aux parents de Pierre: “Tout ce qu’il faut faire pour la famille, je le fais: vous nourrir et faire instruire vos enfants. En dehors de tout ce que je fais pour la famille, j’ai le devoir de travailler aussi pour le Seigneur.”
Infatigable mobilisatrice de mamans, Mbombo wa Tshipongo avait réussi à amener à Christ non seulement les mamans qui sont aujourd’hui dans la CEM, mais aussi son propre mari et ses fils: Muamba Bienvenu, son premier fils né sur le sol congolais et Tshipongo David, son cadet, à qui elle a donné le nom de son père. Le premier fils, Muamba Bienvenu, est le substitut à la CEM de Tshipongo David, son deuxième fils, qui avait déserté contre la volonté d’Esther, bien qu’il y avait été formé. Elle avait souhaité voir au moins un de ses fils devenir serviteur de Dieu dans son église.
Se souvenant plus tard avec chagrin du rôle mobilisateur joué de manière correcte et avec ferveur par Mbombo wa Tshipongo, le Pasteur Mubenga wa Kabanga Benjamin, Président de la CEM constatant l’absence de nourriture pour les participants à une réunion de la communauté, a déclaré: “Ce manque de la nourriture que je constate me fait penser à Mbombo wa Tshipongo qui n’a jamais ménagé d’effort pour mobiliser les mamans qui se réunissaient pour apporter à manger en pareille circonstance.”
Le savoir-faire de Mbombo wa Tshipongo dans la direction des mamans lui a valu d’être nommée vice-présidente des mamans de la CEM (1997) par la haute direction de l’église. Ces nouvelles fonctions lui ont procuré une fois de plus la sympathie des mamans qui avaient confirmé ses qualités de chrétienne affermie.
Toujours égale à elle-même, Mbombo wa Tshipongo s’était employée avec acharnement à évangéliser et à exhorter les mamans, tant de la CEM que de l’Église du Kasaï Oriental, à participer à l’œuvre du Seigneur. Parlant d’elle à ce sujet, Mbombo Bintu José rapporte que Mbombo wa Tshipongo était préoccupée par l’avenir des mamans. Elle se demandait ce qu’elles deviendraient au cas où elle quittait le milieu ou si le Seigneur la rappelait auprès de lui.
Préoccupée par la recherche de la paix au sein de la CEM déchirée par des conflits de leadership, elle avait entrepris en 1993 de réconcilier les Pasteurs Nkumbi Zacharie et Ntumba André, chefs de files de tendances opposées. Passée à tabac lors de l’incursion dans sa paroisse des partisans du premier, Esther n’a pas hésité à accorder son pardon à ses bourreaux à l’issu de la réunion de réconciliation organisée par la CEM en 1998 et en 2006. Partisane de la non-violence, Mbombo wa Tshipongo n’a jamais rendu le mal pour le mal, qu’il s’agisse des affronts subis dans l’exercice de ses fonctions ou dans sa vie conjugale. Face aux nombreuses calomnies dont elle était l’objet, sa seule réaction était de fondre en larmes ; elle avait le souci permanent de réconciliation, même quand elle n’était pas forcément coupable.
Suite à l’appel des autorités de l’Église du Christ au Congo (ECC) pour le Kasaï Oriental, Mbombo wa Tshipongo est devenue membre de la chorale “Mille Voix” où elle a joué le rôle de conductrice des cantiques. Elle y avait amené ses sœurs anabaptistes comme Bibomba Anne et Ntumba Kabuya Esther. Son influence dans la chorale “Mille Voix” qui regroupe les mamans de toutes les tendances protestantes confondues, était grande, tellement grande qu’aujourd’hui, après sa disparition, tout le monde se souvient d’elle, surtout lors de grandes manifestations de l’église.
La plus grande contribution de Mbombo wa Tshipongo à l’ECC, ce qui lui a malheureusement coûté le rejet de ses frères et sœurs biologiques, était les leçons de justice et de vérité qu’elle a donnée à toute l’Église, suite au conflit de leadership qui oppose à ce jour son propre frère, Pasteur Tshibemba et le Pasteur Mbaya Dieudonné, tous deux de la Communauté presbytérienne au Congo (31e CPC) au Kasaï Oriental. En effet, Mbombo wa Tshipongo, à qui ses frères avaient demandé de cesser ses prestations dans la chorale “Mille Voix” pour appuyer son frère qui se battait contre Dieudonné, à la fois président légitime de la CPC et président provincial de l’ECC, avait désobéi à cet ordre en soutenant: “Si réellement nous sommes chrétiens, nous ne pouvons jamais nous diviser en nous fondant sur nos ‘appartenances tribales.’”
Après soixante-dix ans d’existence caractérisés par un grand attachement à Dieu, qu’elle a servi sans condition, Mbombo Wa Tshipongo Esther s’est éteinte en 2006, laissant derrière elle beaucoup de convertis à Dieu parmi lesquels ses propres fils.
Cimbalanga Wa Mpoyi Jean Félix
Source
Cette biographie est réimprimée avec des changements mineurs, avec la permission de la Africa Inter-Mennonite Mission, de Jean Félix Cimbalanga Wa Mpoyi, “Esther Mbombo wa Tshipongo: Si Pierre ne m’ouvre pas la porte de la maison, le Seigneur me l’ouvrira,” dans 100 ans de mission mennonite en République Démocratique du Congo: témoignages des apports locaux 1912-2012, sous dir. Rod Hollinger-Janzen, Nancy J. Myers, et Jim Bertsche (Elkhart, IN: Institute of Mennonite Studies, 2012), 95–99.
L’article original se trouve à l’adresse suivante: https://anabaptistwiki.org/mediawiki/images/9/90/Esther_MBOMBO_TSHIPON GO.pdf
Cimbalanga Jean Félix est titulaire d’une licence en Linguistique de l’Université de Lumumbashi (1982) et d’une licence en Théologie de l’Université Protestante au Cœur du Congo (2013). Il est coordonnateur pédagogique de la Communauté Évangélique Mennonite (CEM) depuis 1997, pasteur de la même confession depuis 2012 et représentant légal de la CEM depuis 2013. Depuis 2018, il est président du Conseil central international. de la Mission inter-mennonite d’Afrique (AIMM).